La prière n’est-elle donc qu’un marchandage avec Dieu, comme cette veuve dont nous parle Jésus qui importune le juge jusqu’à ce qu’elle ait eu gain de cause ? Certainement pas ! Jésus lui-même nous met en garde contre une prière qui ne serait qu’un rabâchage incessant. « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s'imaginent qu'à force de paroles ils seront exaucés. » (Mt 6, 5) La parabole de Jésus n’est donc pas pour nous demander de rabâcher, mais pour attirer notre attention sur la nécessité de prier sans se décourager. Nous ne devons pas casser les oreilles à un juge inique, dépourvu de justice, mais nous devons entrer en relation avec un Dieu qui est notre Père.
Cela demande du temps et de la patience. Non pas que Dieu ait envie de nous faire patienter. Ni qu’il ait besoin de notre insistance pour enfin faire attention à nous. Mais Dieu ne peut entrer dans des cœurs si ceux-ci ne sont pas disposés à le recevoir. « Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
Dieu fait justice. Il donne à chacun ce dont il a besoin. C’est une certitude absolue. Dieu aime tous les hommes et ne veut en perdre aucun ! Mais avons-nous un cœur qui attend cette justice et qui la désire ardemment ? Sommes-nous comme la veuve qui crie jour et nuit devant Dieu ou bien avons-nous déjà lâché le combat de la prière en nous disant que de toute façon ça ne sert à rien ? Il y a-t-il en nous la foi gros comme un grain de moutarde pour accueillir la vie que Dieu nous donne ? Ou bien notre cœur n’attend-il plus rien de ce Dieu qui parfois nous semble si lointain ?
Comme la veuve, il nous faut donc demander instamment mais sans marchander. Il nous faut priez sans cesse, mais ne pas rabâcher. Il nous faut crier vers un Dieu juste et bon qui sait déjà ce que nous allons lui demander et qui nous a déjà exaucé.
C’est si simple et pourtant, combien de fois nous nous décourageons dans la prière ! Combien de fois nous abandonnons et nous oublions de tourner notre cœur vers le Seigneur ! C’est que la prière, bien souvent, ça ne marche pas ! Enfin, ça semble ne pas marcher. Ça semble ne pas marcher justement parce que nous la considérons comme un marchandage avec un juge injuste. Nous attendons d’être exaucé par un tirant et non pas entendus par un père.
L’image de Moïse qui tient ses deux bras étendus pendant la bataille peut nous être utile pour comprendre un peu mieux ce que doit être notre prière. Ça me fait un peu penser à ce jeu auquel on jouait enfant : Il s’agissait d’étendre les bras et de voir qui tenait le plus longtemps. Ce ne sont pas les plus forts qui gagnent à ce jeu, mais les plus mauvais perdants ! Ce ne sont pas les plus forts qui tiennent dans la fidélité à la prière, mais ceux qui savent qu’ils ne peuvent pas se permettre de vivre sans ! Moïse tient bon, les bras étendus parce qu’il voit que lorsqu’il fléchit, son armée recule et que lorsqu’il tient bon, son armée tient bon. Et Moïse n'aime pas perdre ! Nous ne tiendrons dans la fidélité à la prière que lorsque nous aurons découvert que sans elle, que sans cette présence de Dieu dans notre vie, nous perdons tout alors qu’avec lui nous sommes vainqueurs !
Mais cela nous demande une grande humilité. Combien de nous auraient laissé la colline pour descendre et se battre avec l’armée d’Israël ! Alors que la victoire n’est donnée que par la foi et la prière de Moïse. La prière nous enseigne que nous sommes bien inutiles et que nous devons laisser Dieu faire dans nos vies. Moïse est bien plus utile à son peuple en priant qu’en combattant. Le combat de la vie chrétienne prend sa source dans la prière, et sans elle, toute action est stérile. Alors, ceux d’entre vous qui n’aiment pas perdre, gardez les bras étendus, tenez bon dans la prière et laissez Dieu agir dans votre vie. N’ayez pas peur de vous sentir inutiles.
Pour Moïse, tenir les bras étendus a été une épreuve. Pas tellement une épreuve physique, mais une épreuve d’humilité. Cette épreuve l’a obligé à être présent au présent. Celui qui gagne l’épreuve, c’est celui qui tient bon, seconde après seconde. Le combat de la prière oblige à être présent, plongé dans le présent. C’est étonnant comment avoir la tête tournée vers le ciel nous rend présent au monde et à nous même. Cette vérité est contre intuitive. Seuls ceux qui ont goûté la prière savent cela. Moïse se confie pleinement à Dieu pour la victoire, mais il est bien présent dans l’effort qui est le sien. Il tient bon.
Certains pensent que ceux qui prient sont déconnectés de la réalité. Rien de plus faux. Avoir les bras étendus oblige à avoir les deux pieds sur terre. Être tendu de tout son être vers le ciel oblige à vivre le combat de la foi sur la terre, bien ancré dans le présent et dans le monde qui nous entoure.
Un dernier enseignement de Moïse, c’est qu’il a tenu bon parce qu’il avait des frères qui l’ont soutenu. Si la prière est un combat intérieur et personnel, c’est un combat qu’on ne mène pas seul. C’est toute l’Église qui nous accompagne lorsque nous prions. C’est avec des frères que nous apprenons à prier. C’est pour eux que nous prions. Le chrétien n’est jamais un être isolé. Bien au contraire, lorsqu’il se plonge dans la solitude de la prière, c’est pour y rencontrer Dieu, mais également ses frères avec qui il entre en communion.
La prière n’est donc pas un rabâchage de mots, mais une relation qui demande de la constance. Cette constance, c’est celle de la foi : Un cœur qui espère et qui croit parce qu’il aime. La prière nous plonge dans le présent, dans la réalité de l’amour de Dieu et de nos frères.
Étendons donc les mains comme l’a fait Jésus sur la croix devenant ainsi une offrande d’amour à Dieu le Père pour le salut du monde.
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