Nous le savons, le carême qui commence aujourd’hui est un temps de grâce. Si nous faisons pénitence, si nous jeûnons, si nous faisons l’aumône et si nous prions, c’est pour retourner à la source ; cette source qui pendant quarante jours se fait spécialement abondante.
Nous pourrions penser que nous faisons des efforts pour réussir à nous remettre un peu sur les rails ; le temps depuis l’année dernière nous ayant un peu éloignés de la vie sainte. Grave erreur qui nous fait penser que nous devons mériter le ciel par nos propres forces ! C’est Dieu qui veut nous remettre sur le chemin de son amour et nous qui acceptons de le laisser nous transformer pour qu’on laisse de côté ce qui nous éloigne de lui et qu’on retrouve l’essentiel.
Et c’est probablement la prière qui est le chemin privilégié pour cela. Je ne parle pas de réciter plus de prières pendant quarante jours : il s’agirait de réussir à augmenter des prières pour obtenir quelque chose. Mais le carême n’est pas cela. C’est bien plutôt de découvrir la profondeur de l’amour de Dieu pour nous et d’accepter d’en vivre. La prière que nous cherchons de manière renouvelée ces prochaines semaines, c’est un dialogue de cœur à cœur avec Dieu qui nous aime et qui nous sauve.
On ne parle pas suffisamment de la prière. Je veux dire qu’on n’en entend pas suffisamment parler et que du coup beaucoup de chrétiens ignorent ce que c’est vraiment. Certains même s’interdisent de prier. Ils récitent des prières, mais n’entrent pas dans un dialogue de cœur à cœur avec Dieu pensant qu’ils ne sont pas dignes ou que ce qu’ils ont au fond d’eux-mêmes n’intéresserait pas Dieu.
Laissez-moi donc redire des choses essentielles sur la vie de prière.
Prier commence par passer du temps avec Dieu. C’est basique. Mais si je ne prends pas le temps, je ne prie pas. On a 1440 minutes par jour. Combien on en passe avec Dieu ? Je veux dire de temps perdu gratuitement parce qu’on l’aime. Comme un amoureux passe du temps avec sa fiancée. Juste une présence d’amour. Un temps que pour Dieu et pour rien d’autre.
Une fois que je suis avec Dieu, que dire, que faire ? Lui parler comme on parle à un ami. Lui ouvrir mon cœur avec tout ce qu’il y a dedans. Lui présenter tout ce que je suis avec mes joies et mes peines, mes soucis. Tout ce qui est dans mon cœur intéresse Dieu et je peux lui parler de tout. Mais ce qui l’intéresse par-dessus tout, c’est moi, le fond de moi. Pas tant ce que je fais ou ne fait pas, ce que je pense ou ne comprend pas. Ça l’intéresse. Mais rien ne l’intéresse plus que ma présence offerte gratuitement et par amour.
C’est pour cela que la prière se nourrit du silence. C’est ma présence que j’offre à Dieu et pour cela il faut que je sois présent à moi-même. Et puis il faut me rendre présent à Dieu et pour cela, il n’y a pas besoin de mots ou de gestes. Le silence permet la prière et devient une prière quand il tourné vers ce Dieu qui nous aime et qu’on s’efforce d’aimer en retour.
La prière est donc une présence à moi-même, une présence à Dieu. Mais c’est aussi et surtout une présence de Dieu. Dieu est présent. Whaou ! Dieu nous fait la grâce de sa présence et nous n’avons qu’à l’accueillir. Voilà ce qu’est la prière. La présence de Dieu en moi-même.
Lorsque Dieu se fait présent, il arrive bien des fois que nous ayons envie de fuir. Nous sommes comme ces enfants abandonnés qui ne savent pas qu’on peut les aimer et qui s’enfuient dès qu’on leur manifeste de la tendresse. Dieu nous aime mais nous avons comme un peu honte de cet amour. Nous avons du mal à croire que Dieu puisse nous aimer autant.
Et puis, nous sentons bien que si nous accueillons Dieu, nous allons changer. Si on accueille l’amour de Dieu, on va devoir aimer notre prochain. Si on regarde vers lui, on va devoir laisser nos idoles qui nous rassurent. C’est dangereux pour nos cœurs endurcis que Dieu vienne nous inonder de sa présence. Ça nous ramolli et nous rend tendre comme lui.
Mais nous le savons, nous n’avons rien à craindre et tout à gagner à laisser Dieu agir en nous. C’est d’ailleurs ce que nous avons à découvrir pendant ces quarante jours qui nous préparent à la fête de Pâques.
On ne sait pas ce qu’est la prière aussi parce qu’on ne partage pas suffisamment entre nous sur notre vie de prière. Évidemment, il s’agit d’une réalité intime et on ne peut pas en parler à la légère ni tout dévoiler. Mais il n’est pas juste non plus de n’en rien dire. Si on en parlait, je suis certain qu’on pourrait se soutenir les uns les autres dans le combat de la prière. On pourrait donner envie aux plus jeunes et aux moins jeunes de vivre une vraie vie de prière. Dialoguer de cœur à cœur avec Dieu est une chose si magnifique qu’on ne devrait pas accepter que ce soit cachée au plus grand nombre comme c’est le cas. Le carême est un temps de partage. Pourquoi ne pas partager ce que nous avons de plus précieux : la vie intime de Dieu qui se donne à nous dans la prière ?
Alors pendant le carême, retrouvons le chemin de ce trésor qu’est la prière, ce dialogue intime avec notre Dieu qui nous aime et veut nous transformer en êtres de lumière. Partageons cette joie de la prière en rayonnant de l’amour de Dieu et en parlant de notre rencontre avec lui.