Chemin faisant
La route fait découvrir bien des choses. L’inattendu est sur le chemin : le risque de se perdre autant que de trouver ce que l’on cherche. Il m’est d’avis que Cléophas et son compagnon de marche auraient bien des choses à nous dire sur la route…ce n’était pas une banale balade du dimanche après-midi ce qu’ils ont vécue au soir du jour de la Résurrection, mais bien la rencontre de leur vie et ce sur la route !
C’est chemin faisant que Jésus vient les rejoindre, alors qu’ils quittent Jérusalem. Ils sont déjà eux-mêmes en train de marcher lorsque Jésus se met à faire la même chose qu’eux…marcher ! Et à partir du moment où il les rejoint, tout devient quelque peu étrange : les voyageurs quittent la ville sainte pour y revenir encore plus rapidement, il tombe sur un étranger qui est en fait celui qu’il cherche, un mort que l’on regrette partage le pain de vie, un ignorant des événements de ces derniers jours en devient le commentateur le plus autorisé par les Ecritures…Ce chemin de Jérusalem à Emmaüs est décidément bien étrange, il ne nous mène résolument pas où on l’avait prévu…
Ce n’est évidement pas le chemin en lui-même qui provoque cela mais bien plutôt celui qui rejoint les compagnons sur leur route, qui transforme cette route. Un voyageur qui fait découvrir le but de la route. Un voyageur qui est lui-même la route et son but.
Ce n’est pas le chemin en lui-même qui est la cause de ces évènements, mais il bien un des moyens. C’est parce qu’ils sont en route que Jésus rejoint ces deux voyageurs. Ils rentrent probablement chez eux, mais le texte ne le précise pas. Nous savons juste qu’ils marchent dans le sentier, c’est donc cela l’indication la plus importante. Pour ces deux marcheurs, ils leur ont fallu quitter le giron des disciples pour rencontrer le Ressuscité. Ils se sont éloignés de Jérusalem pour y revenir en courant, parce que sur leur chemin chargé de tristesse, ils ont conversé avec la Résurrection. Etonnant et inattendu, improbable et surprenant, mais dans l’évangile selon S. Luc, c’est la première manifestation de Jésus ressuscité. La première fois qu’il est vu vivant, c’est sur le chemin d’Emmaüs. C’est dire l’importance de cette rencontre fortuite.
Elle a donc du sens cette route, elle a donc du sens notre route. C’est un dangereux état que de se croire déjà arrivé…En plus ces deux hommes s’éloignent de l’épicentre, de la ville Sainte. Ce n’est pas un éloge de l’égarement, puisqu’ils terminent à nouveau dans Jérusalem, ou plutôt dans la nouvelle Jérusalem, qui n’est pas faite de pierres assemblées par l’homme.
La Résurrection est mobile. Elle n’est pas un évènement figé dans le temps et l’espace, puisqu’elle est quelqu’un, qui vit encore ! La Résurrection fait route avec nous et modifie nos trajectoires. Chemin faisant, elle nous donne de saisir le sens de la souffrance (on aurait bien aimé d’ailleurs que ces deux là prennent quelques notes sur ce que Jésus dit de lui-même dans les Ecritures…), et elle nous conduit vers la vie en abondance.
Dieu ne donne pas tout dès le départ. Il nous faut faire la route pour comprendre, voir même pour avoir à faire demi-tour. Se convertir, c’est bien se retourner ! Ce mystère que nous célébrons et que nous revivons en ce jour, il nous faut marcher avec lui pour commencer à le saisir. Il faut que chaque année, de manière plus marquée, il nous soit présenté et que nous le célébrions, pour qu’il puisse rejoindre notre route. Chaque dimanche est comme une borne sur le chemin, un rappel de son but ultime. Pâques est une étape plus importante.
Cléophas et son compagnon son pour nous une image de notre propre chemin, qui peut, par désarroi et tristesse s’éloigner de Jérusalem pour aller vers Emmaüs. Mais c’est su cette route précisément, que le ressuscité vient marcher avec nous, nous explique tout, alors que nous ne le reconnaissons pas. Nous pourrions même arriver à l’étape du soir, sans l’inviter à rester, et il n’aurait même plus l’occasion de se révéler à nous. C’est aussi le risque de la marche, on peut se perdre. Et c’est tout autant son avantage : on découvre des choses ignorés jusque là.
Chemin faisant, nous arrivons toujours changer. Le salut est en marche, invitons-le sur nos chemins. Ne pensons pas qu’il n’est que pour la fin de la route, sinon nous risquerions bien de ne pas l’atteindre. Il n’est pas que pour le but, car il est le lui-même but et le chemin à la fois. De même en va-t-il pour son Eucharistie qui le révèle aux voyageurs, elle est à la fois le pain de la route et le but vers lequel on se dirige. Ce sacrement est ce qui nous permet de tenir sur le chemin tout en nous donnant celui que l’on veut atteindre de tout notre être, le repos définitif après la route dans ce monde.
« Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » oui, Seigneur, reste avec nous, nous qui sommes nomade ici-bas, tu marche avec nous. Donne-nous la grâce de te reconnaître, chemin faisant…
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