On ne va pas s’en sortir ! Avouons-le, nous sommes englués dans notre péché et malgré les efforts que nous avons décidé de mettre en place pendant ce temps béni du carême, nous n’y arrivons pas. Nous sentons bien que nous sommes appelés à vivre quelque chose de plus grand et de plus beau, mais notre nature humaine et pêcheresse nous rattrape et nous empêche d’accomplir ce pour quoi nous sommes pourtant faits.
Et puis, si on regarde la même réalité à l’échelle du monde, là aussi nous avons de quoi nous désespérer d’enfin nous en sortir. Les instances supposées garantir la paix ne pensent qu’à faire la guerre. Les instances responsables du bien commun sont corrompues. Nous allons même jusqu’à imaginer que mettre à mort des innocents est un droit fondamental ! Nous sommes tombés bien bas et ne savons pas vraiment comment nous allons nous en relever.
On pourrait décrire pendant des heures les raisons de perdre courage dans notre combat pour le vrai, le beau et le bien. Mais je crois que nous avons compris.
Ce sentiment – plus qu’un sentiment, cette clairvoyance – sur le désastre de l’humanité est probablement ce que Dieu a vu lorsqu’après le péché d’Adam et Eve, il a regardé l’humanité captive depuis les cieux. Les voilà ces braves humains qui sont incapables de s’élever vers le ciel. Les voilà ces pécheurs que j’aime pourtant qui sont enfermés dans leur révolte. Et même lorsqu’ils veulent s’en sortir, ils n’y arrivent pas.
Et c’est là que Dieu a eu une idée de génie. Plus encore qu’une idée de génie, une idée divine. Une idée que seul Dieu pouvait avoir. Une idée absolument nouvelle. « Puisque l’homme ne peut pas s’élever, je vais donc m’abaisser. »
« Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. » (Ph 2)
L’histoire pourrait s’arrêter là, mais en fait, elle va beaucoup plus loin. Dieu s’abaisse en devenant un homme et en souffrant pour nous. Mais il est aussi élevé. « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. » (Jn 3)
Jésus est élevé sur la croix pour que nous puissions tourner notre regard vers lui. Il est élevé et il élève avec lui notre humanité toute entière. C’est nous qui sommes élevés de terre avec le Christ. C’est notre souffrance qu’il a prise sur ses épaules et qu’il expose sur la croix. Ainsi notre souffrance qui continuait à nous enfermer dans notre monde sans Dieu est exposé à la miséricorde du Père et devient une échelle pour monter jusqu’au ciel.
Le lieu même de notre enfermement ; notre souffrance ; devient le moyen de nous ouvrir à l’amour de Dieu.
Ainsi, en s’abaissant et en étant élevé souffrant, le Christ détruit ce qui nous éloignait de Dieu en le transformant en instrument du salut.
Dans le désert, déjà Moïse avait élevé le serpent de bronze. Le signe même de l’animal qui avait mordu les hébreux à cause de leur rébellion était devenu ce vers quoi il faut tourner le regard pour être sauvé.
C’est ce regard que le Christ rend possible et qu’on appelle la foi. La souffrance et le péché ne peuvent être regardés sans dégout. Mais puisque Dieu s’est fait péché pour nous, qu’il a pris sur lui notre souffrance, alors nous pouvons la regarder parce que nous regardons en même temps le Fils de Dieu qui se donne à nous par amour. Le Christ qui n’a plus visage d’homme nous attire à lui par la foi. Il purifie notre regard afin que nous le rencontrions au milieu de ce qui nous répugne et nous repousse. Il nous ouvre le ciel grâce à ce qui nous en empêchait l’accès. Il ouvre un chemin là où tout était jusqu’alors bouché.
On ne va pas s’en sortir ! Tout à fait juste. Mais… Mais notre salut ne vient pas de ce que nous pouvons faire, il vient du Fils de Dieu cloué sur la croix, lui aussi attaché, mais élevé pour être une offrande au Père. « Dieu a donné son Fils unique,
afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. » (Jn 3)
C’est la foi qui nous sauve. C’est ce regard vers le serpent de bronze de Moïse, vers la croix du Christ Jésus qui nous ouvre le ciel. C’est par les souffrances du Christ que nous sommes sauvés en entrant nous même dans le mystère de sa Passion qui nous est donnée à contempler. Contemplation de la présence du Christ dans les difficultés et parfois désastre de nos vies et de nos sociétés. Nous voyons un enfermement possible, mais il nous est donné de lever les yeux et par la foi d’obtenir le salut par la croix de Jésus.
Alors, oui, on va s’en sortir parce que Dieu est de notre côté et qu’il nous sauve. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8)
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