Voir bel et bien
« Les yeux ne servent de rien à une cervelle aveugle » dit un proverbe arabe. Clairvoyance et aveuglement, apparence et lumière semblent bien se mêler dans les textes de notre liturgie de la Parole de ce dimanche. Entre un roi Messie qu’il ne faut pas juger sur son apparence, et qui pourtant est décrit comme étant beau, un aveugle de naissance qui voit avec une grande clairvoyance alors que des religieux refusent de voir ce qu’ils ont sous les yeux, et un S. Paul qui nous parle de la clarté des fils de la lumière, vous le sentez bien frères et sœurs, il va falloir que l’on se demande ce que signifie voir et être vu !
Mais commençons par cet aveugle, car c’est probablement le fait le plus remarquable. Jésus guérit cet homme, en répondant à la question de ses disciples : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? », Jésus répond formellement : aucun ! La maladie n’est pas une punition divine. Ce qui au passage peut terminer de tordre le cou à cette idée peut être caché dans un coin de notre tête. Jésus y met fin. Il redonne la vue à cet aveugle qui fait montre d’une clairvoyance dans ses jugements asses exceptionnel. A toutes les questions qui lui sont posées, il répond avec un aplomb et une précision, preuve d’un bon sens inébranlable. Comment as-tu été guéri ? « L’homme qu’on appelle Jésus a fait de la boue, il me l’a appliquée sur les yeux et il m’a dit : “Va à Siloé et lave-toi.” J’y suis donc allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. » Et lorsqu’on lui demande son avis à propos de Jésus : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien. Mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et à présent je vois. » Et il finit même par donner la résolution du problème concernant Jésus : « Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » C’est d’une clarté et d’une vérité qui dénote complétement avec la réaction des juifs en face, qui ne veulent pas reconnaître ce qu’ils ont pourtant sous les yeux : « - Ce n’est pas l’aveugle mendiant que nous connaissons, c’est un autre. « –Il est plongé dans le péché depuis sa naissance, que sait-il de la justice de Dieu ? »
Cet aveugle qui recouvre la vue fait donc saisir ce que signifie vraiment voir. Sa perception du monde et le jugement qu’il en tire sont juste, accordé à la justice divine. On pourrait presque dire, parce que Jésus lui a rendu la vue, il voit comme Jésus voit le monde.
Un peu comme le regard du prophète Samuel est rectifié par Dieu dans notre première lecture. Envoyé pour oindre le roi d’Israël, il tombe sur le premier fils de Jessé, Eliab, et assuré de la haute stature du jeune homme, il s’apprête à lui donner l’onction. Mais non ! Ce n’est pas lui « Ne considère pas son apparence ni sa haute taille, car je l’ai écarté. Dieu ne regarde pas comme les hommes : les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur. » Puis arrive le petit David, qui nous est décrit comme étant roux, ayant de beaux yeux, et littéralement de « bonne vision », traduit ici simplement par « beau ». Il ne faut pas juger sur les apparences, mais David est quand même beau ! Il y aurait donc deux manières de voir : ce qui est fort et ce qui est beau ou bon. Il ne faut pas trop se fier à la première manière de voir et il faut écouter Dieu pour la seconde. Mais précisons, David avait de beaux yeux, nous dit-on. Cela fait certainement référence à leur couleur, mais aussi à leur bonté. Ce qui sert à voir chez David, est beau, bon, autrement dit David voit bien, et ce n’est pas l’avis d’un ophtalmologue qui nous intéresse ici. David voit ce qui est bon, et c’est ce qui le rend beau tout entier. Et il le montrera dans son histoire, ce roi a un jugement juste, il voit ce que Dieu voit. Dieu et son Christ (c’est lui qui a reçu l’onction) ont les mêmes vues. Et c’est là toute sa beauté, imperceptible aux yeux des cervelles aveugles. Goliath se moquera de l’apparence chétive de ce combattant qui l’emportera pourtant sur lui.
Ainsi Saint Paul nous avertis : « sachez reconnaître ce qui est capable de plaire au Seigneur. Ne prenez aucune part aux activités des ténèbres, elles ne produisent rien de bon ; démasquez-les plutôt. » Voilà ce qui fait de nous des fils de la lumière, reconnaitre le Bien et le Vrai, les voir et les faire.
La rencontre avec le Christ, modifie petit à petit, ou parfois tout d’un coup, notre perception du monde, de son origine et sa finalité, de notre propre vie, du bien possible,…Les catéchumènes que nous accompagnons, ont une expérience récente de ce changement, progressif ou soudain, de paradigme. Ça change la vision du monde d’avoir répondu à l’appel du Christ. Toute cette petite histoire de l’aveugle naît et de Jésus aboutit à ce dialogue saisissant où le Christ demande à son miraculé s’il croit au Fils de l’Homme, « - mais qui est-il ? » répond-il. « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. » Dire à un aveugle, qu’il a lui-même guérit « tu le vois » a quelque chose de renversant. Jésus a donné la vue à quelqu’un qui faisait déjà preuve d’une grande clairvoyance et il a averti ceux qui se pensent perspicace, de leur terrible aveuglement.
Que le Seigneur nous prenne en grâce et nous bénisse, et que nos cervelles et nos cœurs soient illuminé par sa Vérité et sa Bonté, afin que nos yeux ne nous servent pas de rien !
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