« Chercheurs de Dieu »
Prédication pour la fête de l’Épiphanie 2023.
Cathédrale de Saint-Denis/La Réunion, les 7-8 janvier 2023.
Introduction à la messe
Dans la lumière de Noël, nous célébrons l’Épiphanie, mot grec qui veut dire manifestation. « Le Verbe est la lumière qui éclaire tout homme venant dans le monde » », nous enseigne le Prologue de saint Jean. Lumière universelle, amour catholique du Verbe pour toutes les nations.
En entrant dans notre eucharistie, rendons grâce au Seigneur pour la lumière du Verbe qui nous éclaire personnellement, et demandons pardon si nous avons pensé que cette lumière n’était pas catholique, universelle, voulue par le Verbe pour l’humanité entière.
Homélie
« Qu’est-ce que la vérité ? », s’est exclamé Pilate devant Jésus qui vient de lui déclarer : « Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. » (Jn 18,37).
Des philosophes comme Aristote ou saint Thomas d’Aquin définissent la vérité comme l’ajustement de la chose avec le concept produit par l’intellect : «Adaequatio rei et intellectus ». Entre la réalité et la compréhension intérieure existe alors harmonie et correspondance. L’objet devient alors présent dans l’esprit de la personne tel qu’il est, sans erreur. Par exemple, je regarde la place de la cathédrale et je dis : « Au milieu de la place, il y a une fontaine ». Mon propos est vrai car la fontaine de la place est comprise par mon intelligence comme étant une fontaine et non une voiture.
Chacun de nous est ainsi habité par des images et des mots ou des définitions qui les représentent. La réalité découverte devient présente en nous. Ceci est vrai de ce que nous voyons ou entendons, de ce que nous étudions ou apprenons. Plus nos connaissances grandissent et plus les réalités analysées prennent place dans notre esprit. Un scientifique ou un technicien voient plus et mieux qu’une personne ignorante dans tel ou tel domaine.
Il en va de même dans la connaissance de Dieu. Dieu devient présent en nous : Créateur à travers sa création ; Sauveur dans sa révélation biblique ; Amour dans les sacrements.
Les mages d’Orient décrits dans l’évangile selon saint Matthieu ont cherché la vérité en étudiant les étoiles et les documents de la sagesse. Ils ont cherché en quittant leurs pays et ils ont trouvé. Éclairés par l’Esprit Saint, les rois mages ont adoré l’Enfant Jésus de la crèche de Bethléem, en se prosternant devant lui. Ils ont ouvert leurs cœurs et leurs coffrets qui contenaient de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
Comme à Jacob et à Joseph, l’époux de Marie, Dieu a instruit les mages en songe sur les paroles trompeuses d’Hérode qui désirait la mort du Messie.
Dieu veut que nous le cherchions, non pas pour nous faire souffrir dans l’attente, mais afin d’élargir la capacité de notre cœur à recevoir la sagesse et la grâce divine.
Chesterton, l’écrivain catholique anglais, aimait à déclarer : « Quand on entre dans une église, il nous est demandé d’enlever le chapeau pas la tête ». Il y a une intelligence de la Vérité sur Dieu et sur l’homme qui relève du don de l’Esprit Saint, Esprit de sagesse et de discernement.
Le Pape Benoît XVI n’a pas hésité à dire que le fondamentalisme est un péché contre l’intelligence. Dieu est grand. La connaissance de Dieu ne cesse de progresser au cours de l’histoire. Nous connaissons mieux Dieu aujourd’hui qu’il y a deux mille ans. « Dieu nous a donné dans la Bible un champ infini de progrès dans la vérité », avait déclaré le père Marie-Joseph Lagrange en inaugurant l’École pratique d’études bibliques de Jérusalem le 15 novembre 1890. Et, en commentant la parole de Jésus dans l’évangile selon saint Jean : « Je suis le chemin, la vérité et la vie », le père Lagrange n’hésite pas à préciser que cette vérité de Jésus est en marche, en chemin, en progrès. Aussi avons-nous à demander au Seigneur l’intelligence des Écritures, de la création et de la personne humaine. La réalité dépasse ce que nos yeux voient et ce que nos concepts définissent.
À l’exemple de Jésus, les chrétiens cherchent et vivent la vérité en dialogue. Le bienheureux frère dominicain, évêque d’Oran, martyr, Pierre Claverie, exhortait les fidèles à aller plus loin que la tolérance envers ceux qui ne pensent pas comme nous. Il écrivait : « J’ai besoin de la vérité des autres. » Mgr Pierre Claverie O.P. n’était pas syncrétiste ni relativiste mais il croyait à l’enseignement du Prologue de saint Jean qui nous révèle l’amour du Verbe pour tout homme : « Le Verbe était la lumière véritable, qui éclaire tout homme » (Jn 1,9). Le dialogue des chrétiens repose sur ce fondement, loin de toute « soupe religieuse réunionnaise » ou d’une « macédoine » de croyances.
Saint Thomas d’Aquin (+1274) enseigne qu’en rigueur de termes la Vérité n’existe qu’en Dieu seul. En effet, nous appelons des vérités des découvertes scientifiques appelées à être dépassées dans le temps. Pour la foi chrétienne, la Vérité est une personne : Jésus le Christ.
Il y a un autisme cérébral. L’autiste peut être intelligent et artiste mais il évolue dans son univers à lui. Il peut y avoir aussi un autisme spirituel où le croyant se replie sur lui-même, sur ses préjugés et ses habitudes, sur son monde à lui, en évitant la relation avec autrui, sans acceptation de l’altérité.
Saint Matthieu nous a parlé de la joie des Rois mages quand ils virent l’étoile s’arrêter au-dessus de la crèche de Bethléem où se trouvait l’Enfant Jésus avec Marie, sa mère.
Puissions-nous partager cette joie dans l’adoration de Jésus, Dieu-Vérité, Vérité de Dieu.
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