Le pain de la bouche
Solennité du Saint Sacrement 2023 Cathédrale de Saint Denis
Manger pour vivre, et non vivre pour manger. Nous ne passons pas nos journées à uniquement chercher de quoi nous nourrir. Et lorsque nous mangeons, nous ne le faisons pas comme les animaux. Nos repas, sont le plus souvent, des petites cérémonies. Il y a un ordre, des participants, des manières de se tenir, nous ne sommes pas à quatre pattes la tête fourrée dans un quartier de bœuf. Ce soin que l’on porte à la nourriture et à sa préparation dénote chez l’homme, une conscience que sa vie dépend de la nourriture qu’il ingère. Et puisque « vivre » pour l’homme, ce n’est pas seulement une fonction biologique, il ne s’agit pas uniquement de fournir à notre corps des protéines, des lipides, des glucides, des vitamines…il faut que cela soit bon, sent bon et même soit beau à regarder !
Et cette recherche de gout et d’esthétique pour la nourriture, nous enseigne déjà d’autres besoins de l’homme. La nourriture assure notre subsistance biologique, mais appel déjà à comprendre que nous avons besoin d’autre chose, quelque chose d’infiniment bon, quelque chose d’éternellement beau.
Dans le désert, pendant l’Exode, Dieu fait éprouver la faim au peuple. Les hébreux manquent de tout, et leur survit biologique est menacé. Et Dieu explique pourquoi il fait cela : « pour que tu saches que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. » Pour te que tu comprennes, Israël, que ta vie ne dépend pas uniquement de ce que tu manges. Et pour te le faire comprendre, et bien je vais te donner à manger ! Si pour vivre, nous avons besoin de manger, Dieu nous donne à manger pour que nous vivions de lui. Pour le peuple dans le désert c’est la manne, mais pour nous c’est autre chose. Il nous faut donc recevoir ce qui vient de sa bouche à lui. Et ce qui vient de la bouche de Dieu, c’est d’abord son souffle, insufflé dans nos narines, ce souffle de vie. Et ce souffle, lorsqu’il est articulé, il devient Parole. Dieu donne vie par le souffle de sa Parole. Et cette Parole, c’est quelqu’un en Dieu : le Fils éternel, qui est venue dans la chair. La Parole a pris notre nature humaine. Et une fois dans cette nature, il a prononcé des mots humains, dans un langage humain. Et ce Verbe incarné nous demande…et bien de le manger ! De manger sa chair. Or cette chair qu’il nous donne à manger, ce donne en plus sous l’apparence du pain : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, l’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » L’homme ne vit pas uniquement du pain de la terre, mais aussi, et surtout du pain du ciel. Le don de l’Eucharistie vient pleinement accomplir la parole annoncée au peuple par Moïse.
Il s’agit donc d’écouter la Parole de Dieu, la recevoir, et même la recevoir jusqu’en notre propre chair. Entrer en communion avec Dieu ce n’est pas uniquement une affaire de concept, ce n’est pas qu’un échange spirituel. D’ailleurs l’ensemble des sacrements nous le montre, ils ont tous une dimension physique, par une parole et un geste posé.
Dieu nous nourrit lui-même pour que nous comprenions que toute notre vie dépend de lui. Il se fait nourriture pour que nous vivions réellement de sa Parole, de sa vie. Mais que signifie « vivre de Dieu », « vivre de sa vie » ? Nous sommes nous déjà posé cette question ? Nous qui communion depuis quelques années, peut être un peu machinalement…Avons-nous faim de l’Eucharistie ? Parfois quand on donne la communion, on se pose la question. L’Eglise a une antique tradition qui s’appel le « jeune eucharistique ». Autrefois c’était plusieurs heures avant de communier. Aujourd’hui, elle ne demande qu’une heure. Ne pas manger une heure avant de prendre la communion, pour justement se mettre dans une condition de faim, dans la même condition que les hébreux dans le désert. Sentir en sa chair le manque, pour comprendre en communiant que toute notre vie dépend de Dieu seul. Il s’agit de faire grandir en nous le désir, car Dieu comble à la hauteur de nos désirs.
Vivre de la vie de Dieu, c’est entretenir les grâces reçus entre deux communions. C’est vivre, comme si nous étions un tabernacle vivant. Ste Thérèse de l’Enfant Jésus avait une petite image tendre pour exprimer cela. Elle disait qu’il faudrait suivre toutes les personnes qui viennent de communier avec une petite lumière rouge pour indiquer la présence réelle de Jésus…Jésus en moi ! la Sagesse qui a ordonné l’univers, le Fils unique mort sur la croix, et ressuscité des morts, passe entre mes dents, est déposé sur ma langue, pour finir en mon ventre. Mais cette idée tourner et retourner dans notre esprit a de quoi nous foudroyer ! A moins d’ignorer le sens de plusieurs mots de la phrase. Ou de manquer de foi. "Ce qu’on ne peut comprendre et voir, notre foi ose l’affirmer, hors des lois de la nature. » Nous a dit la séquence entendu avant l’évangile.
En ce dimanche, pendant cette liturgie, nous sommes invités à rendre grâce à Dieu qui prend si bien soin de son peuple, en le nourrissant de lui-même, en lui donnant ce qui vient de sa bouche pour notre bouche.
Alors notre proverbe cité au début peut s’en trouver quelque peu modifier. Manger pour vivre, et non vivre pour manger. La première partie reste inchangé : nous mangeons pour vivre, mais cette vie biologique tend à plus, ainsi, nous vivons bien pour manger, mais plus du pain, mais bien la Parole de vie. Nous vivons pour recevoir Dieu en nous, pour lui être unis pour toujours.
Préparons-nous à recevoir celui qui va s’offrir à nous !
Amen
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