Les textes d’aujourd’hui nous parlent de deux choses. Attention, c’est un peu subtil ! On pourrait résumer en un seul mot ces deux réalités par le mot « hospitalité ». L’hospitalité dans le sens d’accueillir l’autre chez soi n’a plus de secret pour ceux qui ont suivi la retraite des routiers sur Abraham. Rappelons simplement ce que dit la Lettre aux Hébreux : « N’oubliez pas l’hospitalité : elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges. » C’est le premier aspect des textes de ce dimanche mais je ne m’étale pas plus dessus.
Il y a une deuxième réalité, liée à la première dont on ne parle pas beaucoup et qui pourtant me semble essentielle. Au milieu d’un discours sur l’hospitalité, Jésus dit à ses apôtres : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi. » On peut comprendre que Jésus veut que nous fassions de la place pour l’accueillir lui et que ceux qui ont d’autres amours plus fort et n’ouvrent pas la porte à Jésus ne sont pas digne de lui. C’est tout à fait juste et doit faire l’objet de méditation, ou d’heure route !
Mais si nous sommes chrétiens, nous avons le désir d’écouter, mais aussi d’imiter le Christ. Or le Christ se présente comme celui qui est accueilli et non pas comme celui qui accueille. Ainsi, quitter son Père et sa Mère revient à quitter le confort d’un lieu chaleureux où nous sommes en sécurité pour prendre la porte et nous lancer sur une route qui ne nous assure pas d’un repas chaud le soir et d’un lit douillé.
Être digne du Christ, c’est quitter pour accepter d’être accueilli. S’il n’est pas toujours facile d’accueillir, ô que c’est difficile d’être accueilli !
Regardez le Christ : Il est Dieu, il est le Fils et rien ne lui manque auprès de son Père au ciel. Mais voilà, que par amour pour nous, il s’est fait l’un de nous. Il est descendu du ciel pour que notre humanité puisse l’accueillir. Il a quitté son confort divin pour s’installer dans l’inconfort de notre humanité. Il a quitté l’éternité pour rejoindre le temps. Il a quitté l’immortalité pour mourir sur une croix. Il a quitté l’amour parfait du Père et a pris le risque d’être aimé par des hommes imparfaits et haï par des hommes stupides.
C’est ce que saint Paul décrit dans sa Lettre aux Éphésiens : « Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. »
Ainsi, il faut accepter de perdre un peu pour accueillir nos frères chez nous, mais aussi, il faut, comme le Christ, accepter de tout perdre pour être accueilli chez l’autre.
Ce chemin est le chemin de la pauvreté. De riche qu’il était, le Christ s’est fait pauvre pour avoir besoin de nous. Il s’est fait pauvre pour qu’on puisse l’accueillir, et c’est ainsi qu’il nous a enrichis de sa présence.
À notre tour, nous nous faisons pauvres pour être accueillis par Jésus. Parce que les riches n’entrent que difficilement dans le Royaume des Cieux. On n’entre pas dans le Royaume sans prendre cette croix de la pauvreté et de l’humilité qui est justement le chemin du Christ dans l’incarnation. On n’entre pas dans le Royaume des Cieux sans prendre le chemin de la croix du Christ. « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. »
Et c’est ce que nous faisons quand nous partons à la Route. On quitte papa et maman, ou en tout cas la douceur d’une maison et d’un toit. On accepte d’être accueillis dans un clan, avec des frères qu’on ne connaît pas toujours très bien. On marche dans cet esprit de pauvreté et de dépouillement. C’est un chemin qui nous conduit à rencontrer le Christ et à l’accueillir en nous.
Et c’est là toute la différence entre une Route et une randonnée. Dans une randonnée, on a tout prévu, on quitte un confort, mais on apporte avec nous tout ce confort dans notre sac. On y va avec des amis qu’on connaît et qu’on apprécie. A la route, on accepte d’accueillir et d’être accueillis. Il nous manque toujours un sac ou une chaussure ou un briquet. On marche alors pauvre et dans le besoin. On découvre notre pauvreté et la richesse de nos frères et de la présence de Dieu parmi nous.
La Route, c’est le chemin que le Christ indique à ses apôtres : accueillir. Mais c’est aussi le chemin que le Christ lui-même a pris : être accueilli. C’est un chemin de croix et d’abandon. C’est le seul chemin qui mène vers le Ciel !
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