Voilà qu’Abraham, en bon oriental qu’il est, se met à marchander avec Dieu et à faire baisser le prix. Il commence à 50 pour descendre petit à petit et obtenir le salut de la ville de Sodome pour 10 justes seulement. Il est fort Abraham. Mais, derrière cette histoire se joue beaucoup plus qu’un simple marchandage. Dieu est en train d’enseigner à Abraham, et donc à nous tous, ce qu’est la prière d’intercession.
Pour pouvoir intercéder, il faut être l’ami de Dieu. Abraham a l’audace de marchander avec Dieu parce que c’est son ami et qu’il a confiance dans ce Dieu qui tant de fois déjà l’a visité. C’est au nom de cette amitié qu’Abraham peut parler.
Abraham n’intercède pas auprès de Dieu à cause de la justice des gens de Sodome. Il sait trop bien qu’ils sont très injustes et méchants. Abraham intercède à raison de la justice de Dieu, à raison de son amour. Si Dieu nous exauce, ce n’est pas parce que nous sommes bons, ni parce que ceux pour qui nous prions sont bons. Si Dieu nous exauce, c’est parce que Lui est bon. C’est pour cela que nous commençons notre prière en disant « Notre Père ». Nous nous rappelons que nous pouvons demander avec confiance parce que Dieu est bon et qu’il nous aime. On peut tout demander à ceux qui nous aiment. Parce que Dieu est bon, nous pouvons obtenir de lui toute bonté.
Notre prière n’est donc pas un marchandage. C’est la relation d’un fils avec son père. Dans notre prière, nous faisons plus que demander d’effacer une dette. Nous nous plaçons devant Dieu comme des fils qui savent que Dieu les aime inconditionnellement. Et nous, encore plus qu’Abraham, nous sommes dans le Christ des enfants d’adoption. Nous disons « Notre Père » parce que le Christ a fait de nous des fils de Dieu en devenant un homme semblable à nous et en donnant sa vie pour notre salut. Ainsi, quand nous prions, le Père voit son Fils Jésus. Et devant son Fils bien aimé, il ne peut que déverser tout son amour.
C’est la raison pour laquelle quand on demande on reçoit, quand on cherche on trouve, quand on frappe on nous ouvre. Non pas que nous soyons meilleurs. Non pas qu’il y ait une nouvelle technique de prière : une prière spéciale qui marche mieux que les autres. Non ! La raison pour laquelle nous sommes certains d’être exaucés ; la raison pour laquelle nous sommes certains d’être sauvés ; la raison pour laquelle nous sommes certains de recevoir tout ce dont nous avons besoin… La raison, c’est que le Père aime son Fils et que nous sommes nous aussi devenu ses fils par adoption.
Il n’y a pas eu 10 justes à Sodome pour sauver la ville. Pas même un seul en fait, parce que tous nous sommes pécheurs. « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, […] la vérité n’est pas en nous. » (1Jn 1, 8) dit saint Jean. Qui trouvera un homme juste ? Il y en a un, c’est le Christ. Et c’est justement lui qui permet que nous soyons sauvés. C’est lui qui permet que la dette des pécheurs soit effacée. C’est le Christ qui est bien plus que les 10 justes nécessaires pour sauver la ville de Sodome. Un seul juste, le Fils de Dieu, pour attirer à nous tout l’amour de Dieu. Nous sommes donc sauvés parce que Dieu aime son Fils et que nous sommes devenus ses fils dans le Christ.
Pour un seul juste, le Christ, Dieu n’a pas détruit sa création. Mais il en fallait au moins un. Dans le Christ, nous devenons des justes parce que, plongés dans les eaux du baptême, nous mourrons avec lui et nous ressuscitons avec lui à une vie nouvelle. Nous ne sommes plus les mêmes. Nous ne sommes plus des pécheurs qui ont une dette envers Dieu. Nous n’avons pas besoin de marchander notre salut avec Dieu. Nous le recevons de son amour de Père.
Mais nous devons en revanche nous attacher au Christ, devenant ainsi des fils de Dieu nous aussi. Et c’est là notre seule espérance. Et elle est grande cette espérance. Ce n’est pas l’espoir que Dieu ne se mettra pas trop en colère, mais la certitude qu’il nous aime comme ses fils parce que nous sommes devenus, dans le Christ, ses enfants d’adoption.
La prière du chrétien, c’est donc la certitude d’être aimé par Dieu parce qu’il est bon et parce que nous sommes justifiés dans le Christ, son Fils bien aimé.
Cette prière s’étend naturellement à tous. Celui qui intercède, c’est celui qui est ami de Dieu, mais c’est aussi celui qui aime ceux pour qui il intercède. Si Abraham veut sauver la ville de Sodome, c’est parce que son neveu Lot y habite avec sa famille. On ne prie pas en disant « Mon Père » mais en disant « Notre Père ». La prière du chrétien s’étend à tous nos frères en Christ. C’est parce que l’autre est mon frère que je prie pour lui.
Lorsqu’Abraham intercède auprès de Dieu, il ne demande pas seulement que les justes soient épargnés. Il demande à Dieu que tous soient épargnés à cause des justes qui se trouvent dans la ville de Sodome. Et c’est là la prière du chrétien. Nous demandons au Seigneur que tous soient sauvé en raison d’un seul juste qui se trouve parmi nous : en raison du Christ qui nous sauve.
Ainsi, quand nous disons « Notre Père », nous reconnaissons l’immense amour de Dieu pour nous ; nous reconnaissons que nous sommes sauvés dans le Christ ; nous acceptons de collaborer au salut de tous nos frères dans le Christ. Pas seulement les justes, mais aussi les pécheurs, c’est-à-dire tous ceux qui sont appelés à devenir, dans le Christ, une création nouvelle.
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