« Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » Jésus est assez clair. Cette vérité n’est pas facile à entendre, car l’argent, on en a tous besoin. Pourtant, ne nous y trompons pas : Jésus ne dénigre pas l’argent ni spécialement les riches. Quand on parle d’argent, une pointe de culpabilité surgit souvent en nous. Mais la parabole d’aujourd’hui n’est pas un reproche, elle est plutôt un mode d’emploi pour que les disciples de Jésus que nous sommes apprennent à bien l’utiliser.

Le prophète Amos, dans la première lecture, dénonce ceux qui mettent l’argent au-dessus de tout. Il s’adresse à de bons juifs qui observent le Sabbat et les toutes règles alors que leur cœur est cependant ailleurs. Ils font ce que Dieu demande, mais considèrent le Seigneur comme un trouble-fête. « Quand donc le sabbat sera-t-il fini, pour que nous puissions écouler notre froment ! » Cette impatience est comme un désir que le Seigneur cesse de nous déranger, afin que nous puissions garder notre compte en banque bien au chaud.

Heureusement que ce thème n’est pas celui de chaque dimanche et qu’on parle plus souvent de la miséricorde ! Au fond, comme les juifs du temps d’Amos, nous voudrions que Dieu ne nous gêne pas trop sur la question de l’argent et qu’il nous laisse en faire ce que bon nous semble.

Acceptons plutôt d’entendre l’enseignement de Jésus sur l’argent dans un esprit de confiance : Dieu nous propose là un chemin de vie et non pas un chemin de mort.

Jésus parle de « l’argent trompeur » et nous met en garde. Saint Paul confirme : « La racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent. Pour s’y être attachés, certains se sont égarés loin de la foi et se sont infligé eux-mêmes des tourments sans nombre. » (1Tim 6) Notre argent disparaîtra tôt ou tard, et nous ne l’emporterons pas dans la tombe. Si nous nous mettons à son service, nous servons quelque chose qui ne nous rendra jamais la pareille. On peut faire fructifier l’argent, mais il ne nous donnera jamais la vie que nous cherchons. Jésus le rappelle : « Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier si c’est au prix de sa vie ? » (Mc 8, 36) Ne te laisse donc pas tromper par cet argent qui promet un bonheur qui n’est qu’illusion.

Mais — et c’est là le sens de la parabole d’aujourd’hui — avec cet argent trompeur, tu peux te faire des amis. Si tu l’utilises bien ; si tu l’utilise pour faire le bien, tu peux le transformer en un instrument qui obtient pour toi plus que les désirs de ton cœur. L’argent, qui peut être l’ennemi de Dieu, peut aussi être mis au service des autres et ainsi nous ouvrir la porte du Royaume de Dieu.

L’argent ne se mange pas. Pourtant, si je le donne au boulanger, j’obtiens à la place du pain qui me nourrit. De même, l’argent ne donne pas le bonheur, mais s’il sert à faire justice et à aider mon prochain, alors il m’ouvre les portes du ciel. L’argent doit circuler : il sert à être donné, utilisé pour les autres. S’il stagne, il pourrit l’âme de celui qui le possède. Lorsqu’il est donné, il transforme celui qui le donne : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête ! » nous dit Jésus. Transformez-le par l’amour en bonheur éternel.

Et c’est précisément ce que Dieu a fait. Jésus, riche de toute la richesse de Dieu, possédant l’univers entier, s’est fait pauvre en devenant un homme qui ne possède rien. De tout l’univers qu’il possède, il n’a voulu garder que la richesse de son amour pour les hommes. Il a tout donné pour nous enrichir de sa pauvreté, pour nous enrichir de son amour que nous avions perdu en voulant prendre par nous-même sur l’arbre dans le paradis.

C’est justement celui qui renonce à la richesse qu’il était en droit de s’approprier pour la mettre au service de l’humanité qui est le seul capable de monter vers Dieu. Jésus seul, en se dépouillant de tout, ouvre les portes du paradis et conduit à Dieu. « Il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes. » et c’est celui qui place l’amour de Dieu et du prochain avant toutes les autres richesses.

Faites vous donc des amis avec l’argent malhonnête. La seule façon d’obtenir du bonheur avec des pièces et des billets, c’est de le transformer par l’amour. Si tu n’es pas capable de gérer une si petite chose comme l’argent et de le mettre au service de tes frères, comment te confiera-t-on les grandes réalités du Royaume ? Comment pourrions-nous recevoir l’Esprit puissant de l’amour de Dieu, si on n’est pas capable de faire le bien avec une chose aussi bête que quelques euros sur un compte en banque ?