S’il faut retenir un mot de la liturgie d’aujourd’hui, c’est probablement le mot : réconforter. Dieu réconforte son peuple. Il vient nous consoler dans la misère qui est la nôtre. « Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve et, comme un torrent, la gloire des nations. » dit le livre d’Isaïe. La paix est déversée sur nous comme un fleuve. Imaginons un barrage qui retient de l’eau et qui s’ouvre tout à coup. Voilà comment la paix s’abat sur ceux que le Seigneur a choisi de toute éternité, sur nous. C’est paradoxal : la paix que Dieu nous donne s’abat presque de manière violente sur nous. L’Esprit de paix s’abat sur les apôtres à la pentecôte. Et il veut s’abattre sur nous également.
Et en même temps, cette paix est profonde et vraiment paisible. Elle est pleine de tendresse : « Comme un enfant que sa mère console, ainsi je vous consolerai. » dit le Seigneur. Comment imaginer plus de tendresse que celle d’une mère qui console son enfant ? Dieu utilise cette image pour nous parler de la manière dont il veut nous consoler de toutes nos peines. Il nous prend dans ses bras et nous accueille tels que nous sommes. Nous pouvons nous blottir contre lui et, dans ses bras, calmer notre douleur et notre peine. Nous sommes en paix parce que nous savons qu’il est là et qu’il nous aime.
Dieu veut nous réconforter. Ce réconfort est fort et puissant, presque violent. Ce réconfort est profond et pénètre jusqu’aux jointures de l’âme. Mais il ne faut pas s’y tromper : le réconfort que Dieu nous propose n’est pas le réconfort du monde. Il est même très différent de celui que le monde propose. Le monde nous promet de nous enlever tous nos problèmes. Il nous promet une vie facile et sans peine. Une vie sans douleur avec uniquement du plaisir. Mais ce que le monde promet, il ne peut pas le donner. Il n’a pas en lui ce qu’il faut pour pouvoir donner la paix. L’argent, le pouvoir et le sexe qu’il présente comme source de bonheur et de paix ne peuvent pas donner ce que nous recherchons. Mais le monde promet, et bien souvent nous le croyons. Nous nous mettons à désirer vivre comme les païens, certains d’obtenir ainsi la paix. Et pire même, nous demandons à Dieu lui-même de nous obtenir du monde ce que le monde nous promet. « Seigneur, fais que je sois riche ! » Nous sommes gonflés quand même !
Ce n’est pas du monde que nous obtiendrons la paix et le réconfort. Il ne peut pas nous les donner. Au mieux il peut mettre un tout petit pansement sur une plaie énorme. Ça ne sert pas à grand-chose.
Le monde nous propose donc d’oublier. Il nous distrait pour que nous ne rentrions pas en nous-même. Il ne veut surtout pas qu’on se rende compte du mensonge dans lequel il nous plonge. Il met de plus en plus de petits pansements. Tout va mal, mais je regarde une série. J’oublie un instant, mais ça ne fait pas disparaître mon angoisse. Alors, pas de souci, il y a un autre épisode qui m’attend. Et quand l’épisode est fini, il y aura une autre saison. Et une autre série.
Le Seigneur nous propose autre chose ! Il nous propose de nous réjouir de Jérusalem. Il parle là évidemment de la ville sainte, la Jérusalem céleste. C’est-à-dire qu’il nous propose de nous réjouir de l’intervention de Dieu dans notre histoire, dans notre humanité. Dieu a choisi Jérusalem pour y habiter. Il a dit en parlant de Jérusalem : « C’est ici mon repos à tout jamais, là je siègerai, car je l’ai désiré » (Ps 132, 14)
Notre réconfort, c’est que Dieu vient habituer parmi nous. Il a fait chez nous sa demeure. Et il est même devenu un homme comme nous pour vivre ce que nous vivons. Il y a une certaine violence dans le choix que Dieu fait de devenir un homme. Un changement en Dieu ! Dieu devient homme ! Incroyable bouleversement. Mais il y a une paix incroyable qui se dégage de cet évènement. Dieu vient simplement habiter parmi nous. Que c’est paisible cette présence toute simple du fils de Dieu dans notre chair !
Notre réconfort, ce n’est donc pas celui que le monde nous propose. Notre réconfort, c’est la présence de Dieu qui se fait homme. Notre réconfort, c’est la présence du Christ dans notre Église, dans notre cœur, dans toute notre vie. Cette présence est à la fois violente parce qu’elle transforme tout, elle chamboule tout. Mais elle est paisible et réconfortante parce que Dieu lui-même vient habiter chez moi. Je peux alors me reposer sur son cœur comme saint Jean pendant la cène. Quoiqu’il arrive, il est là. Et cela me suffit. Dieu seul suffit !
Ce réconfort que Jésus nous donne, il nous est donné comme pour saint Jean pendant le banquet eucharistique. Là où il se rend présent. Là où il nous console comme une mère console son enfant. Ce réconfort il nous est donné également dans l’épreuve, lorsque nous portons dans notre corps les marques des souffrances de Jésus comme le dit saint Paul aux Galates. (Ga 6)
Le réconfort du chrétien lui est donné dans la croix de Jésus. Réalité bouleversante et violente ! Mais réalité dans laquelle la paix est déversée sur nous comme un fleuve lorsque nous laissons le Christ Jésus agir en nous et que nous laissons de côté les soucis du monde.
Pas étonnant que la moisson soit abondante ! Parce qu’abondantes sont les souffrances des hommes. Abondant est le désir de bonheur qui nous habite. Pas étonnant que les ouvriers soient peu nombreux ! On leur propose un réconfort à l’opposé de ce que le monde propose appelle « réconfort » : Se réjouir de Jérusalem et porter dans notre corps les souffrances de Jésus.
Tel est le réconfort du chrétien !
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