Texte : Rm 10, 13-17 : « En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. » Mais comment l’invoquer sans d’abord croire en lui ? Et comment croire sans d’abord l’entendre ? Et comment l’entendre sans quelqu’un qui proclame ? Et comment proclamer sans être d’abord envoyé ? Selon le mot de l’Écriture : « Qu’ils sont beaux les pieds des messagers de bonnes nouvelles ! Mais tous n’ont pas obéi à la Bonne Nouvelle. Car Isaïe l’a dit : « Seigneur, qui a cru à ce que nous entendions dire ? Ainsi la foi naît de ce qu’on entend dire et ce que l’on entend dire vient de la parole du Christ ».
La foi naît de la prédication de l’Évangile. Par la foi en Jésus-Christ, l’auditeur qui adhère au Christ Jésus, librement avec toute son intelligence, reçoit l’Esprit Saint promis dans l’Ancien Testament et répandu à la Pentecôte.
Saint Dominique a été appelé par Dieu pour prêcher et fonder l’Ordre des prêcheurs. Il se présentait lui-même comme « serviteur de la prédication ».
En quoi consiste la prédication ? La prédication représente une actualisation de la prédication de Jésus, ici et maintenant. À la synagogue de Nazareth, après avoir lu la prophétie d’Isaïe « L’Esprit du Seigneur repose sur moi, il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4, 18), Jésus a déclaré « aujourd’hui s’accomplit cette parole ». Dans la prédication, Jésus accomplit par l’énergie de son Esprit Saint ce qu’il avait annoncé : « La Bonne Nouvelle est transmise aux pauvres et les malades sont guéris ».
Aujourd’hui, c’est Jésus lui-même qui agit au cours de la prédication par la grâce intérieure de son Esprit Saint. Aussi les abat-voix des chaires des églises présentent-elles la colombe, symbole de l’Esprit Saint, pour manifester le lien entre la voix du prêcheur et la descente du Saint-Esprit.
La prédication devient ainsi le sommet de l’exégèse, de la philosophie et de la théologie comme l’enseignait Pierre le Chantre au XIIe siècle. Il convient de rappeler que le pape Innocent III qui a rencontré à Rome en 1215, lors du IVe Concile de Latran, l’évêque de Toulouse Foulque et saint Dominique, avait été élève de Pierre le Chantre à Paris.
Nous comprenons sans peine le bon accueil du pape Innocent III à l’égard de saint Dominique compte tenu de sa vision de la prédication comme sommet de la théologie et non pas comme une activité confiée aux prêtres faibles intellectuellement en comparaison avec les maîtres en divine théologie.
Soutenu par Innocent III qui lui a demandé d’adopter une règle religieuse qui ait fait ses preuves, saint Dominique choisit la règle de saint Augustin qui met en lumière la vie commune.
Pour le salut des âmes, saint Dominique consacre son existence à la prédication par l’exemple de la charité et par la parole.
En Espagne, quand il était sous-prieur du chapitre de la cathédrale d’Osma, saint Dominique s’était occupé des sœurs du monastère de San Esteban de Gormaz. Ces mêmes sœurs deviendront par la suite les premières moniales dominicaines de Caleruega. À Prouilhe, saint Dominique accueille et il forme spirituellement des femmes converties du catharisme, avant même la fondation des frères.
Il a aussi accueilli des laïcs qui se sont donnés au service de la sainte prédication et cela aussi dès avant la fondation des frères à Toulouse en 1215 et l’approbation de l’ordre des Prêcheurs le 22 décembre 1216 par le pape Honorius III, qui succéda au pape Innocent III. Nous avons dans les archives de l’ordre des Prêcheurs à Santa Sabina, à Rome, l’acte datée du 8 août 1207 où deux laïcs, mari et femme, Ermengarde Godolina et Sans Gasc, promettent de servir la prédication à la manière de saint Dominique et ils le déclarent publiquement « au Seigneur Dieu et à la bienheureuse Marie, et à tous les saints de Dieu et à la sainte prédication, et au seigneur Dominique d’Osma et à tous les frères et sœurs qui sont aujourd’hui ou qui seront dans le futur ».
Saint Dominique n’était ni misogyne ni clérical. Il a fondé une Famille dominicaine où les frères, les sœurs et les laïcs partagent le même charisme de la prédication.
La vie de saint Dominique comme la vocation dominicaine repose sur la contemplation, la prière liturgique, la vie fraternelle, l’étude et l’annonce de l’intelligence de la foi. Pourquoi opposer la contemplation à la prédication ? La prédication elle-même représente un acte de contemplation où le prédicateur prie le Seigneur pour qu’il mette son message dans sa bouche. Dans l’action de la prédication, le prêcheur contemple l’action de Dieu qui transforme les cœurs et illumine les visages.
Pourquoi chercher une hiérarchie entre la contemplation silencieuse et solitaire et la prédication aux foules ? Le sommet de toute hiérarchie spirituelle se trouve dans la charité car « Dieu est charité, qui aime demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui » (1 Jn 4,16).
Saint Thomas d’Aquin enseigne que la contemplation du mystère divin atteint sa perfection dans le ministère apostolique qui fait naître le Christ dans le cœur des auditeurs de la Parole de Dieu : « Donner l’existence à d’autres est pour un être un couronnement de perfection. Puis donc que toute créature sous des formes diverses s’efforce de ressembler à Dieu, il lui reste de poursuivre cette divine ressemblance jusqu’à être cause d’autres êtres. C’est pourquoi Denys (Caelestis Hierarchiae III), écrit que « devenir le collaborateur de Dieu est ce qu’il y a de plus divin », selon le mot de l’Apôtre : « nous sommes les auxiliaires de Dieu » (I Cor 3,9). BJ : « Car nous sommes les coopérateurs de Dieu [1]».
À présent, la prédication s’accomplit surtout en dehors des messes par la catéchèse et l’enseignement sur la toile numérique d’Internet, véritable aréopage où se construit l’opinion publique.
Néanmoins la rencontre humaine et la relation fraternelle demeurent la matrice de la foi. S’il y a un don que saint Dominique ait fait à l’ordre des Prêcheurs, à l’Église et à l’humanité c’est bien l’esprit fraternel, riche en accueil de l’autre, délicatesse et soutien, dans la communion des différentes branches de la même Famille dominicaine.
Dès la naissance de l’ordre des Prêcheurs, les frères se sont détournés du culte de la personnalité à la suite de l’exemple reçu de saint Dominique. Le fondateur lui-même est resté quelques années sans que sa sainteté soit mise en valeur par ses frères. À la différence de François d’Assise, canonisé en 1226, deux ans après sa mort, par le pape Grégoire IX dans un climat d’enthousiasme populaire et de dévotion envers sa personne, Dominique, ami très proche du même pape Grégoire IX, ne connut le lancement de sa cause de béatification qu’en 1233, onze ans après sa mort. La translation des reliques de saint Dominique dans un tombeau neuf eût lieu le 24 mai 1233, mardi de la Pentecôte, à Bologne, à l’occasion de la célébration du Chapitre général. Il avait voulu être enterré sous les pieds de ses frères.
Comme aimait à le dire le père Lacordaire qui a restauré l’Ordre dominicain en France après la Révolution française : « La bonté est ce qui ressemble le plus à Dieu et ce qui touche le plus les hommes ».
Merci, saint Dominique de nous avoir fait connaître et savourer l’amour de notre Sauveur « dans le jardin large, joyeux et parfumé » (sainte Catherine de Sienne) de ta spiritualité évangélique. Le parfum suave exhalé par tes reliques au moment de leur translation nous renvoie au parfum du Christ Jésus qui fut toujours ta passion et ton salut. Amen.
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