Exalté, monté, et enlevé
Il est donc monté aux cieux, il a bel et bien disparu à nos yeux. Nous célébrons en ce jour l’Ascension de notre Seigneur, ce mystère de son entrée au Ciel. Quarante jours après sa Résurrection, le voilà qu’il change d’état, de manière de se rendre présent. Il n’apparaîtra plus en chair et en os à ses disciples, il part siéger à la droite du Père, là où il a dit qu’il nous préparait une place.
Les trois textes que nous avons entendus racontent, ou font allusion, à ce mystère de la vie du Christ. Seulement chacun d’eux utilise un vocabulaire différent, de manière très discrète et subtil. Et lorsqu’il s’agit d’un mystère que l’on célébre et médite, il est toujours pertinent d’identifier les différents mots qui servent à le décrire. Saint Luc, Saint Paul et Saint Marc ne disent pas simplement tous les trois : « Jésus est monté au ciel », cela aplatirait quelque peu le mystère justement. Puisqu’il s’agit au contraire de s’élever, scrutons les mots qu’ils ont choisis, inspirés par l’Esprit.
Dans les Actes, Saint Luc nous dit que Jésus fût « élevé ». Le terme signifie également « exalté ». Le premier à qui ce verbe est attribué dans la Bible grec, c’est le roi David : « Alors David sut que Yahvé l'avait confirmé comme roi sur Israël et qu'il exaltait sa royauté à cause d'Israël son people” (2 Sam. 5:12). Elever signifie donc rendre supérieur. C’est une représentation spatiale de la valeur, ce qui est au-dessus est meilleur de ce qui est en dessous. En étant exalté dans la gloire, l’humanité de Jésus nous est présenté comme meilleure, comme parfaite et même accomplie.
Saint Paul quant à lui, cite un Psaume, le 68, qui décrit le Seigneur montant sur les hauteurs. Le terme signifie littéralement se déplacer vers le haut, gravir une montagne. Jésus est montré comme se déplaçant physiquement vers un espace élevé, sous en entendu meilleur. Le premier a effectué une « montée » géographique dans la Bible, c’est Abraham, de l’Egypte vers le Negev, d’un lieu d’idolâtrie vers l’entrée de la terre promise. Ici, Jésus nous est décrit comme montant dans le Ciel même, après être descendu dans les régions inférieurs de la terre. Nous venons de voir avec Saint Luc que l’élévation, l’exaltation, indique qu’aller vers le haut est meilleur que de descendre. Ici, Saint Paul précise, il s’agi d’aller vers le Ciel. Et le Ciel n’est pas vraiment un lieu. Nous utilisons le même mot pour désigner à la fois ce qui se trouve géographiquement au-dessus, et la présence de Dieu. Car le ciel où est allé Jésus n’est pas un lieu, c’est un état, qui n’est pas situé. Jésus a changé de mode de présence. Il n’est plus visible, mais il est toujours présent. Dans le Ciel, Dieu n’est pas localisé. Seulement, le ciel qui est au-dessus de nos tête et vers lequel nous levons les yeux nous permet de saisir l’immensité de Dieu, voir même son éternité, face à une vision qui n’a pas de bornes pour nous.
Et enfin, c’est au tour de Saint Marc d’apporter sa pierre à l’édifice. Ce dernier nous dit que Jésus a été « enlevé » au ciel. Une sorte de rapt divin, Jésus est pris, comme aspiré dans les hauteurs. Cette forme d’accès à un destin meilleur c’est déjà produit dans la Bible. La belle Rebecca en fût bénéficiaire (cf. Gn 24.61). Quand le serviteur d’Abraham vient chercher une épouse pour Isaac, c’est Rebecca qui est littéralement « enlevée » (avec son plein consentement, rassurez-vous). Dans une immense tristesse sa mère la voit partir, et la jeune fille se réjouis de cette nouvelle destinée d’exaltation, elle devient une des matriarches d’Israël ! Ainsi en va-t-il pour Jésus, qui laisse derrière lui des amis tristes, mais il part dans un lieu meilleur, pour une destinée plus grande. Filons la comparaison, le Christ est la tête de l’Eglise, le premier à nous montrer le chemin vers le Ciel, un jour c’est tout le corps qui suivra, son épouse toute entière qui entrera dans la gloire, ou même plutôt qui sera « enlevé » avec lui, comme Rebecca le fût pour rejoindre Isaac.
Trois termes qui projettent chacun une lumière distincte sur ce même évènement, ce même mystère : exalter, monter et enlever. Trois verbes, que nous aussi, à l’exemple de David, Abraham et Rebecca nous aimerions mettre en action, que nous soyons exaltés dans la gloire, que nous montions vers les lieux saints, et que nous soyons enlevé par l’époux.
Que le Seigneur nous fasse la grâce de nous prendre avec lui dans son élan d’Ascension.
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