Shema Israël
Exhortation pour l’assemblée Betzatha 10/11/2022
Depuis des siècles le peuple juif prie chaque jour cette prière connue sous le nom de « schema » (du premier mot de la prière en question) : « Schema Israël Adonaï Elohenou, Adonaï echad » : En français « Ecoute Israël, le Seigneur est notre Dieu le Seigneur est un. » On y ajoute souvent d’ailleurs la suite du verset : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (Dt 6.4).
Le peuple se rappel ainsi chaque jour cet ordre que lui donne le Seigneur lui-même : d’écouter la parole de Dieu, et que dit en premier et substance cette parole ? « Aimes moi de tout ton être », sous-entendu d’ailleurs « parce que moi je t’aime de tout le mien ». Car en réalité le premier à écouter c’est d’abord Dieu.
L’écoute divine
Un des premiers à avoir bénéficier de cette écoute, c’est un des fils d’Abraham : Ishmaël (Dieu entend).
Gn 16.11 : « L’ange du Seigneur lui dit : « Tu es enceinte, tu vas enfanter un fils, et tu lui donneras le nom d’Ismaël (c’est-à-dire : Dieu entend), car le Seigneur t’a entendue dans ton humiliation ».
Et même une fois Agar, sa mère, chassée avec l’enfant, ce dernier est toujours en bonne grâce devant le Seigneur :
Gn 21.17 : « Dieu entendit la voix du petit garçon ; et du ciel, l’ange de Dieu appela Agar : « Qu’as-tu, Agar ? Sois sans crainte, car Dieu a entendu la voix du petit garçon, sous le buisson où il était. »
Même s’il n’est pas le fils de l’Alliance, il n’est pas le fils de la promesse, Ismaël est écouté et Dieu agit en sa faveur. C’est un bon réconfort si vous estimez que vous n’êtes pas bénis et même presque abandonné ! Dieu se préoccupe de tous ! Seulement, certains sont au service de son dessein universel et c’est le cas d’Isaac, le fils de la promesse.
Beaucoup de Psaumes commence par cette demande « écoute Seigneur », ma voix, mon cri d’appel, ma détresse, mon angoisse…Par exemple Ps 27.7 : « Écoute, Seigneur, je t'appelle ! Pitié ! Réponds-moi ! » (Schema Adonaï, koli ekra, vehaneny vaâneny ).
Le pauvre Job crie vers le Ciel et demande une seule chose : « Si j’avais seulement quelqu’un pour m’écouter ! Voilà mon dernier mot. Que le Puissant me réponde ! Que la partie adverse rédige son mémoire ! » (Job 31.35)
Demander l’écoute de Dieu, c’est en fait lui demander d’agir, de faire quelque chose pour nous. Car les deux aspects sont inséparables en hébreux. Ecouter implique une action qui suit ce qui a été dit. En demandant l’écoute divine, on ne recherche pas uniquement une oreille attentive à ses problèmes, on souhaite surtout être exaucé. Ce verbe demande donc à Dieu de réagir. « Ecouter » c’est donc prêter attention, focaliser son attention sur quelque chose de précis.
L’écoute d’Israël
Ainsi Dieu demande à son peuple de faire la même chose que lui. Nous passons de « schema Adonaï » à « Schema Israël ».
Cette écoute que demande Dieu à son peuple est une activité universelle qui implique l’oreille. Cette dernière est un don divin :
Pr 20.12 : « L’oreille qui entend, l’œil qui voit : le Seigneur les a faits l’un et l’autre. »
Le Seigneur nous donne la capacité de l’écouter lui. Ecouter dans ce sens devient donc prêter attention et réagir à la demande de Dieu à notre égard.
Ex 19.5 : « Maintenant donc, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, vous serez mon domaine particulier parmi tous les peuples, car toute la terre m’appartient »
Autrement dit, « écouter » et « être fidèle » à l’alliance c’est pareil. Comment être fidèle à l’Alliance ? Cela revient à obéir. Il est remarquable de noter qu’en hébreux ancien, il n’existe aucun verbe qui traduise la notion « d’obéir », ou le fait d’exécuter des ordres. C’est parce que cette notion est déjà contenue dans le verbe « écouter » (shema). Ce n’est pas la peine de le préciser, en hébreux, « écouter », c’est « obéir » aussi.
« Ecouter » et « faire ce qui a été entendu » sont les deux facettes du même verbe hébreux « shema ».
C’est la raison pour laquelle le prophète Jérémie dit : « Écoutez donc ceci, peuple stupide et sans intelligence ! – Ils ont des yeux et ne voient pas, des oreilles et n’entendent pas ! » (Jr 5. 21)
Somme toute, on écoute quelqu’un parce qu’on lui accorde du respect et que l’on souhaite marcher dans ses voix. Être attentif à la parole de quelqu’un, c’est lui donner de l’importance. Quand nous ne sommes pas écoutés, nous le savons bien vite, et cela a pas mal tendance à nous agacer, parce que nous ne nous sentons pas respecté.
Ecouter sa Parole
Comment écouter Dieu, puisqu’il nous en donne l’ordre ? C’est évidement en lisant et méditant sa Parole, d’abord et avant tout. Peut être qu’un petit avertissement est nécessaire : l’écoute n’est pas une activité si naturelle en définitive. Elle demande de l’entrainement. Un entrainement contre une tendance très naturelle qui consiste à terminer les phrases à la place de celui que l’on écoute : à le faire à voix haute, ou dans sa tête. Lorsque quelqu’un vous parle, il peut nous arriver asses souvent, surtout si nous le connaissons bien, de nous dire : « Je sais exactement ce qu’il va me dire », et ce faisant, nous n’écouterons pas ce qu’il nous dira vraiment, nous n’entendrons que ce que nous voulons entendre. De même avec la Parole de Dieu. Nous croyons bien trop souvent que nous savons ce que Dieu veut dire, alors nous lui coupons la parole. Et hop, quelques versets mis de côté dans l’évangile du jour, ceux que je ne comprends pas, voir même plus souvent, ceux qui me gênent…Et hop ! va-s’y que je te mets une petite dose de miséricorde un peu partout et bien tartinée.
Il s’agit donc d’abord de se taire…mettre un doigt sur ses lèvres. C’est d’ailleurs facile de s’en souvenir le mot en hébreux commence par la lettre « shin » qui se prononce « ch », comme « chuuuut ! ».
Et ne pas penser à la place de celui qui me parle. Ne pas tout de suite plaquer sur ce que je lis, ce que j’ai envie de lire. Et donc il s’agit de vraiment prendre le temps de lire. C’est cela se taire face à la parole de Dieu. Ne pas tout de suite dérouler une leçon de cathé quand on est face à un verset. Juste lire, simplement et vraiment lire et essayer de comprendre ce que signifie cette phrase, pas tout de suite me rappeler ce qu’un prêtre a dit de cette phrase. Ce qu’elle dit, la maintenant. Ne pas répéter des slogans, ou reprendre un commentaire d’évangile. Il s’agit de découvrir le texte comme si c’était la première fois à chaque fois. Ce n’est même pas une question de ressenti, c’est l’objectivité du texte. Déjà faire cela, c’est commencer à vraiment laisser Dieu parler…
C’est le premier exercice de l’écoute. Si j’ai vraiment du respect pour celui qui me parle, et que je crois qu’il me parle vraiment par sa Parole, je lui laisse finir paisiblement sa phrase, ou son histoire, et je ne le coupe pas.
Conclusion : écoute, alliance et respect
Somme toute, si je respect quelqu’un je l’écoute, et écouter c’est obéir et poser des actes. Il y a tout de même un fait remarquable, c’est que le même verbe est utilisé pour décrire une action divine à notre égard et un ordre de Dieu sur nous. Les deux actions ne sont pas identiques, écouter pour Dieu n’est pas exactement similaire à ce qu’il nous demande. En revanche, le fait que le même verbe soit employé dit quelque chose de profond : Dieu nous respect avant même de nous demander de le faire. Il nous écoute et nous demande de faire de même. Lorsque deux personnes s’écoutent, on appelle cela « converser ». Dieu demande à son peuple de tendre l’oreille, après que lui-même était attentif à nous, pour initier une « conversation ». D’ailleurs ce mot signifie en latin : « fréquentation », et il a un synonyme très intéressant : « conversio », se tourner vers.
Alors « shema Betzatha» et tournons-nous vers lui !
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