Un déclic, une expérience personnelle, intérieure et forte, et voici que toute une existence prend son sens et sa direction.
Dans l’Évangile d’aujourd’hui, les paroles de Jésus sont brèves ; chaque mot vient nous apporter une grâce. D’abord, Dieu, que personne n’a jamais vu, ne peut être approché qu’à travers des médiations comme les métaphores : « Le Royaume de des cieux est comparable à un trésor ». Le Royaume de Dieu ne relève pas de la géographie ni du pouvoir militaire. Dans le Notre Père, nous prions « Que ton Règne vienne », c’est -à-dire que ton Esprit Saint vienne sur nous et nous purifie » comme le dit un manuscrit grec de la prière du Seigneur. Le Royaume n’est rien de moins que Dieu lui-même. Il se manifeste en Jésus : « Dieu, personne ne l’a jamais vu, le Fils Unique-engendré, qui est tourné vers le sein du Père, nous l’a fait connaître » (Jn 1, 18).
Jésus explique que Royaume n’est pas fait de menaces ni de contraintes ; il est un trésor : « un trésor caché dans un champ ; l’homme qui l’a découvert le cache de nouveau ». Trouver un trésor représente un événement extraordinaire qui fait rêver enfants et adultes. La découverte de l’amour de Dieu apportée par Jésus est ce trésor qui bouleverse notre existence. Le chrétien exulte de joie et d’émotion en découvrant qu’il est aimé par Dieu. Il ressent alors le besoin de ne pas le dire tout de suite. C’est son secret ! « Aux amants, il faut la solitude », écrivait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus dans un de ses beaux poèmes. Il cache ce trésor dans ses pensées, désirant l’acquérir et en vivre pour toujours.
Mais pour cela, Jésus précise qu’il ne suffit pas de découvrir le trésor mais qu’il faut le faire sien en donnant tout, en renonçant à ses possessions et à son confort : « Dans sa joie, il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète ce champ ». Il arrive que des jeunes découvrent dans l’éblouissement le trésor de Jésus ; mais ils restent possédés par ses possessions, comme un aigle fait pour de grands vols qui resterait à terre attaché par une simple ficelle à la patte. Ils ont peur de tout investir pour le trésor ; tristes, ils perdent le trésor de l’amour de Dieu.
Ce court passage d’évangile concerne tous les hommes appelés à partager le trésor de l’amour de Dieu. Les saints racontent comment un jour, de manière mystérieuse, leur cœur a été envahi par la présence de l’amour du Christ ; ils ont compris que leur vie avait un sens et que ce sens était de se donner à Dieu en réponse à son amour. L’amour ne se paie qu’avec l’amour. Pour vivre cette alliance d’amour, le chrétien investit tous ses biens et il renonce à tout : « Ecoute Israël, le Seigneur est le seul Dieu, tu l’aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces » (Dt 6,4). La possession du trésor exige de tout donne et de se donner soi-même, de renoncer à sa propre volonté dans l’obéissance de la foi : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au Ciel ».
Enseignement simple et limpide qui risque de rester lettre morte si nous ne renonçons pas à notre orgueil et notre désir de sécurité et de confort. Oui, sans l’acte de foi, d’abandon et de renoncement, le christianisme devient une théorie, un idéal et une pratique sociologique et non ce qu’il est en vérité : le trésor de Dieu.
Saint Ignace que nous fêtons aujourd’hui a fondé la Compagnie de Jésus pour acquérir le trésor de l’Esprit Saint. Comme les motivations humaines dans toutes nos entreprises contiennent au fond d’elles-mêmes des ambiguïtés et des contradictions, des désirs de servir et des désir de s’en servir, saint Ignace exigeait l’obéissance comme critère de vérité et de confiance en Dieu. Militaire de carrière, saint Ignace tenait à la disponibilité et à la loyauté.
« Tout est grâce », s’exclamait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Parce que tout est grâce, trésor reçu gratuitement, le chrétien renonce à sa volonté et à son orgueil pour se laisser guider par la médiation de l’Église, experte en humanité. Cette conversion et cette purification de nos meilleures intentions et motivations demeure toujours à accomplir jusqu’au jour de notre mort.
On demandait un jour au Père Pedro Arrupe, successeur de saint Ignace à la tête de la Compagnie, il y a une quarantaine d’années : « Quel serait pour vous le critère pour ne pas accepter un jeune qui demanderait à devenir jésuite ? » Le père Arrupe avait répondu : « Si le jeune disait qu’il voulait devenir jésuite pour rendre service à la Compagnie, il faudrait refuser ». Nous ne rendons pas service à Dieu ni à l’Église ; Dieu et l’Église nous rendent un divin service en nous donnant le trésor de la connaissance du Ressuscité, la grâce du Salut et la mission qui unit à Lui. Le martyre lui-même est une grâce, un don de Dieu, au service de la configuration du disciple avec son Maître, l’Agneau immolé.
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