Il y a quelques années, je suis allé en Ireland et lors d’un après midi curieusement ensoleillé on m’a amené visiter un ancien couvent dominicain. Il n’en reste que des ruines. L’église est plantée au milieu d’un paysage verdoyant et laisse apparaître un clocher qui semble venir d’un autre temps.
Une église en ruine, oh que c’est triste ! Quand on visite ces églises, on a envie de les reconstruire pour qu’elles retrouvent l’éclat qu’elles avaient autrefois. Mais au fond la ruine d’un bâtiment n’est pas grand-chose. Ce qui est vraiment triste, c’est la ruine de nos communautés chrétiennes. Ce qui est vraiment triste, c’est que les églises se vident.
Parce que la véritable Église, ce n’est pas le bâtiment, mais bien la communauté chrétienne qui s’y réunit. Et il faut bien l’avouer, les chrétiens ne sont pas toujours au rendez-vous. Non seulement ils ne sont pas toujours là, mais même quand nous y sommes, nous sommes si peu fidèle au message de Jésus dans l’Évangile. Nous nous disons chrétiens, mais nous acceptons que nos communautés ne vivent pas de l’amour du Christ. Nous nous disons chrétiens, mais notre comportement ne ressemble pas à l’Évangile. Reconstruire l’Église du Christ, c’est vivre de l’Évangile, c’est accepter d’écouter et de mettre en pratique la Parole de Dieu, c’est conformer notre vie à ce que nous dit Jésus. « Ayez un comportement digne de l’Évangile du Christ. » (Ph1) dit saint Paul aux Philippiens.
Nous nous apprêtons à partir en pèlerinage ; nous nous apprêtons à rebâtir, ou à bâtir l’Église du Christ ! Notre pèlerinage n’a pas d’autre but que celui-là : de vivre notre foi ensemble, de la nourrir en écoutant la Parole de Dieu, d’aider ceux qui viennent avec nous sur ce chemin de foi, ou au moins être les témoins pour eux de l’amour de Dieu.
C’est le thème de notre pèlerinage : « Venez bâtir l’Église ! » Lors d’une apparition Marie a demandé à Bernadette : « Allez dire aux prêtres qu’on vienne ici en procession et qu’on y bâtisse une chapelle. » Évidement nous ne prenons pas dans nos valises (qui ne doivent pas être plus lourdes que 23kg) des truelles et des sacs de ciment pour reconstruire la basilique du Rosaire. C’est nous l’Église et c’est ensemble que nous formons une église qui prend le chemin de la vie selon l’Évangile.
Lorsque j’ai visité les ruines de l’église dominicaine en Ireland, j’ai été frappé par la beauté des ruines que j’avais devant moi. Il arrive que nous soyons désespérés devant le monde qui s’écroule, devant les chrétiens qui ne vivent plus de l’Évangile. Mais si nous regardons bien ; si nous regardons avec le regard de Jésus, nous nous rendons compte qu’il y a autre chose. Les ruines des églises irlandaises sont belles. Elles sont remplies de la prière de nos prédécesseurs dans la foi. Comme le Colisée à Rome où a coulée le sang de tant et tant de martyr qui ont donné leur vie pour le Christ. Il se dégage de ces lieux une paix profonde. C’est l’amour qui est resté et les pierres qui sont tombées et se sont écroulées. Il ne reste que l’amour, pur !
Et c’est peut-être aussi cela reconstruire l’Église : porter sur la ruine de nos âmes un regard d’espérance. Nous sommes appelés à revivre, à naître de nouveau. Porter sur la ruine de nos communautés un regard d’espérance parce que nos communautés doivent ressusciter. Notre relation à Dieu doit ressusciter. Nos échanges fraternels doivent ressusciter.
Les pierres qui sont tombées devaient tomber pour que la construction soit solide et fondée sur le Christ. On ne peut pas rebâtir l’Église sans d’abord la purifier de tout ce qui n’appartient pas au Christ. On ne peut pas purifier nos cœurs si on n’accepte pas de laisser de côté ce qui nous semble essentiel et qui pourtant ne l’est pas : l’attachement au péché et à ce qui conduit au mal.
Parce que l’Église n’est pas une réalité terrestre. C’est l’Église du Christ, et elle est immortelle. Ce qui meure dans l’Église n’appartient pas à l’Église mais au monde. La voilà notre grande espérance : d’un champ de ruine Dieu construit son Église.
Allons rebâtir l’Église en faisant ce pèlerinage. Laissons de côté ce qui n’est pas essentiel pour vivre un beau pèlerinage, c’est-à-dire pour nous exercer à vivre la charité chrétienne et à avoir un comportement conforme à l’Évangile. Portons sur nous-même et sur les autres ce regard d’espérance et d’amour.
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