Introduction :
En ce premier novembre, nous célébrons de manière solennelle la fête de tous les saints. Dieu seul est saint. C’est lui qui sanctifie tous les saints que nous connaissons. Les plus grands saints sont les plus grands sauvés par la mort et la résurrection de Jésus le Christ. C’est pourquoi le lieu par excellence de la communion des saints est la messe où nous louons le Seigneur trois fois saint avec tous les saints du Ciel.
Nous ne gagnons pas la sainteté ; elle est don de Dieu, par sa miséricorde. Aussi reconnaissons-nous pécheurs en nous confiant à l’intercession de tous les saints.
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Homélie
Qui sont ces saints que nous fêtons aujourd’hui ? Ils ne forment pas une petite élite ou un club restreint de privilégiés inaccessible au commun des mortels. C’est une foule immense d’enfants, d’hommes et de femmes de toute nation, langue et culture.
Nous célébrons dans la joie le mystère de l’Église, la Famille de Dieu, le Corps mystique du Christ. Qu’il est bon d’entrer dans la vision communautaire de notre foi catholique, bien plus grande et belle que des approches individualistes : « Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière », nous enseigne saint Pierre dans sa prière lettre (I P 2,9s).
Appel universel à la sainteté ! Il y a les saints des vitraux de nos églises mais ils ne représentent qu’une toute petite partie de la foule des saints. Très probablement des membres de nos familles, grands-parents, parents, enfants, amis et connaissances resplendissent de la gloire de Dieu.
Il est vrai qu’au Ciel la hiérarchie existe : la hiérarchie de la charité. Ce n’est pas sans raison que l’art chrétien a présenté des évêques et des religieux et religieuses dans les flammes du purgatoire.
Jésus l’a bien souligné dans l’Évangile. Dieu regarde non pas les apparences ou le statut social mais le cœur. La veuve qui a donné deux piécettes, dont elle avait besoin, a donné davantage que ceux qui ont versé au temple de leur superflu.
L’important est d’aimer Dieu de tout son cœur et ses proches comme soi-même.
Nous pouvons tous atteindre la sainteté car elle relève non pas de l’avoir ou du faire mais de l’amour. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face l’a bien compris : « Au sein de l’Église, ma Mère, je serai l’amour ».
Aimer dans la vie ordinaire d’un amour extraordinaire. Et « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs à tous par le Saint Esprit qui nous a été donné » (Rm 5,5), s’exclamait saint Paul.
Tous nous traversons des épreuves. Si nous les vivons avec le Christ, nous deviendrons des saints. Par le baptême et par l’eucharistie, nos péchés ont été lavés par le Sang de l’Agneau immolé. Nous avons revêtu la tunique blanche du baptême. Nombreux sont ceux qui portent au Ciel des palmes à la main : palme du martyre rouge du sang versé et palme du martyre blanc du travail fidèle et quotidien au service de la famille, de l’Église et de l’humanité. Martyre blanc des parents fidèles dans les épreuves : alcoolisme, maladie, infidélité, solitude affective, misère, persécution dans la foi …
En cette fête de la Toussaint, demandons au Seigneur la grâce de la prière en famille. Puissent les enfants avoir un coin-prière à la maison et bénéficier du témoignage de la foi des parents. Y a-t-il un bonheur plus grand que de grandir dans l’amour de Dieu, la confiance dans la vie et la solidité familiale ?
Les saints ignorent la rivalité et la jalousie. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus se réjouit de sa petitesse car elle demeurait incapable de s’élever vers Dieu ; Jésus, à l’image d’un ascenseur, l’a conduite à la gloire de Dieu le Père. Pour les saints, aimer c’est chercher le bien de l’autre pour lui-même et non pour soi. Un jour, une carmélite se plaignait auprès de la petite Thérèse des échanges nombreux et privilégiés d’une autre sœur avec la supérieure. Cela la blessait car elle s’estimait victime d’une injustice dans ces échanges qui lui semblaient favoris. Alors la petite Thérèse lui répond : « Ma sœur, ce n’est pas la supérieure que vous aimez, mais vous vous aimez vous-même ! ».
Dans la Communion des saints tout devient commun dans un perpétuel échange d’amour.
Le Fils de Dieu est devenu petit, le petit bébé de la crèche de Noël et le serviteur souffrant du Calvaire, par amour pour l’humanité. L’amour rend humble et petit, aux antipodes du désir de possession et de domination qui aboutit à la violence.
C’est pourquoi Thérèse se plaisait à être appelée « Thérèse de l’Enfant-Jésus ». Elle avait ajouté « et de la Sainte-Face », car le visage ensanglanté de Jésus au cours de sa Passion lui révélait l’amour fidèle et fort de Dieu.
Nous avons des dessins de la Sainte-Face de Jésus par sainte Thérèse, artiste. Poète, Thérèse adore le visage de Jésus, le plus beau des enfants des hommes : « Ta Face est ma seule patrie, elle est mon royaume d’Amour, elle est ma riante prairie, mon doux soleil de chaque jour. »
La figure de Véronique qui avait essuyé le visage de Jésus portant la croix inspirait Thérèse qui aspirait à devenir une autre « Véronique » en essuyant les larmes et les gouttes de sueur et de sang de l’humanité en souffrance.
Jésus grave son visage dans l’âme de ceux qui le servent en la personne de ses frères affamés, assoiffés, malades, étrangers ou en prison :
« Laisse en moi la divine empreinte
De tes traits remplis de douceur
Et bientôt je deviendrai sainte
Vers Toi j’attirerai les cœurs. », s’exclamait Thérèse habitée par la Sainte-Face défigurée dans la Passion et transfigurée dans la Résurrection.
Les saints sont fêtés le jour de leur mort devenue naissance au Ciel. « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie », disait sainte Thérèse.
C’est pourquoi le moment de la mort représente non pas la fin mais le commencement d’une vie nouvelle : la Communion éternelle avec le Christ Jésus, lui ressemblant dans la mort pour passer « par lui, avec lui et en lui » dans la gloire de la résurrection.
Pendant longtemps les malades mourraient à la maison ; après une veillée funéraire longue et solidaire, la dépouille mortelle était portée dans l’église où le chrétien avait reçu les sacrements : baptême, Communion, confirmation, mariage … Après la célébration des funérailles, les restes mortels trouvaient leur place dans le cimetière.
Aujourd’hui les malades meurent plutôt à l’hôpital et la dépouille mortelle est transférée dans un centre funéraire où a souvent lieu la crémation.
L’étape de la célébration des funérailles à l‘église tend à disparaître pour des raisons pratiques dommageables. Il convient d’accorder à la mort, moment du passage de ce monde au Père, la dignité et le sens ecclésial qui lui correspondent. Alors que l’on oppose un refus ferme à la célébration du baptême et du mariage en dehors de nos lieux liturgiques sacrés, nous nous contentons aisément des célébrations des funérailles dans des centres funéraires laïques.
Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne que « l’Eucharistie est le cœur de la réalité Pascale de la mort chrétienne » (n°1689). Qu’il est juste et bon de célébrer sur l’autel le sacrement de l’amour du Christ pour nos défunts, sanctifiés par pure grâce. Nos œuvres nous condamnent mais Jésus nous sauve par sa Passion et sa Résurrection actualisées ici et maintenant à la messe.
« Au jour de notre mort, chacun sera jugé selon ses œuvres », et sainte Thérèse d’ajouter « selon ses œuvres à Lui », Jésus. Oui, « ses œuvres à Lui » nous rendent justes et saints !
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