Que faire ? Devant le constat d’un monde qui se désagrège, que faire ? Un regard lucide sur le monde et sur nos contemporains risque fort de nous faire perdre espoir dans la suite. Nous nous réfugions donc dans le carpe diem. Profitons de ce que nous avons aujourd’hui et on verra bien demain.
Mais comme nous voyons bien que ça ne va pas, alors on se met à accuser les autres de faire vraiment n’importe quoi. Les plus anciens accusent la nouvelle génération : « Les jeunes d’aujourd’hui… franchement, c’est n’importe quoi ! » Rengaine aussi vieille que le monde qui n’est que l’expression d’un manque de capacité à se remettre soi-même en cause et qui cache bien souvent un manque puissant d’espérance.
La fougue des plus jeunes aussi risque fort de laisser place à un climat un peu morbide où le futur trop incertain empêche de se projeter et donc de vivre ses rêves, même les plus fous. « Je ne peux pas. Tu comprends, aujourd’hui il n’y a plus de travail, les prix montent. Je ne peux pas. Tu comprends, à quoi bon dans ce monde qui trop comme ceci ou trop comme cela. » Là aussi l’excuse, bien réelle est trop facile et permet à beaucoup de se contenter de la médiocrité sous prétexte d’impossibilité d’espérer.
Alors que faire ? Que faire pour ne pas se laisser entraîner dans l’inaction et le désespoir d’un monde qui court à sa perte et veut nous emporter avec lui ?
Sortir de ce monde et espérer.
Attention, il ne s’agit pas d’arrêter de vivre. Bien au contraire, il s’agit de vivre vraiment. Parce que ce que le Christ nous propose, ce n’est pas un espoir que ça ira comme le chantaient les révolutionnaires en quête d’une société plus juste : ça ira, ça ira… » Il ne s’agit pas d’un espoir, mais d’une espérance. L’espérance, c’est cette certitude que tout ne se joue pas dans ce monde avec les règles que le monde édicte. Au milieu de ce monde qui a ses grandeurs mais aussi ses pauvretés et ses désastres se joue quelque chose de beaucoup plus grand.
Le chrétien vit dans ce monde, mais il a la tête dans le ciel. Il mange comme les autres, il aime comme les autres, il possède comme les autres, mais il cherche autre chose. Il a soif d’autre chose. Et c’est cet autre chose qui le fait vivre et qui fait que quand il mange, il ne le fait pas comme les autres, que quand il aime, il ne le fait pas comme les autres. L’espérance le raccroche au ciel et lui permet de vivre de l’amour véritable dans les réalités de ce monde.
Si l’enfant dans le ventre de sa mère peut vivre dans un milieu liquide, c’est parce qu’il est raccroché à sa mère par son cordon ombilical. Sans cela, il mourrait. Si le chrétien peut vivre dans ce monde qui ne mène nulle part, c’est parce qu’il est raccroché au ciel par l’espérance.
Encore faut-il que nous soyons raccrochés au ciel. Encore faut-il que nous jetions l’ancre de l’espérance vers le ciel. et que nous recevions de Dieu la grâce de vivre ici-bas le Royaume qui nous est promis. « Frères [dit saint Paul], en tant que coopérateurs de Dieu, nous vous exhortons encore à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Jésus. » (2Co 5)
Nous pouvons vivre dans l’espérance parce que la grâce nous est donnée. Nous recevons de Dieu la nourriture et l’oxygène nécessaire à cette belle vie qu’il nous donne et nous propose. Mais certains préfèrent se tourner vers ce monde et se raccrochent à de petits espoirs.
Le carême qui commence aujourd’hui, c’est pour nous l’occasion de jeter notre regard vers le ciel. Si nous jeûnons, si nous faisons l’aumône, si nous prions un peu plus pendant ces 40 jours, c’est justement pour vivre de l’espérance que ce monde n’est pas tout et qu’il y a quelque chose d’autre à vivre. C’est pour découvrir ou redécouvrir la joie de vivre de la vie de Dieu. Nous pouvons vivre dès maintenant, dès ici-bas la vie que Dieu nous donne. Jeûner, faire l’aumône et prier, c’est pour apprendre à nous raccrocher au ciel et alors nous pourrons vivre pour de vrai.
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