Il était une fois un homme. Son nom était Stanislas. Il était né dans les hautes steppes polonaises et avait travaillé toute sa vie dans les champs. Pendant les longues heures de son dur labeur, Stanislas avait nourri un rêve. C’était un rêve un peu fou. Il lui permettait d’occuper son esprit pendant qu’il travaillait. Ce rêve, il n’y avait jamais vraiment cru comme pouvant un jour se réaliser. Ça lui permettait de passer par-dessus la pénibilité de son travail. C’était comme une espérance d’une chose qui de toute façon n’arriverait jamais. Il était pourtant simple à réaliser ce rêve. Mais il se contentait de rêver sans s’autoriser à imaginer que son rêve puisse un jour devenir une réalité.
Stanislas voulait faire un long voyage. Il voulait quitter son pays trop étriqué pour lui et découvrir autre chose. Il ne savait pas quoi, mais ce serait merveilleux. Il s’imaginait parcourir l’Europe entière pour visiter les plus grandes villes. Mais il ne savait pas comment imaginer les grandes villes autrement que comme son petit village en plus grand. Il ne savait pas comment imaginer l’immense Europe autrement que comme sa campagne se répétant à l’infini.
Stanislas avait soif d’autre chose, mais il ne s’autorisait pas à boire. Il avait soif, mais ne faisait que regarder l’eau sans s’en approcher autrement que par la pensée.
Et voilà qu’un beau jour, alors que la moisson était finie, il décida tout à coup de tout laisser et de se mettre en route. Quelle mouche l’avait donc piqué, il n’en savait rien et nous ne le saurons probablement jamais. Le voilà donc sur la route, prêt à tout pour réaliser son rêve. Il a pris vers l’ouest, mais aurait tout aussi bien pu partir au nord ou au sud. Mais l’essentiel était fait : il avait enfin fait le pas de prendre le chemin, non pas d’un rêve, mais d’une réalité concrète.
Des rêves, comme Stanislas, nous en avons. Nous ne serions pas à la messe un mercredi matin sans cela. Le rêve d’autre chose. La soif d’un monde qui ne se résume pas à notre vie quotidienne. Le désir de découvrir ce qu’il y a par-delà nous-même. Parce que nous le savons bien, le monde que nous voyons ne peut pas tout expliquer. Le monde que nous voyons ne peut pas être tout.
Et laissez moi vous dire que ce rêve est plus que le rêve d’un monde qui serait un peu plus comme ceci ou un peu moins comme cela. Le rêve qui habite le cœur de l’homme est le rêve d’un monde nouveau, totalement renouvelé. Une vie qui ait un sens profond et durable. On peut imaginer ce monde pour se rassurer et rendre notre travail moins pénible. Mais quelle tristesse ! Quelle tristesse de passer à côté de la découverte du monde nouveau. Quelle tristesse d’avoir soif et de ne pas boire !
Il faut donc, comme Stanislas, arrêter de rêver et avoir le courage de partir à la recherche de ce monde nouveau, à la recherche de Dieu dans ce monde. Et c’est précisément cela le carême que nous commençons aujourd’hui. Un voyage de 40 jours pour découvrir la joie de la résurrection de Jésus et vivre de la vie éternelle qu’il nous donne en héritage.
Mais pour cela, il faut partir. Il faut quitter le confort de la maison. Il faut quitter le confort de nos rêves qui ne se réalisent pas. Voilà pourquoi pendant le carême nous jeûnons, nous faisons l’aumône et que nous prions. C’est pour quitter notre zone de confort et nous mettre à la recherche de Dieu.
Quand Stanislas est parti, après seulement 10 kms il a eu mal aux pieds. Le soir est tombé et il s’est mis à pleuvoir. Stanislas s’est alors mis à rêver. Non plus au bonheur du ciel, mais à retourner chez lui, au chaud et au sec. Et ce rêve a bien failli devenir une réalité ! La route, ça fait mal aux pieds. Le jeûne, ça donne faim. L’aumône ça nous prive de ce que l’on a donné. Le temps qu’on donne à la prière est toujours du temps perdu.
Le carême ce ne sont pas les bonnes résolutions du début de l’année. Vous savez, ces résolutions qu’on ne tient pas. Le carême, de prendre la route du bon Dieu. C’est d’avancer et de continuer d’avancer sur la route qui mène à la gloire de la résurrection. Cette gloire, nous la voulons tous. Et pendant le carême nous décidons de vraiment nous diriger vers elle. La route n’est pas facile. Elle nous sort de notre confort. Nous sommes tentés de retourner en arrière et de reprendre notre vie d’avant. Mais pendant 40 jours, nous faisons l’effort de vivre le rêve de la présence de Dieu. Nous quittons notre confort pour être réconfortés par cette présence qui donne un vrai sens à notre vie.
Heureusement, Stanislas a continué sa route ! Il a eu faim, il a eu mal au pieds, il a eu froid, il a été seul. Mais il a aussi rencontré des gens formidables sur sa route. Il a aussi été accueilli chez des inconnus. Il a aussi vu de magnifiques paysages. Il s’est réjouit de n’avoir plus grand-chose mais d’avoir retrouvé l’essentiel. Il a repris contact avec lui-même en apprenant à vivre ses désirs profonds au lieu de les laisser à l’état de rêve.
Lorsqu’il est arrivé… en fait, il n’est pas encore arrivé. Il marche encore et encore non plus à la recherche d’un bonheur lointain, mais il a découvert que le bonheur lui est donné en marchant.
Pendant le carême, nous jeûnons, nous donnons et nous prions. Nous ne nous privons pas pour obtenir quelque chose plus tard, nous faisons la découverte de la présence de Dieu dans notre vie parce que, plus légers, nous sommes capables de réaliser le rêve de vivre la vie éternelle dès maintenant.
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