La liturgie d’aujourd’hui est assez claire : « Tout est vanité ». Lorsque nous contemplons ce monde, aussi beau soit-il, nous découvrons qu’il est bien incapable de répondre au désir profond de notre cœur d’un bonheur éternel. Nous voulons un bonheur vrai et intense qui dure pour toujours. Mais le monde ne peut que nous donner de petits plaisirs qui retombent aussi vite qu’ils sont montés en nous.
L’homme est un animal étrange qui a une soif incroyable mais n’a nulle part dans son environnement de quoi étancher cette soif. Comme si un monde avait été créé avec des abeilles, mais sans prévoir de fleurs pour qu’elles puissent y butiner et ainsi fabriquer leur miel.
« Tout est vanité. » Tout est du vent. Il n’y a rien de consistant. Rien à se mettre sous la dent pour l’homme à la recherche de ce bonheur éternel.
Et pourtant l’homme continue à rechercher dans ce monde son bonheur. Et nous ne faisons pas exception à cette règle. Nous recherchons notre bonheur dans ce monde. Dans un monde sans fleur, on a envi de dire aux abeilles que ce n’est pas la peine de se fatiguer à aller et venir sans cesse et à dépenser leur énergie. Elles ne trouveront pas ce qu’elles cherchent. Et bien, voilà ce que nous dit le Qohelet : ne vous fatiguez pas à rechercher le bonheur, il n’existe pas.
Grâce à Dieu, nous savons que tout ne s’arrête pas là. Il y a une suite heureuse. Le Christ est mort et ressuscité pour nous et nous avons désormais accès à un monde où il y a des fleurs à butiner. Ce monde sans fleur n’est pas la fin de l’histoire. Il a été comme percé par l’incarnation du Verbe pour nous permettre de butiner ailleurs ce que nous recherchons tant. Nous sommes ressuscités avec le Christ et désormais, nous pouvons butiner la vie éternelle !
Mais que dire alors de ces abeilles qui continuent à chercher bêtement des fleurs là où il n’y en a pas et qui ne passe pas la porte de ce nouveau monde ? Ce que saint Paul nous dit dans la deuxième lecture : « Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. » (Col 3)
Et oui, nous avons besoin de nous l’entendre dire. Parce que bien souvent, nous continuons à demander à ce monde de nous donner des fleurs à butiner. Nous continuons à demander à ce monde de nous donner un bonheur et une paix qu’il ne peut pas nous donner. Et nous restons alors enfermés dans ce monde sans accepter ni voir qu’il n’y a qu’un pas à faire pour entrer dans la vie éternelle.
Ce pas à faire demande que nous fassions « mourir en nous ce qui appartient à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais, et cette soif de posséder, qui est une idolâtrie. » Saint Paul est dur avec les colossiens. Et peut-être faut-il l’être avec nous aussi pour que nous revêtions enfin l’homme nouveau pour de bon et que nous arrêtions de nous conformer à la manière de vivre des païens.
Suivre le Christ demande une certaine radicalité, vous le savez. On ne peut pas le suivre à moitié. On ne peut pas être citoyens des cieux et continuer à rechercher à butiner le bonheur dans ce monde. Il faut définitivement abandonner le monde. Il faut passer définitivement dans la vie éternelle.
Bien sûr, c’est ce que nous voulons tous. Sans cela, nous n’aurions pas pris le chemin de la vie chrétienne et encore moins celui de la vie religieuse. Nous savons bien que Jésus est notre seul bonheur et que le reste n’est que vanité. Nous n’avons pas trop de risque de tomber dans le refus de cette vie éternelle. Mais ce qui nous guette beaucoup plus, c’est cet arrangement avec le monde. « Quand même, disons-nous, il y a peut-être ici-bas une ou deux fleurs à butiner ! » Et voilà que nous perdons notre temps à la chercher sans jamais la trouver. Et ce qui est dramatique alors, c’est que plus nous la cherchons, et plus nous oublions de tourner nos regards vers la vie éternelle. Et nous nous laissons alors enfermer petit à petit dans ce monde sans Dieu. Nous demandons à ce monde ce que seul Dieu peut nous donner.
Dans cette méditation de la vacuité du monde, nous entendons un appel. C’est le Seigneur qui dit à son épouse : « viens ! » (Ap) C’est le Seigneur Jésus qui nous appelle encore une fois à la conversion du cœur. Viens !
Comme Dieu le dit à Abraham dans sa vieillesse : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père pour le pays que je t’indiquerai » (Gn 12, 1) L’appel de Dieu pour ses créatures en quête de bonheur se laisse toujours entendre. Il n’y a personne qui puisse dire « c’est trop tard ». Il y a toujours un appel nouveau à découvrir les champs fleuris où le Seigneur nous attend pour nous donner la nourriture en temps voulu.
Regarde le monde : « Tout est vanité. » Contemple le vide dans lequel tu te trouves. Mais surtout, n’oublies pas de regarder ailleurs. N’oublie pas d’écouter cette voix qui t’appelle à aller chercher ce que tu cherches là où ça se trouve. N’oublie pas de suivre ses Paroles que le Seigneur à inscrites dans ton cœur : « Viens »
Maintenant, « vous vous êtes débarrassés de l’homme ancien qui était en vous et de ses façons d’agir, et vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau qui, pour se conformer à l’image de son créateur, se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance. » (Col 3) Soyez riches en vue de Dieu ! (Lc 12, 21)
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