Le prophète Ézéchiel, déporté à Babylone au VIe siècle avant Jésus-Christ, exilé loin du Temple de Jérusalem, transmet la vision reçue du Seigneur : une eau vivifiante coulait du sanctuaire de Dieu, assainissant tout ce qu’elle pénétrait. Cette eau représente une figure des réalités à venir ainsi qu’une promesse.
L’histoire du monde converge vers le corps de Jésus, engendré de Dieu le Père et né d’une femme, Marie.
C’est du corps de Jésus-Christ, Temple de la présence de Dieu, que l’eau vive de l’Esprit Saint jaillira pour le salut de l’humanité. « En lui habite corporellement la plénitude de la divinité et vous vous trouvez en lui associés à sa plénitude.», révèle l’apôtre saint Paul (Col 2,9).
C’est pourquoi Jésus déclare dans le Temple de Jérusalem : « Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai ». Il parlait du sanctuaire de son corps, relevé de la mort au troisième jour par la puissance de l’Esprit du Père.
Le Temple de Jérusalem n’était qu’une figure du véritable Temple de la présence de Dieu, le Corps du Christ. Le Vendredi saint, au moment de la déchirure du corps et de l’âme de Jésus, le voile du temple de Jérusalem s’est aussi déchiré, vide de la gloire de Dieu.
Du Sacré-Cœur de Jésus transpercé par la lance du soldat romain ont jailli l’eau et le sang, symboles du baptême et de l’eucharistie. L’Église est née du côté transpercé de Jésus. Le dernier souffle transmis par Jésus en mourant annonce déjà le don du Souffle saint à la Pentecôte.
Il est grand et beau le mystère de la foi ! Aussi Jésus chasse-t-il du Temple de Jérusalem les marchands de bœufs, de brebis et de colombes. Il renverse les comptoirs des changeurs qui font de la maison de son Père une maison de commerce. Le père Marie-Joseph Lagrange O .P. rappelle que l’expression « maison de mon Père » est la même que lors du dialogue avec Marie et Joseph au Temple de Jérusalem quand il avait douze ans : « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? »
Jésus respectait le Temple de Jérusalem mais il ne veut pas que l’argent devienne dieu. Dieu est Amour (I Jn 4,16). « Qui offrirait toutes les richesses de sa maison pour acheter l’amour ne recueillerait que mépris » (Ct 8,7). Dieu aime ceux qui croient en son Fils Jésus. Dieu le Père et Jésus font alors leur demeure chez les croyants.
Saint Augustin présente dans sa contemplation du mystère de Jésus « le Christ total » (Tract. In Joh, 21,8 et 28,1), c’est -à-dire la Tête, Jésus ; le cou, sa mère, Marie ; et les baptisés, membres de son Corps. Le Concile Vatican II enseigne que « par le mystère de l’Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme » (Gaudium et spes n°22).
C’est « en esprit et en vérité » (Jn 4,23) que Dieu veut être adoré et non pas avec des richesses. Dieu n’est pas non plus enchaîné à un lieu ni à une terre. Dieu est Esprit, présent partout, penché vers l’homme.
La vocation à partager la vie de Dieu lui-même resplendit pour tous en Jésus. L’homme a été créé pour Dieu, en dépassant sa nature, par une grâce surnaturelle. Le développement de l’homme s’accomplit dans un au-delà de lui-même. « Capax Dei », « capable d’accueillir Dieu », enseignent les Pères de l’Église. Il ne s’agit pas d’un simple développement personnel mais d’une capacité de communion avec Dieu. L’homme trouve alors son centre en dehors de soi, en Dieu.
Jésus le crie à tous les assoiffés de Dieu : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et il boira, celui qui croit en moi ! De son sein couleront des fleuves d’eau vive » (Jn 7, 38). Il parlait de l’Esprit Saint qui sera bientôt donné dans la glorification de sa croix et de sa résurrection.
Le mystère de l’homme ne se comprend que dans cette capacité de communion avec Dieu et avec les autres. Par la foi, le croyant devient source de vie. Saint Pierre dénonçait dans son épître ceux qui sont devenus « des fontaines sans eau » (II P 2,17), secs, asséchés, alors que Dieu les avait rendus capables de communion.
À la lumière de la Parole de Dieu aujourd’hui, nous pouvons réfléchir à la dignité sacrée de la personne humaine, habitée par le Seigneur. Toute personne humaine reçoit une dignité inaliénable, universelle, intérieure. Par la foi au Christ, le chrétien devient temple de la sainte Trinité, la demeure du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Sainte Élisabeth de la Trinité (+9 novembre 1906), carmélite à Dijon, a transmis dans ses écrits la belle prière : « Ô Trinité que j’adore ». Dans le silence du cœur, le baptisé loue la gloire de Dieu et il devient lui-même « laudem gloriae », « louange de gloire ».
Les livres sur le développement personnel ont souvent du succès. Nous avons à développer surtout notre capacité de communion avec Dieu et avec le prochain. Ce développement s’accomplit dans la prière. Le Christ Jésus est la porte qui nous introduit dans le sein du Père. Sainte Catherine de Sienne (+1380), la mystique dominicaine, l’appelait « le pont » qui nous relie au Père. La prière produit la communion par le Christ. Au fond, nous ne pouvons connaître ni Dieu ni quelqu’un sans passer la prière au Christ qui nous donne accès à l’invisible de l’âme humaine, autrement nous risquons de rester à la surface des relations humaines.
Prions personnellement, en famille, « Église domestique » (Concile Vatican II, Lumen gentium n°11°), dans la célébration de l’eucharistie. Pourquoi avoir honte ou peur de prier ensemble ? C’est la prière que nous atteignons le sommet de nous-mêmes et la meilleure version de nous-mêmes. Nous sommes membres du Corps du Christ.
Saint Augustin explique le mystère de la prière qui passe par le seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ. Prier équivaut à entrer dans la prière du Christ lui-même au Père : « En priant, le Corps ne sépare pas son Chef de lui-même … Jésus-Christ, à la fois, prie pour nous, prie en nous et est prié par nous » (Enarratio sur le Ps 85, 1).
Par la prière, la lumière de l’Esprit Saint descend dans nos âmes, pour nous réjouir de notre dignité de fils et filles de Dieu, et voir en tout homme « un frère, une sœur ». Amen.