Le Dieu de tous les peuples
20eme dimanche du TO Prêché à la cathédrale de Saint Denis
« Sanctus, sanctus, sanctus, Dominus Deus Sabbaoth ». Saint, saint, saint, Dieu de l’univers. Ce passage de l’ordinaire de la messe, qui est un mélange de latin et d’hébreux, loue Dieu pour sa sainteté et le magnifie comme Dieu de tout l’univers. Et il illustre asses bien la teneur générale de notre liturgie de la Parole en ce dimanche.
Dans l’évangile, Jésus est sorti des limites de la Terre Promise, il est hors du territoire que Dieu a donné aux fils d’Israël. Il est à Tyr et à Sidon, en Phénicie, dans l’actuel Liban. Il semble y faire la même chose qu’en Israël : il prêche la Bonne Nouvelle, mais à des non juifs. Et il semble s’étonner lorsqu’une femme, originaire de la région, lui demande une guérison. « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. » lui répond-il. On aurait presque envie de lui rétorquer que là où il les cherche ses brebis perdues, elles doivent être bien perdues…Tyr est à trois bons jours de marches de Nazareth ! On aurait plutôt tendance à penser qu’il est allé chercher d’autres brebis, celles qui ne sont pas « encore de son bercail », comme il le dit lui-même dans le discours du Bon Pasteur, dans l’Evangile selon S. Jean. Le fait que cette femme poussée par sa foi, obtienne ce qu’elle demande, nous indique que la mission du Verbe fait chair ne vise pas exclusivement les fils d’Israël, en tout cas pas autant qu’il semble le dire.
Pour éclairer cette action de Jésus, nous avons des oracles d’Isaïe qui le précède et des méditations de S. Paul qui le suivent. Isaïe est un des prophètes de l’Ancien Testament qui a le plus annoncé cette ouverture du salut à toutes les nations. Dans son orale en ce jour, il explique que la justice ne se trouve pas que dans la filiation d’Abraham. Peut-être qu’un petit rappel d’anthropologie religieuse antique nous fera saisir l’ampleur d’un tel oracle. Dans l’antiquité, un dieu (ou un panthéon) est avant tout le dieu d’une nation, voire même d’une cité. On honore son dieu afin qu’il nous protège. Le peuple d’Israël a probablement compris son Dieu de cette manière et pendant longtemps. Or ce Dieu d’Israël, dit qu’il n’est pas le Dieu que de ce peuple, mais qu’il est le Dieu « Sabbaoth », littéralement des « armées » sous-entendu du ciel, autrement dit de l’univers tout entier. Et c’est une des particularités de ce Dieu qui se révèle à Israël. Ses promesses et son action ne concernent pas uniquement une portion de l’humanité, mais bien celle-ci dans son entièreté. Il créateur de tout et rédempteur de tout.
Mais alors pourquoi ne pas avoir directement fait cette révélation à tous, et pas uniquement à Abraham et ses fils ? Et c’est là que les méditations de S. Paul nous sont précieuses. S. Paul remarque que le choix de ce peuple a permis à Dieu de réaliser une promesse spécifique qui était en vue de tous. Si Dieu s’est choisi un peuple, c’est en réalité pour pouvoir sauver tous les peuples. Il a choisi un peuple qui lui donnerait une nature humaine, et c’est par cette nature humaine spécifique et précise que le salut sera obtenu pour toute l’humanité. Les païens n’ont pas connu Dieu afin que Dieu réalise son plan pour eux. Une fois le plan réalisé, ce sont les juifs qui rejettent leur Dieu fait chair, afin que le plan soit connu de tous ! Cette succession d’ouverture et de fermeture des cœurs entre les juifs et les païens a permis à Dieu, par l’annonce de l’Evangile, de faire miséricorde à tous.
Et nous sommes le résultat de cela ! Et oui frères et sœurs, nous sommes des enfants de païens ! C’est plutôt devenu un titre de gloire que de déshonneur. Car c’était autant pour les fils d’Israël que pour nous tous, que la promesse de salut avait été faite par Dieu à l’humanité. Mais l’histoire ne s’arrête pas là ! Si nous avons pu accueillir cette bonne nouvelle du salut, si nous chantons à présent la sainteté du Dieu Sabbaoth, c’est bien parce que quelqu’un nous l’a annoncée, une chaîne ininterrompue depuis les premiers disciples. Et chacun de nous fait partie de cette chaîne à présent. Nous avons la charge d’annoncer cette bonne nouvelle à toutes les nations, et Dieu sait qu’à la Réunion il y en a un certain nombre de représentées ! Alors ne pensons pas que certains ne sont pas concernés d’office. On pourrait avoir naturellement ce genre d’a priori qui inhibe notre témoignage. L’Eglise catholique n’est pas une secte, une gnose, ou une société secrète qui ne concernerait que certains adeptes, triés sur le volet. Aucune entrave de notre part ne doit venir empêcher la plus large annonce possible de cette bonne nouvelle. Aucune recherche « d’entre-soi », d’une communauté d’intérêts, de milieu social, d’origine,… rien de tous cela ne doit venir entraver l’annonce à tous de la Bonne Nouvelle. Il ne s’agit pas de forcer les consciences, bien sûr, mais surtout de ne pas sélectionner les bénéficiaires de ce message. Lorsque nous invitons à des évènements, ou pour aborder des sujets de conversations, ne jamais se dire « celui-là, ça ne l’intéresse pas, parce qu’il est… » mettez ce que vous voulez ensuite, de toute façon c’est de trop !
Dans la finale de l’évangile selon s. Matthieu, dont est extrait le passage proclamé en ce jour, Jésus envoie les apôtres faire des disciples de toutes les nations. En ajoutant : « je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Il est avec nous le Seigneur Dieu Sabbaoth, le seul Saint. Et il n’est pas que pour nous, puisqu’il est Dieu sur toute la terre, qu’il soit connu et reconnu comme tel par tous, grâce notre témoignage !
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