La Vallée sombre
Conte de la Toussaint pour Holywins 2022 – Enfant de Dieu, enfant de lumière
Il était une fois, un monde où il faisait tout le temps noir. On appelait ce monde « la Vallée Sombre ». Dans ce lieu, il n’y avait que ténèbres épaisses, aucune lumière ne brillée. On ne voyait rien, tout n’était qu’obscurités et chaos. Les habitants de ce monde passaient leurs temps à se cogner aux murs, aux objets, ils se rentraient dedans en permanence. Ils n’étaient pas aveugles, leurs yeux fonctionnaient très bien, seulement il n’y avait pas de lumière, alors il n’y voyait pas. C’était un monde sans couleur, sans formes. Il n’y avait pas de peintres, parce que l’on n’y voyait pas. Même pas de chanteurs, car les habitants de ce monde passaient leur temps à se crier les uns sur les autres, et l’on ne pouvait entendre au milieu de ce vacarme la mélodie d’un chant. Et oui, à force de se rentrer dedans tout le temps, ils finissaient par se signaler au bruit, alors il y avait du bruit tout le temps et partout. Le silence n’existait pas non plus dans ce monde de ténèbres. Pas de lumière, pas de couleur, pas de silence. Aucun des habitants de ce monde ne connaissait la douce sensation de marcher pieds-nus dans une forêt de fanjans, en écoutant les chants des tuic-tuic et des tec-tec…rien de tout cela. Leur vie n’était qu’obscurité et bruit.
Et pourtant, les anciens racontés des histoires, des légendes et des mythes qui expliquaient que le monde n’avait pas toujours était ainsi. Qu’il y a bien longtemps, le monde était irradié de quelque chose que l’on appelait « lumière ». Ce mot n’avait plus de sens, on ne savait même plus à quoi il correspondait. Les enfants le répétaient comme une comptine, les anciens comme une formule magique…Mais les plus intelligents, et ceux qui criaient le plus fort, ne croyais pas à ces vieilles histoires de gra-moune. C’était pour les ti’marmailles, les adultes avaient bien autres choses à faire que de se demandais si le monde avait pu être autrement, ce qui compte, c’est comme il était en ce temps-là, c’est tout. Il fallait arrêter de rêver et vivre comme on a l’habitude de vivre. Après tout on s’en sortait pas mal dans ce monde…Et puis comme on ne savait pas ce que cela pouvait faire de « voir » puisqu’on n’avait jamais vu, qu’importe ! On ne cherche pas à connaître autre chose quand on est plongée dans les ténèbres, parce qu’on ne se doute même pas que « quelque chose d’autre » puisse exister. Comme un enfant dans le ventre de sa mère est loin de s’imaginer que la vie sera plus belle quand il sera sorti du ventre de sa maman.
Et pourtant, les histoires continuaient de se raconter. Les enfants écoutaient les anciens, ils leurs posaient des questions. « Dis Mémé, c’est quoi « voir » ? » « - Mon enfant nul ne le sais…et plus personne ne cherche à le savoir ». Les gra-mounes étaient d’ailleurs les seuls à répondre aux questions des marmailles. Toutes les autres personnes ne répondaient pas, ils étaient énervés tout le temps, toujours en train de se cogner partout, de chercher tout le temps quelque chose, de crier sur quelqu’un d’autre ou pour prévenir de leur arrivée,…
Parmi les enfants de ce monde de ténèbres, il y avait une petite fille : Emouna[1]. Et Emouna posaient plus de questions que les autres enfants. Elle cherchait, et une fois qu’elle avait une réponse, elle reposait de suite une nouvelle question. « - Et si le monde n’a pas toujours était tout noir, depuis quand est-il ainsi ? » A force de poser à tout le monde ses questions, elle fit la rencontre de Mnémésis[2], une très vieille dame. Et Mnémésis lui raconta l’histoire du monde avant les ténèbres. Un vieux mythe dit qu’il avait changé, d’un coup, qu’autrefois, il y a bien longtemps, ce monde était plein de cette mystérieuse « lumière » et que les habitants se sont mis à se cacher, à vouloir vivre dans des grottes, dans le noir…alors Lumière a fini par se dire que l’on ne voulait plus d’elle alors elle a quitté le monde, qui s’est retrouvé plongé dans les ténèbres. Et depuis rien n’a changé. Alors Emouna demanda :
- Mais, dit-moi, Mnémésis, on peut revenir au monde d’avant ?
- Crois-tu que nous le voulions Emouna ?
- Moi, je le crois !
- Alors écoute la fin de mon histoire : on raconte aussi, que la Lumière avant de partir a dit qu’un jour naîtrait un enfant, et qu’elle serait en lui. Et que nous devrons le chercher si nous voulons qu’elle revienne.
- Allons ! Cherchons - fini par dire Emouna après avoir tenu sa tête pensive entre ses mains – A quoi reconnaîtrons nous cette enfant ?
- Je ne parle que du passé, Emouna, pas de l’avenir… » répondit Mnémésis avec un large sourire (qu’Emouna ne vit pas, évidement…)
Des jours passèrent, des années même, et la petite Emouna ne trouva rien…Elle criait dans la rue, elle cherchait cet enfant, et tout le monde la prenait pour une folle. On ne lui répondait même plus au bout d’un moment…
Alors qu’elle marchait dans la rue, toute dépitée, et qu’elle commençait à se dire que finalement « tout cela n’était que des histoires pour les enfants et qu’elle avait elle aussi fini par grandir, et qu’il était venu le temps de rentrer dans le rang et d’arrêter de rêver…le monde est comme il est et il n’a jamais était autrement et il ne sera jamais autrement…Allons, et râlons comme les autres…Allons, à quoi bon de toute façon »…ce jour-là, le monde semblait encore plus ténébreux que les autres. Et justement ce jour-là qu’Emouna cogna quelqu’un, et elle commença à crier comme on fait d’habitude dans ce monde, et elle dit :
- Faites attention, mettez vos mains devant vous, comme tout le monde !
- Je suis désolé, répondu une petite voix, je ne peux tendre mes mains, je porte quelque chose.
- Qu’avait vous dit ?
- Que j’ai les mains pleines, pleine de bois d’ailleurs
- Non non, l’autre mot, le premier ? demanda Emouna avec insistance.
- « Je suis désolé » ?
- Oui, celui-là, qu’est-ce que ça veut dire ? je ne l’ai jamais entendu. En effet, plus personne se demandait pardon dans ce pays de ténèbres.
- Ça veut dire que l’on regrette, et ca montre que l’on aime, et il faut que l’autre l’accepte. Jamais personne m’a demandait de le répéter avant toi, accepte tu mon pardon ? »
- euh…oui ! Répondis Emouna toute troublée.
Et à ce moment, il se passa une chose très curieuse. Les yeux d’Emouna se mirent à brûler terriblement, elle pleura abondamment, et petit à petit des formes se distinguèrent, et même des couleurs…C’est donc ça, elle voyait ! Elle remarqua que de la poitrine du petit garçon sortait quelque chose de clair qui permettait de voir. Alors elle demanda : « Que se passe-t-il ?» et le garçon répondit : «- Tu as trouvé, tu m’as trouvé. C’est bien « voir » ce qui t’arrive, et ce qui sort de moi c’est la « lumière ». « - Mais quel est ton nom ? » « - Nicéphore[3] »
Tout le monde s’était arrêté dans la rue, il n’y avait plus un bruit, plus un cri, on s’approchait et au fur et à mesure que les yeux endoloris s’habituaient à la lumière, tous se mettaient à y voir progressivement. Ils se mirent à pleurer de joie, de trouble, d’émotions, d’allégresse. Et lorsque certains reprirent leurs esprits, on demanda : « Petit Nicéphore, d’où viens-tu ? » « - D’ici ! Mon Père s’appelle Kalos[4] et ma mère Lucie[5] » « - Et ce qui sort de toi, c’est bien « Lumière » ? » « - Oui, c’est « lumière », et vous l’avait aussi en vous ! Il suffit de faire comme Emouna et vous verrez ! » Alors tous n’en croyaient pas leur yeux ni leurs oreilles ! Ils se mirent à se demander pardon et à accepter le pardon de l’autre, et la lumière se mis à jaillir des poitrines et à se rependre dans tout le pays, si bien qu’en quelques heures tout le pays fût resplendissant ! Et l’on vit que le pays n’était pas une vallée, mais une montagne, et une très belle montagne, alors on lui donna un nouveau nom : « Piton Lumière », parce que tous ces habitants était devenu des enfants de la lumière.
Et ils n’habitent plus les cavernes, mais cette haute montagne, et tous découvrirent la beauté de montagne, et les visages, les sourires, les fanjans, les tec-tec…plus de cris, que de la joie. La vallée s’était comblé, a la lumière était enfin revenue sur « Piton Lumière ». Et les adultes alors vraiment ce dirent : heureusement que les marmailles continuent découter zistoires lontan !
[1] Ce qui signifie la « foi » (en hébreux moderne).
[2] Le « souvenir » en grec.
[3] Littéralement « le porteur de lumière » en grec.
[4] La « bonté » en grec.
[5] La « lumière » en latin.
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