Larmes, élan et actions discrètes
Les choses sérieuses recommencent…Le temps cyclique du calendrier nous a ramené au début de ce temps béni du Carême. Bénis ? oui, oui, bénis ! Il est venu le temps de la bénédiction de la conversion ! Et nous sommes pris dans un mouvement général de toute l’Eglise, les enfants de Dieu ne forme qu’un seul cœur pour se repentir et revenir vers le Père.
Et la liturgie de la Parole de ce mercredi des Cendres nous offre un parcours balisé : des larmes, un élan et des actions discrètes !
Le prophète Joël invite le peuple à la conversion, et insiste d’abord sur le regret, « déchirés vos cœurs et non vos vêtement », tout comme le Ps 50 que nous avons entendu. La première étape, c’est de connaître sa faute : « oui je connais mon péché, ma faute est toujours devant moi », dit le psalmiste. On ne peut soigner un malade en ignorant ses symptômes ! L’aveu de son péché est un moyen sûr d’abord de l’identifier. Le péché ignoré est dans les meilleurs conditions pour proliférer. Le mauvais agit le plus souvent à couvert. Alors cherchons et débusquons la fourberie, la complaisance avec le mal, les petites (ou grandes) négociations ou accommodements que nous avons avec le Malin, et pleurons dessus. Pleurer sa faute, c’est la regretter. Pas de pardon sans vrai regret ! Et faisons de ce Carême un temps de réconciliation, d’abord avec Dieu, dans le sacrement qui convient, et avec tous ceux à qui nous avons fait du tort.
Et il ne faut plus attendre une seule minute, c’est bien l’élan que nous donne Saint Paul dans son épître aux Corinthiens. « Le voici maintenant le moment favorable,
le voici maintenant le jour du salut. » La procrastination dans la vie spirituelle est encore pire que dans la vie professionnelle. Le Carême est bien le temps où l’on ne remet plus à demain ses choix et ses combats : voici le temps favorable, parce que toute l’Eglise entre dans ce combat, on n’y est pas seul, et des armes sont distribué à tous pour aller au front ! Et l’on se dit que tel vice ou tel péché on s’en occupera lorsque tel blessure sera guéris, ou tel situation arrangée ; eh bien c’est le meilleur moyen pour que ça n’arrive jamais et que l’on reste tranquillement empêtré dans son vice et son péché. Alors, il nous faut résolument, après avoir identifié dans les larmes nos vices, en choisir peut-être un, et un seul et lui mener la vie dure ! C’est-à-dire demander la grâce à Dieu de le faire disparaître en nous, et puis nous même de veiller à nos actes, et chaque jour de faire un examen de conscience sur l’avancé de nos troupes. C’est maintenant, quarante jours c’est court. Rappelons-nous le nombre de fois où nous sommes arrivés au dimanche des Rameaux en nous disant : « déjà ! Pffff encore un carême fait à moitié, je ne suis pas prêt pour Pâques ! » Et bien pas cette année ! Nous commençons maintenant cette entrée dans ce temps de pénitence.
Pour ce faire, nous posons des actes ! Nous ne pouvons pas en rester à de simples velléités, il nous faut agir intérieurement et extérieurement. Agir intérieurement c’est scruter ses pensées, et discerner ce qui vient de Dieu, ce qui vient de moi, ce qui vient du mauvais. La prière est donc cette aide précieuse pour identifier qui parle et qui agit. Elle me permet de connaître et de comprendre la volonté de Dieu. Cette prière est elle-même soutenue par le jeûne. Les deux sont liés, parce qu’il ne s’agit pas d’un jeûne intermittent pour des raisons physiologiques, il s’agit bien d’un jeûne chrétien. Cette privation de nourriture, parce que c’est d’abord et avant tout cela le jeune – réduire sa consommation de numérique est très louable mais ce n'est pas du jeûne, cette privation de nourriture donc nous fait ressentir en notre chair un manque, une absence de quelque chose qui nous est nécessaire pour vivre. Cette sensation éprouvée par nos sens, nous donne de comprendre ce que notre âme éprouve en l’absence de Dieu : elle a faim. Et comment la nourrir ? Par la prière ! Le temps dégagé par l’absence d’un repas, dans la limite des capacités de chacun, est un temps disponible pour la prière. Ne pas nourrir son corps pour mieux nourrir son âme.
Et parce que ma relation à Dieu n’est pas un cœur à cœur égoïste, l’aumône m’ouvre à Dieu dans le frère. En plus, ce que j’ai économisé par le jeûne est une aumône toute prête. On peut donner bien d’autres choses que de l’argent. Il s’agit avant tout d’être magnanime, large dans son don, et surtout discret. Nous avons tant reçu de la part du Très Haut que nous ne pouvons faire autrement que de donner. Le Royaume de Dieu avance quand de la gratuité se manifeste dans ce monde.
En somme, ce temps doit être mis à profit pour faire grandir en nous la charité, cet amour de Dieu et du prochain. Il cherche à étouffer en nous ce que S. Paul nomme « le vieil homme », ce qui répugne à la vie de la grâce, ce qui reste attaché à la terre, ce qui ne veut pas de Dieu, par commodité, par paresse, par plaisir, par peur, ou par orgueil. C’est un surcroît de charité que nous visons, alors ce n’est pas si terrible le Carême…Il est bon d’extirper en nous le ferment de péché et de mort que nous entretenons. Débarrassons-nous du vieux levain, pétrissons notre pâte pour le grand jour de la Résurrection, jour du relèvement.
Que l’Esprit Saint nous accompagne dès cet instant, qu’il nous guide, nous éclaire et nous fortifie dans ces larmes, cet élan et ses actions concrètes. Afin que nous nous dirigions résolument vers les grandes solennités du Triduum Pascal, pour que cette année, nous les vivions pleinement !
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