Des cadeaux éloquents
«- Mais que va-t-on lui offrir, on ne peut tout de même pas arriver les mains vides ? – C’est un roi, il a déjà tous ce qu’il désire… - Partons sur des valeurs sûr qui font toujours plaisir à un roi, or, myrrhe et encens, allez en route ! »
Ils ne sont pas venus les mains vides du fin fond de l’Orient. Ils avaient des coffrets pleins de présents, et l’évangéliste nous en dresse même l’inventaire. Ces mystérieux mages viennent faire des présents à ce petit enfant qui vient de naître loin de chez eux, et qu’ils nomment « roi des juifs », après avoir vu une étoile se lever.
Mais avant de charger leurs chameaux pour la caravane, ils ont bien dû se poser la question : qu’allons-nous offrir ? Selon les plus antiques lois de l’hospitalité, on n’arrive pas les mains vides chez quelqu’un, encore plus si on n’est pas spécialement invité…Et choisir un présent n’a pas toujours évident. Les longs conseils et discussions de ces dernières semaines vous en laisse un souvenir très présent. Il est asses complexe de se mettre à la place d’un autre pour bien connaître ses goûts en général, mais en plus ceux du moment. Parce que le cadeau doit faire plaisir, il cherche à réjouir celui qui le reçoit, sans quoi, il rate une bonne part de sa cible…
En somme, lorsque l’on fait un cadeau, c’est aussi un pari. Mais pour assurer ce pari, on observe celui que l’on veut contenter, on se souvient de petites phrases ou remarques qu’il a faites sur ses goûts, et on croise tout cela avec ses propres goûts et représentations de l’autre (imaginez ces pauvres mages, qui n’ont vu que quelques signes dans une étoile…c’est asses ténues comme informations…). Ainsi, lorsque l’on fait un cadeau, il y a un peu de nous dans ce que l’on offre. En fait le présent en dit presque autant sur celui qui l’offre qu’à celui à qui il est offert. Il est un point de contact entre deux représentations. Il matérialise, à la fois une affection et une idée que je me fais de la personne à qui je l’offre.
Ma vénérable mère nous a offert, à frères et sœurs et moi, des livres à Noël pendant des années, jusqu’à que nous lui faisions clairement comprendre que nous ne les ouvrions pas…Mais c’est bien parce qu’elle est une grande lectrice et qu’elle a toujours essayé de transmettre ce goût à ses enfants. C’est venu plus tard, en tout cas pour certains d’entre eux…
Il y a des cadeaux que l’on fait et qu’en réalité on aimerait bien garder pour soi. Et la seule chose qui apaise le déchirement de s’en séparer, c’est la joie de celui qui reçoit ce présent.
Peut être bien que les Mages sont dans ce cas-là. Ils offrent à cet enfant nouveau-né, des présents qu’eux-mêmes auraient aimés recevoir. Ces coffres sont remplis de produits précieux et couteux. Ils sont gages de richesse. Et ils sont en plus chargé de signification symbolique traditionnelle. Ces significations sont présentes à nos esprits. Partant du principe que lorsque nous faisons un cadeau, il y a un peu de nous-mêmes, est-ce que cela signifie que ces mages rêveraient d’être rois, hommes et dieux ? (Selon les sens symboliques de l’or, la myrrhe et l’encens). De manière prophétique, ils peuvent reconnaître et manifester toutes ces dimensions dans celui qu’il nomme le « roi des juifs ». En ajoutant à cela les intentions mêlées de leurs propres aspirations, ces présents disent quelque chose d’encore plus profond et qui nous concerne aussi. Ces cadeaux qu’ils offrent, ils aimeraient peut être qu’ils soient pour eux. Et ce souhait n’est déraisonnable.
Le Christ est bien roi, et c’est à lui que revient toute richesse dont l’or est le symbole. Et ce roi, ne règne pas seul, il veut nous faire régner avec lui. L’Apocalypse annonce « la nuit aura disparu, les serviteurs de Dieu n’auront plus besoin de la lumière d’une lampe ou du soleil, parce que le Seigneur Dieu les illuminera ; ils régneront pour les siècles des siècles ».
La faiblesse de l’humanité qu’a revêtu le Fils de Dieu, et dont la myrrhe est le symbole, est assumée et redonnée aux hommes. Jésus est le nouvel Adam, qui restaure ce qui était déchu en lui. Il est le principe de l’humanité nouvelle, et parfaite. « Vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau qui, pour se conformer à l’image de son Créateur, se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance » (Col 3.10) nous dit saint Paul, ou encore « Revêtez-vous de l’homme nouveau, créé, selon Dieu, dans la justice et la sainteté conformes à la vérité. » (Eph 4.24)
Et Dieu, cet enfant l’est par nature. Il n’y a qu’à Dieu que l’on offre l’encens. Et cette nature divine, il nous donne d’y participer. « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. » (Jn 17.27).
C’est donc une double prophétie qu’accomplisse ces mages, ils manifestent qui est Jésus dans l’intention première de leurs présents (un homme roi et dieu), et ils annoncent sont œuvre rédemptrice pour nous tous dans l’intention sous-jacente. Ils aspirent à devenir roi, homme et dieux, et le Fils est venu dans la chair pour réaliser cela, pour nous faire régner avec lui, pour restaurer notre humanité et nous faire participer à sa nature divine.
Un cadeau, un vrai cadeau, en dit long autant sur celui qui le reçoit que sur celui l’offre.
Pensez-y la prochaine fois que l’on offrira un présent !
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