La Vierge Marie dans le temps de l’Avent
Le temps de l’Avent nous prépare à célébrer la naissance du Sauveur à Noël. Le mot « Avent » vient du latin « adventus » qui signifie « venue ». Dieu vient.
Temps de l’attente et de la patience, temps de la vigilance et du désir de Dieu. Sainte Thérèse d’Avila n’a pas hésité à enseigner que « la patience obtient tout », car Dieu est fidèle à sa promesse.
Le Messie attendu par Israël entre dans l’histoire de l’humanité. Deux grandes figures brillent dans ce nouveau temps liturgique : Jean le Baptiste, le Précurseur, et la Vierge Marie.
Dieu est célébré comme « Celui est, qui était et qui vient ». Il est venu à l’Annonciation en prenant chair en Marie. La foi chrétienne repose sur le mystère de l’Incarnation. Dans le judaïsme, Dieu ne devient pas homme. Dans le Coran, Marie est mère et vierge du prophète Jésus, mais Jésus n’est pas le Fils de Dieu devenu le Fils de l’homme ; Marie n’est pas non plus Mère de Dieu comme l’a défini le Concile d’Éphèse en l’an 431. Marie ne donne pas la divinité à Jésus mais en lui la nature divine et la nature humaine font un dans l’unité de sa personne ; ce qui est dit de Jésus homme, les fidèles peuvent l’affirmer de Jésus Fils de Dieu et ce qui est dit de la divinité de Jésus s’accorde aussi avec son humanité. Ce grand mystère de l’Incarnation appelle des transformations pour notre vie spirituelle. À la lumière de l’Incarnation, le croyant ne cherche pas à fuir les réalités humaines. Un philosophe stoïcien affirmait : « Chaque fois que je suis allé chez les hommes, j’en suis revenu avec le sentiment d’être moins homme ». Ce n'est pas le cas du christianisme où l’homme se rapproche de Dieu en se rapprochant des hommes. La rencontre humaine devient alors « sacrement du frère » et union au Christ Jésus qui s’identifie aux petits et aux membres souffrants de l’humanité (cf. Mt 25) : malades, prisonniers, étrangers, affamés … Dieu vient naître dans ce qui est petit. En devenant homme, le Fils de Dieu divinise et humanise l’humanité. Un couple des Équipes Notre-Dame, Mouvement spirituel de sanctification de la famille, constatait que le prêtre, équipier et conseiller spirituel, était humanisé par les dialogues avec les couples. Oui ! La foi véritable humanise et sa valeur se reconnaît à la manière d’agir et de parler de la dignité humaine.
Jésus vient aussi à Noël. Il reviendra à la fin de l’histoire. Il vient maintenant dans le baptême et dans les sacrements. La révélation biblique conduit à l’Alliance de Dieu avec l’humanité. La Bible est tissée de rencontres : Dieu à la recherche de l’homme.
« Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils unique », déclare Jésus (Jn 3,16). Il ne dit pas que le Père a envoyé son Fils dans l’Église mais dans le monde. Le Concile Vatican II, dans la Constitution Gaudium et spes n°22, l’enseigne à son tour : « Car, par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme ».
Pour la foi de l’Église, le mois de Marie est bien le mois de l’Avent plutôt que celui du mois de mai, riche en fleurs printanières. La liturgie met en lumière le choix de Marie par Dieu et l’accueil fait par Marie à l’annonce de l’archange Gabriel. Marie resplendit comme étant la réussite de Dieu et le succès de l’humanité. En Marie s’accomplit de manière heureuse la rencontre de Dieu avec l’humanité.
La pédagogie de l’Église se déploie dans la liturgie à travers la variété de couleurs, de chants et d’antiennes. L’année liturgique commence avec le temps de l’Avent pour nous conduire à Noël, à l’Épiphanie, au Carême, à Pâques et à la Pentecôte et enfin à la fête du Christ Roi de l’univers, sommet de la liturgie dans l’attente du Jour du Seigneur quand la création trouvera son accomplissement en Jésus-Christ glorieux à la droite du Père dans la lumière de l’Esprit Saint, Amour.
La Bible commence avec le livre de la Genèse qui nous présente de manière mythique, c’est-à-dire symbolique et universelle, Adam et Ève, couple primordial. L’Évangile représente une nouvelle genèse du monde, sa recréation et son salut. Jésus-Christ apparaît comme le nouvel Adam, l’homme nouveau, qui épouse l’Église, nouvelle Ève, qui sera symbolisée par la Vierge Marie, image de l’Église qui croit et qui aime Dieu. Si la mort est entrée dans le monde par la désobéissance d’une femme, Ève, la vie et la résurrection entrent aussi au cœur de l’humanité par la foi d’une femme, Marie, nouvelle Ève, figure de l’Église.
L’histoire du monde converge vers Marie et la nouvelle création part aussi de Marie.
Nous comprenons pourquoi la Vierge Marie joue un rôle capital dans le Salut de l’humanité. C’est elle qui va donner au Fils de Dieu, Verbe, de prendre chair. Dieu n’a pas voulu sauver l’homme sans sa participation. Pour que le salut de l’homme passe par l’homme, le Fils de Dieu s’est fait homme afin que la victoire sur le péché et sur la mort soit la victoire de Dieu et de l’homme, en Jésus de Nazareth.
Le temps de l’Avent nous fait revivre l’attente d’Israël. Les lectures de la Parole de Dieu et les chants liturgiques éveillent en nous le désir et l’attente de Dieu, non seulement à Noël mais aussi au terme et au sommet de l’histoire quand le Seigneur reviendra juger et sauver par sa miséricorde les morts et les vivants. Personnellement c’est l’un des temps liturgiques que j’attends avec plaisir pour chanter de tout mon cœur : « Viens Seigneur, ne tarde plus, en veillant dans la nuit, nous attendons ton retour ». « Viens » correspond au désir des amoureux. En ce temps de l’Avent, l’Époux et l’Épouse disent : « viens » (Ap 22,17). La Bible finit dans la soif de la venue du Sauveur : « Maranatha », « viens Seigneur Jésus » (Ap 22,20).
Le temps de l’Avent comporte quatre dimanches ; une tradition populaire marque la progression du temps par une couronne de bougies : une bougie, deux bougies, trois bougies, quatre bougies et voilà Noël.
Temps d’allégresse, nous écouterons la lecture du prophète Sophonie le dimanche 15 décembre : « Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Réjouis-toi, de tout ton cœur bondis de joie, fille de Jérusalem ! (…) Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse, il te renouvellera par son amour » (So 3,14s).
La manifestation de Dieu à Moïse dans un buisson ardent qui brûlait sans se consumer (cf. Ex 3) a été reprise pour l’attribuer à la maternité divine de Marie. Habitée par Dieu, mère du Messie, Marie répand la lumière de Dieu.
Le patriarche Jacob s’était exclamé en sortant d’une vision : « En vérité, Dieu était ici et je ne le savais pas ! » (Gn 28,16). Cette déclaration sur la présence de Dieu convient aussi à Marie, enceinte de Jésus. Dieu était en elle ; ses voisins ne le savaient pas.
Marie, femme juive, concentre en elle la foi d’Israël. Figure d’Israël, l’image de la synagogue et symbole de Jérusalem, la cité où Dieu demeure, Marie attendait la venue du Messie annoncé par les prophètes. En ce sens, nous pouvons dire qu’elle a conçu et « préconçu » son fils Jésus d’abord dans son cœur par la foi et ensuite dans ses entrailles maternelles. La femme entretient un rapport au temps qui lui est propre et distinct de celui de l’homme. Son corps connaît des cycles qui annoncent la maturation et le don de la vie dans le temps.
Comme Myriam, la sœur de Moïse, prophétesse, la Vierge Marie chante le Seigneur libérateur (cf. Ex 15, 20-21). Comme Judith, jeune femme, belle, veuve, sage et fervente, déterminée à sauver son peuple de l’oppresseur Holopherne, à Marie est loué pour son rôle dans le Salut : « Tu es la gloire de Jérusalem, tu es le suprême orgueil d’Israël, tu es le grand honneur de notre race » (Jdt 15,9). À l’image d’Anne, la mère de Samuel, Marie a chanté les merveilles de Dieu dans le Magnificat : « Le Seigneur élève les humbles ».
100% juive, 100% chrétienne, Marie devient à l’Annonciation la première chrétienne, le chaînon qui relie la première Alliance désignée comme Ancien Testament à l’Alliance nouvelle et éternelle, le Nouveau Testament, accomplie par Jésus dans sa mort et dans sa résurrection.
En Marie commence la nouvelle création, aurore du Salut. Elle aimait monter chaque année à Jérusalem en chantant les Psaumes avec sa famille, au cœur de son peuple, pour célébrer la Pâque, c’est-à-dire la libération de l’esclavage, la sortie d’Égypte. À La Réunion, nous célébrons le 20 décembre la libération de l’esclavage. Pâque était la libération de l’esclavage imposé par les Égyptiens. Dieu n'est pas sourd. Il entend les cris des hommes en souffrance. Pour libérer les esclaves et les conduire en Terre promise, le Seigneur appelle Moïse. Pour libérer l’humanité captive du péché et de la mort, Dieu a appelé Marie. Moïse, conscient de sa faiblesse, redoutait sa mission. Marie, consciente de sa petitesse, s’exclame devant l’ange Gabriel : « Comment cela s’accomplira-t-il ? » Marie, femme réfléchie et intelligente, pose des questions. Elle aime le dialogue. Ayant compris la volonté et la manière de faire de Dieu qui lui donne son Esprit Saint, Marie s’exclame : « Voici la servante du Seigneur qu’il me soit fait selon ta Parole ». Le Saint Esprit qui a engendré Jésus en Marie continue d’engendrer le Corps du Christ, l’Église, par les sacrements de la foi. Les prières eucharistiques chantent ce grand mystère : « Quand nous serons nourris de son Corps et de son Sang et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (P.E. III). Et saint Augustin de prêcher : « Devenez ce que vous recevez. Devenez le Corps du Christ ».
Femme juive aimant la fête de Pâques, la Vierge Marie intercède pour le passage de la foi juive à la foi chrétienne, dans la continuité et la plénitude, avec des ruptures et des dépassements. Jésus devient l’Agneau immolé, le Temple nouveau de la présence de Dieu. Messie libérateur, il déploie sa puissance en Serviteur souffrant comme l’avait annoncé le prophète Isaïe et non en militaire. Il arrive souvent que des Juifs soient entraînés dans les larmes d’allégresse en passant à la Nouvelle Alliance par Jésus qui en est la Porte, et cela grâce à l’intercession de la Vierge Marie. Je pense à un Juif, militant sioniste en Israël, qui était devenu chrétien, moine et prêtre, en priant sans cesse des Ave Maria, non par la force de sa volonté mais par grâce. Avec Marie, il entra dans le mystère de son Fils Jésus.
Le saint curé d’Ars, théologien par son expérience de l’Évangile, appelait Marie non pas « la porte du Ciel » mais « la portière », celle qui se tient près de la porte, Jésus, pour nous accueillir et nous inviter à entrer dans le mystère de son Fils Jésus : « Faites tout ce qu’il vous » (Jn 2,5). Marie ne sauve personne ; elle est la plus grande des sauvés par le seul Sauveur et médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus (I Tim 2,5-6).
Femme de commencements, nous pouvons confier à Marie le commencement de chacun de nos projets. Dans l’Évangile, Marie est présente à chaque commencement de l’histoire du Salut : Annonciation, naissance de Jésus à Bethléem, Cana, Calvaire, Cénacle lors de la Pentecôte. Avec Marie, l’Église avance de commencement en commencement par des commencements qui n’ont pas de fin », selon l’expression de saint Grégoire de Nysse.
Le prophète Sophie souligne le bonheur que Dieu a trouvé en Marie : « Le Seigneur ton Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut. Il aura en toi sa joie et son allégresse ». Ceux qui accueillent la Vierge Marie dans leur cœur reçoivent avec elle la joie de Dieu comme sa cousine Élisabeth lors de la Visitation : « Lorsque tes paroles de salutation sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi ». La Vierge Marie a dû saluer Elisabeth en disant « shalom », le souhait de paix qui équivaut à notre salutation quotidienne.
Ce n’est pas sans raison que la liturgie de l’Avent reprend l’évangile de la Visitation à deux reprises le samedi 20 décembre et le dimanche 22 décembre.
La généalogie de Jésus selon saint Matthieu sera lue le mardi 17 décembre. Si saint Luc met en valeur l’annonciation à Marie, saint Matthieu met en lumière l’annonce faite à Joseph en songe (cf. Mt 1,18) et le rôle majeur confié par Dieu à Joseph, descendant du roi David, qui permet à Jésus de se manifester comme le Messie (cf. Mt 1, 1s).
Le mardi 17 décembre nous écouterons l’évangile de la généalogie selon saint Matthieu qui part d’Abraham pour aboutir à Joseph, époux de Marie, de laquelle naquit Jésus, que l’on appelle Christ » Mt 1,16). Le lendemain, le mercredi 18 décembre, nous entendrons l’annonciation à Joseph par l’Ange du Seigneur (cf. Mt 1, 18s). Joseph, homme de foi, juste, aimant la Loi du Seigneur, prend alors chez lui Marie, qui va enfanter l’Emmanuel, « Dieu avec nous », et Jésus, dont l’étymologie veut dire « Dieu sauve ».
Nous aurions tort d’imaginer que Joseph a reçu une mission triste et sans intérêt, condamné à devenir un personnage falot de l’histoire. Il est vrai que certains peintres le représentent en retrait par rapport à la maternité divine de Marie de manière à signifier son rôle de père adoptif. Mais Fra Angelico (+1455), le patron des artistes, l’a peint dans une belle fresque du couvent des Dominicains de Florence rayonnant et heureux dans sa mission. Homme d’action, il a accompli la volonté de Dieu en aimant Marie, son épouse, et en veillant sur l’éducation de Jésus. Joseph a aimé Jésus ; Jésus a aimé Joseph.
Cette année la fête de l’Immaculée Conception sera célébrée non pas le 8 décembre comme d’habitude mais le lundi 9 décembre, le 8 décembre étant un dimanche. Au cœur de l’Avent, le mystère de l’Immaculée Conception manifeste que « tout est grâce » comme aimait à dire la petite Thérèse de Lisieux. Marie est la plus grande des sauvés, sauvée par avance, par une grâce venant du mystère pascal de son Fils. Marie a écrasé la tête du serpent par sa foi. Les lectures de la fête de l’Immaculée Conception reprennent la tentation d’Adam et d‘Ève selon le livre de la Genèse ainsi que l’évangile de l’Annonciation à la Vierge Marie. Là où le péché avait abondé, la grâce va surabonder par la foi de Marie, Nouvelle Ève.
En 1128, un moine anglais, Eadmer, a présenté l’Immaculée Conception à l’aide d’un exemple de la nature : « A l’image de la châtaigne qui est conçue, nourrie et formée sous les épines, mais qui reste toutefois à l’abri de leurs piqûres », l’âme de la Vierge est demeurée limpide et éclatante comme la châtaigne entourée d’épines.
Une autre fête du mois de décembre conduit au mystère de Marie : la Vierge Marie de Guadeloupe, célébrée le jeudi 12 décembre. Nous pouvons établir un lien entre l’apparition de la Vierge Marie au Mexique à l’indien Juan Diego et le langage de la Dame de la grotte de Massabielle à sainte Bernadette. La Vierge Marie nous enseigne la manière de faire de Dieu par l’inculturation. C’est le père Pedro Arrupe (+1991), jésuite, qui fut Général de la Compagnie de Jésus, qui a donné ce terme théologique « inculturation ». L’inculturation de la foi est avant tout l’œuvre de Jésus lui-même. Il est né juif pour sauver tous les hommes. C’est lui qui s’inculture dans les différentes cultures comme il s’est inculturé dans la civilisation d’Israël. À Lourdes, la Vierge Marie parlait patois pour révéler à Bernadette : « Je suis l’Immaculée Conception ». Au Mexique, la Vierge Marie a des traits indiens. Dieu s’adapte aux cultures pour dévoiler son amour universel.
Par ailleurs, l’art chrétien se plaît aussi à représenter la Vierge Marie enceinte. Pendant ce temps de l’Avent, la Vierge porte en elle « Celui qui porte tout ». Plus récemment, des artistes chrétiens montrent Joseph, l’époux de Marie, en train d’embrasser avec joie le ventre de son épouse qui porte le Messie.
Outre les textes bibliques repris par la liturgie, nous pouvons souligner l’apport des antiennes et des hymnes de l’Avent comme « Alma Redemptoris Mater », Marie, Mère du Rédempteur : « Mère du Rédempteur, porte du ciel, toujours ouverte, étoile de la mer, viens au secours du peuple qui tombe et qui cherche à se relever. Tu as enfanté, ô merveille, Celui qui t’a créée, et tu demeures toujours Vierge. Accueille le salut de l’ange Gabriel et prends pitié de nous pécheurs. »
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