Dieu parle mais nous n’entendons pas. Je ne veux pas simplement vous parler du fait que nos smartphones nous prennent tout notre temps et toute notre attention, ni même que notre monde plein d’images et de sons nous empêche d’entendre la voix de Dieu. Ni même que nos multiples préoccupations nous empêchent de prendre le temps pour Dieu. Ça, vous le savez déjà, même si une piqûre de rappel n’est pas une mauvaise chose.
Le mal est plus profond que ça. Notre surdité à la Parole de Dieu prend racine beaucoup plus loin. Regardez Zacharie. Il était grand prêtre et il était entré dans le Temple de Jérusalem avec tout le sérieux possible et imaginable. Il était un homme juste et bon. Il n’avait ni télévision, ni smartphone et si peu de distractions. Et pourtant, quand l’ange Gabriel lui annonce la bonne nouvelle que sa femme va enfin avoir un enfant, il ne veut pas entendre, il ne veut pas croire.
Marie a reçu une annonce similaire et elle a entendu là où Zacharie est resté sourd. Et quand Zacharie est resté muet, Marie a chanté les louanges de Dieu. La différence entre les deux, c’est l’humilité de Marie. Je crois que nous n’entendons pas Dieu parce que nous sommes trop plein de nous-mêmes.
Un son résonne dans la mesure où il y a une caisse de résonnance. Les cordes d’une guitare qu’on aurait remplie ne feraient qu’un son médiocre et inaudible. Lorsque Dieu nous parle et que nous sommes remplis de nous-même, nous n’entendons rien. Il faut être creux pour entendre résonner en nous la Parole de Dieu.
Vous connaissez je l’espère le fameux personnage de Don Camillo. Cette série de vieux films en noir et blanc est le théâtre des aventures de ce curé de village dans l’Italie de l’après-guerre et dont le maire, Péponne est communiste.
Dans un des épisodes, pour éloigner Don Camillo qui s’est montré un peu trop virulent dans sa pastorale anti-communiste, l’Église l’a nommé monseigneur à Rome. Mais voilà qu’à la première occasion, il rentre chez lui afin d’y mener une nouvelle bataille.
Lorsqu’il était curé, Don Camillo avait l’habitude d’entendre le crucifie de l’église lui parler. Mais à Rome, pendant ses trois ans d’exil, il n’entendait plus rien. Ce jour-là, en entrant à nouveau dans l’église de son village, Don Camillo entend la voix du crucifie : « Ah, qui revoilà ! Don Camillo. » Il tombe alors à genoux et répond : « Seigneur, combien de fois vous ai-je appelé pendant ces trois années, et vous ne m’avez jamais répondu alors que maintenant voici à nouveau votre voix. Dieu est plus proche ici qu’à Rome. » Jésus lui répond alors : « Don Camillo, Dieu est toujours le même. Ici il te paraît plus proche parce que tu es plus proche de toi-même. »
Le poste de monseigneur lui avait quelque peu monté à la tête et il avait perdu cette simplicité d’un homme très imparfait mais sincèrement lui-même et au service de Dieu et de ses paroissiens. Enfin, en retrouvant sa paroisse, le prêtre avait arrêté de faire semblant d’être ce qu’il n’était pas et il pouvait entendre à nouveau la voix du Seigneur.
Et là est tout le paradoxe de notre vie chrétienne. C’est en regardant vers Dieu et en nous oubliant nous-mêmes que nous entendons la Parole de Dieu. Cette Parole résonne alors en nous et nous permet d’être vraiment nous-mêmes. Elle nous rend à nous-mêmes ce que nous sommes. C’est l’attitude de la Vierge Marie à Nazareth qui écoute ce que l’ange lui dit et qui accepte humblement d’être la servante du Seigneur. C’est ce qui a manqué à Zacharie dans le Temple. Prêtre qui offre le sacrifice, plein de lui-même, il ne peut pas laisser résonner en lui la Parole de Dieu. C’est le cas de ce bon Don Camillo qui ayant déposé sa dignité de monseigneur entend à nouveau le Christ : « Ici il te paraît plus proche parce que tu es plus proche de toi-même. »
Vide de nous-mêmes, résonnant dans chaque fibre de notre être la Parole de Dieu, nous sommes alors vraiment nous-mêmes.
C’est à la fois ce que nous allons vivre à Noël et le chemin qu’il nous faut emprunter pour pouvoir vivre Noël. Descendre de notre piédestal et accueillir la simple présence de Dieu. C’est ce que Dieu a fait pour nous. Dieu est descendu du ciel, il s’est abaissé à devenir un petit enfant dans une mangeoire pour que sa Parole puisse résonner en nous. On ne peut recevoir l’humble enfant de la crèche qu’en se faisant humble nous-mêmes.
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