Le jeune homme riche
Rassemblement des jeunes et religieuses, aux Brises (la Montagne) 26/03/23
Introduire une réflexion à propos de ce personnage de l’évangile que l’on surnomme le « jeune homme riche » devant un par terre de jeunes et de personnes ayant fait vœux de pauvreté, à quelque chose de singulier. Identification pour certains, confirmations pour d’autres, découvertes et remise en questio... Tentons donc, du point de vue spécifique à chacun de nos états de vie (et état de compte en banque) de nous familiariser avec ce personnage et surtout de nous insérer dans ce dialogue court, mais d’une intensité certaine, entre ce jeune homme et Jésus.
Une comète traversante
Une première remarque générale sur ce passage. C’est l’intensité et la brièveté du passage. Un bon metteur en scène saurait en faire quelque chose d’époustouflant. Mettez Georges Clooney dans le rôle de Jésus, souriant et répondant d’une voix grave et lente, et un Leonardo Di Caprio (à 22 ans) dans le rôle du jeune homme, fébrile et tout tendu vers la réponse de Jésus.
Ce dialogue est court et rythmé, a peine quatre échanges. C’est une conversation de rue : « - Bonjour Monsieur, c’est bien par ici la rue des tourterelles - vous cherchez un numéro en particulier ? - le 25 – Alors prenez plutôt à droite et ce sera la suivante. » Et les deux hommes se séparent. Evidement la teneur de la conversation est bien plus grave. Et c’est tout l’enjeux de cette rencontre. Peu de mots, d’une grande intensité, sur un sujet (le sujet) primordiale dans une vie…la vie éternelle, le tout fait dans le détour d’une rue et dure moins de 40 secondes (j’ai fait le test…).
Vous sentez la dimension surréaliste de ce dialogue ? Voilà bien ce que provoque le Christ par sa seule présence. Sans même ouvrir la bouche.
Les contours d’un visage qui se précise
La découverte que nous propose Saint Matthieu de ce personnage est progressive. Notons déjà qu’il n’est pas nommé, il n’est que partiellement décrit par des caractéristiques de sa personne. Il est donc en réalité difficilement identifiable. Un personnage difficilement identifiable dans l’Evangile, c’est un personnage à qui l’on peut donner son propre nom ! Le « disciple bien-aimé » de Saint Jean, avant d’être l’évangéliste lui-même (ou tout autre hypothèse), c’est nous ! Ce personnage ce peut être chacun de nous !
Au début du passage on ne sait rien de lui. Le texte français traduit par « un homme ». En réalité en grec comme en latin, nous n’avons que « quelqu’un ». En anglais c’est traduit par « one came to Him ». On ne sait pas grand-chose de ce « one » de « celui-là », ni âge, ni sexe, ni origine…
Puis après sa question, sur laquelle nous allons revenir, on apprend par un petit mot de plus, l’âge environ de cette personne : ὁ νεανίσκος. Ce mot grecque renvoie à la tranche d’âge entre la fin de l’adolescence et avant le mariage. Soit à peu près tout ceux classé parmi les « jeunes » dans cette pièce…
Et enfin, après la dernière prise de parole de Jésus, on apprend en plus que ce « jeune homme » a de grands biens. Il nous est dit au fur et à mesure ce que l’on a besoin de connaître pour comprendre la situation et le dialogue qui disparaît aussi vite qu’il s’est installé.
Les contours du visage de cet homme se dessine, comme un dessinateur commence par faire les premiers traits et précise au fur et à mesure la physionomie du portrait. Et c’est intéressant ici, puisque c’est le dialogue avec Jésus qui nous en apprend plus sur le jeune homme. L’évangéliste ne commence pas direct par nous dire : « un jeune homme riche s’avance », les qualificatifs arrivent après chaque réponse de Jésus. Pour de jeunes personnes que vous êtes cela résonne. Pour connaître les propres contours de votre visage, rien de mieux qu’un dialogue avec Jésus. Le fils de l’homme redonne un visage humain au fils d’Adam défiguré par le péché. Le fils de Dieu, vient rétablir en sa créature la juste image du Créateur. Mais pas uniquement de manière indéterminée, pour toute la race humaine, il le fait de manière spécifique, pour chacun d’entre nous. Pour savoir qui nous sommes, nous devons sortir de nous-même et entrer un dialogue avec quelqu’un d’autre. Rien de mieux que de causer avec celui qui vous a fait sortir de son imagination. Le Christ sait mieux que vous qui vous êtes vraiment. Il sait mieux que vous ce qu’il y a au tréfond de votre cœur, vos désirs, vos rêves, ce dont vous êtes capable. Parler avec lui (on appelle cela couramment la prière) cela permet de découvrir cette part de nous-même qui nous échappe. Et même dans un court dialogue, bref et intense, voyez comment on est passé de « quelqu’un » à « jeune homme riche ». Imaginez si le dialogue avait duré une heure…
La question déroutante
Maintenant que nous avons dépeint son portrait, au moins avec les éléments que nous avons, entrons plus avant dans ce qu’il dit. Avant toute chose, il s’approche. Dans l’évangile selon Saint Marc, il tombe même à genou[1]. Pour Saint Matthieu, il s’approche juste. Mais ce geste est déjà hautement significatif. S’approcher d’un tel personnage, d’une si grande renommée, est déjà un acte courageux. Jésus devait être à la fois très attirant et très impressionnant. Qu’aurions nous fait si le Verbe de Dieu avait plongé ses yeux de chair dans les nôtres ?...Ce jeune homme ne manque pas d’aplomb. Et Dieu aime cela. Dieu nous dit qu’il attend de nous que nous nous approchions de Lui. La timidité envers Dieu n’est pas de l’humilité. Il le dit au prophète Isaïe : « Venez et discutons »[2]. Dieu cherche à nous faire entrer dans sa proximité. On peut même dire qu’il a fait tous les premiers pas pour cela : il se révèle à Abraham, donne sa loi à Moïse, parle aux prophètes, et finis même par faire le pas ultime, à s’approcher très proche de nous, en devenant l’un d’entre nous!
Le seul qui voudrait faire en sorte que l’on ne s’approche pas de Jésus, c’est le mauvais. Le Satan ne cherche rien d’autre, et pour cela, et cela seul, il déploie toute son armada de tentations. Du genre, dimanche matin, le réveil sonne pour aller à la messe…et une petite voix te dit « hmmm, mon corps lé mol ! » « déjà allé la semaine dernière » « c’est pour les mamies d’aller à la messe », « en plus j’aime pas les chants », « sans parler de l’homélie du père »…bref, mission accompli pour lui, tu restes dans ton lit, bien loin de Jésus, et pendant ce temps, le Satan exécute sa danse de la victoire !
Celui à qui il s’adresse
Le jeune sait de qui il s’approche. Il ne vient pas voir un marchand de tapis, ou un vieux copain. Il l’appel « Maître ». Il ne sait pas à quel point ce titre convient au plus haut degré à celui à qui il le donne, mais même sans le savoir, cela a vraiment du sens qu’il le nomme « maître ». Il vient quérir une sagesse, il a une question, et s’il la pose, c’est qu’il sait qu’il s’adresse à quelqu’un qui a certainement la réponse. Il demande à un « maître » de l’enseigner, à quelqu’un qui maîtrise un sujet de lui partager ses lumières. En cela, ce jeune fait preuve d’une vertu, plus trop à la mode, et qui pourtant éviterait à bon nombre d’entre vous beaucoup de bêtise, c’est la vertu de docilité. C’est entre les excès de soumission et de présomption. C’est demander de l’aide et écouter avec intérêt, attention et bienveillance la réponse qui est faite. C’est ne pas avoir la prétention de tout savoir, et donc d’écouter l’enseignement d’un autre. Je prie le ciel que vous la mettiez en pratique en ce moment même…S’il l’appel « maître » c’est qu’il est prêt à recevoir un enseignement. Être enseigné n’est pas nécessairement ennuyeux. Quitter les bancs de l’école ne signifie pas ne plus recevoir d’enseignements. Un « je sais » nous prive trop souvent d’une belle leçon…
La vie bonne
Et dans sa question, il y a une double question, que Jésus relèvera. « Que dois-je faire de bon » / « pour posséder la vie éternelle ».
Cette question est pleine de fraîcheur et de naïveté à la fois. D’abord sur la question de la bonté. Que dois-je faire de bon ? Aide-moi à trouver et comprendre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Je pense qu’un homme plus vieux aurait plutôt demander une confirmation sur ce qu’il fait déjà. Mais un jeune part de presque rien et demande carrément tout le chemin et pas juste une confirmation. Y a quelque chose de très beau même dans cette question du bon, quelque chose de l’ordre de l’idéal. Et c’est une caractéristique de la jeunesse, elle vise un idéal. Les évènements de la vie font quelque peu revenir sur ses idéaux, ça ne signifie nullement qu’il ne faut pas en avoir, au contraire. Aux jeunes que vous êtes, il faut redire : « pitié, rêvez ! » Vous êtes le réservoir à rêves de ce monde, si vous le vider, il n’y aura plus que des gens mal attentionnés qui produiront des rêves (Netflix, Dreamwork…) et qui nous les injecterons. Rêvez donc à une vie bonne. Plus vous y rêverez avec précisions, plus vous serez capable de la faire passer dans le monde réel. Il s’agit de ne pas être désabusé, ce dangereux « à quoi bon »…
La finalité suprême
Des actes bons, certes, mais en vue d’une fin. Et cette fin, ce n’est pas n’importe laquelle, c’est la fin ultime. Ce jeune homme a de la suite dans les idées comme on dit. Il comprend que tout ce que nous faisons nous oriente vers cette fin ultime et suprême qu’est la vie éternelle. Il a déjà saisi que le moindre acte que l’on pose est comme un pas que l’on fait sur le chemin qui mène aux portes de la Jérusalem Céleste. Il part pas de rien le jeune homme quand même…dans cette question, il concentre une bonne part de sa réflexion personnelle et des enseignements religieux reçus. Mais la question qu’il pose est en réalité la question qui devrait sous-tendre tous nos actes…que devons faire pour avoir la vie éternelle ? Le reste est secondaire, même le choix de ses études, son lieux de résidence, …Jésus l’a dit ailleurs : « cherche d’abord le Royaume des cieux et tout cela te sera donné en surcroit »[3]. Mais fonctionnons-nous comme cela ? Jamais ! Et pourquoi ? Souvent nous avons trop peur. Peur de tout perdre…ce n’est pas loin d’être le cas de notre compagnon de route ici…
La vie éternelle…elle vous trotte dans la tête cette idée ? Elle vous angoisse ? Vous réjouis ? Vous laisse sans effet ? Vers 7 ans à peu près, on comprend que notre vie sur terre n’est pas éternelle. Et le reste de notre vie on apprend à vivre avec cette idée, qui parfois nous oppresse un peu (voir beaucoup). Ce jeune homme l’aborde dans une perspective pragmatique et joyeuse. Allons, faisons quelque chose de bien pour entrer dans la vie éternelle. Que faire pour connaître le bonheur sans fin et parfait ? Voilà le fond de sa question. Et je crois que si on se pose quelques questions un peu censées (et tout est dans le SI) on arrive vite à celle-ci. Personne ne souhaite le malheur. Et qui a vécu un « moment de bonheur » voudrait qu’il dure sans arrêt. La question de notre jeune homme, c’est exactement cela. Que faire pour être heureux pour toujours ? Et si nous partons du principe que nous avons été fait pour être heureux, pour le bonheur, et bien cette question peut même se transformer en : que faire pour être vraiment vivant ?
La réponse en deux temps
Je ne développe pas la réaction de Jésus face à la question de la bonté, sauf un détail. La question rhétorique de Jésus confirme sa réponse : « Qu’as-tu à m’interroger sur ce qui est bon ? Un seul est le Bon. Que si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements… » Jésus fait comprendre au jeune homme que sa question ne peut s’adresser qu’à Dieu. Lui seul sait ce qui est bon et comment entrer dans la vie éternelle. Mais il répond justement ! Il dit ce qu’il faut faire. Autrement dit : tu t’es adressé à la bonne personne mon p’tit gars ! « Seul Dieu peut répondre à ta question, ça tombe bien, je le suis moi qui te parle », lit-on entre les lignes.
Et Jésus répond en deux temps. Il gradue sa réponse. C’est hyper pédagogique. Le Verbe fait chair sait quand même que souvent il s’adresse à des buches…Même si, on l’a vue, le jeune homme riche montre déjà des aptitudes réelles sur les questions spirituelles, Jésus part tout de même de la base.
La loi naturelle
La première réponse, c’est les commandements. « Pratique les commandements ». Imprécis comme réponse, « lesquels ? », demande le jeune homme. Manifestation réelle de son intérêt. Et Jésus liste la moitié des 10 commandements, et étonnement aucun qui concerne Dieu lui-même, mais uniquement des commandements en rapport avec le prochain. Jésus lui donne en réalité ce que l’on appel la « loi naturelle », c’est ce que l’on retrouve, à quelques détails près, dans toutes les sociétés humaines. Tout le monde s’accorde sur cela. Il ne faut pas tuer, voler, …Dieu a mis au cœur de tous les hommes ces principes clairs et simples, qui permettent tout simplement de vivre dans une société commune.
C’est la base, sans cela, aucun salut n’est possible. Et ça se manifeste souvent pour nous à un degré très simple et très bas : la politesse !
Même nous, face à cette réponse, on sent que c’est léger…la vie éternelle pour avoir dit « merci monsieur »…
Et le jeune homme répond : tout ça, check ! C’est bon pour moi alors, j’ai la carte d’embarquement ?
La loi de la grâce
Alors Jésus passe la vitesse au-dessus. Il laisse la loi naturelle de côté, celle que tous pratique, et il prend le chemin escarpé du juste. On quitte la route du littoral pour les rampes qui font monter dans les hauts ! Il enseigne comment vivre déjà comme dans la vie éternelle. Il enseigne comment vivre totalement en Dieu et s’en remettre qu’à lui seul. Jésus montre le chemin de la vie dans l’Esprit, la vie de la grâce. Et ce n’est pas un zaffaire mystique là ! C’est très pragmatique et concret. « va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et suis-moi ». Et tous les mots ont leurs poids.
- « va » : ne reste pas statique et immobile en attendant que cette vie que tu cherches vienne à toi. Ton salut est hors de ton canapé !
- « vends ce que tu possèdes » : y a un vrai calcul dans ce conseil. Ne donne pas à n’importe qui, que tes biens servent intelligemment. Que le produit de ton capital serve à la juste répartition des biens. Et surtout, ne garde rien pour toi, ne te sers pas le premier.
- « donne-le aux pauvres » : c’est eux qu’il te faut servir en premier, et non toi-même. Parce qu’en eux se trouve ton Dieu. Non pas en fonction de leur réaction et de leur dignité, mais parce qu’il l’a dit lui-même c’est tout. Difficile de voir Dieu dans un pauvre sale, qui te parle mal ? Qui a reconnu Dieu dans le visage du Christ défiguré portant sa croix ? Qui reconnaît Dieu dans la présence voilée de l’eucharistie ?
- « suis-moi » : voilà le pourquoi de tout le reste. Se libérer de ce qui nous retiens pour suivre libre et confiant le Christ vainqueur. Le pari est lourd, mais tellement de témoin nous ont montrer que c’est possible, et qu’il n’y a pas d’autres joies plus grandes !
Tu l’as voulu, tu l’as eu mon vieux. En voilà pour ton argent, si j’ose dire…Pour avoir la vie éternelle, débarrasse-toi de ton argent…tu n’en a pas besoin. La seule chose dont tu as besoin, c’est de ma présence. Tâchons de nous en rappeler à la prochaine adoration eucharistique que nous ferons, ou tout à l’heure à la messe : notre tout, tout ce dont nous avons vraiment besoin est sous nos yeux, le reste c’est un peu d’air qu’on agite de la main.
L’amour de la richesse
Nous sommes allés très loin en très peu de temps. Rappelez-vous, cela ne dure que quelques secondes. Ce dialogue c’est un peu comme le fameux « kilomètre vertical » qui monte de Hellbourg au gîte de la forêt de Belouve. Ça monte vite et haut.
La retombée fracassante
Et là drame…Alors que tout le récit monte en intensité, le jeune homme arrive pose sa question, relance en demandant une précision sur les commandements, répond qu’il les pratique déjà, apothéose Jésus donne la réponse ultime en indiquant la vie de la grâce ! Paf, le soufflet retombe, il se tire…On aurait tellement voulu réécrire le scénario : « et le jeune homme pris d‘une joie immense, rentrant chez lui, distribua tous ses biens aux pauvres et vint rejoindre Jésus ». Et ben non…C’est un drame et un échec qui se vit sous nos yeux. On voit un coureur de saut de haies, qui passe les deux premières et puis qui s’arrête en pleine lancer. Décevant…Allé mon gars, passe là la dernière étape…
Peut-on vraiment lui en vouloir ? Qui d’entre nous pense l’avoir passé cette dernière haie ? Même ceux qui sont entrés en vie religieuse, pensons-nous vraiment que nous suivons le Christ ? Dans les grandes lignes peut-être, mais jusque dans les détails, marchons nous bien derrière lui, où ne faisons-nous pas quelques pas de travers et zigzagant dans ses traces…
Difficile de lui en vouloir, et cette déception face à cet envol raté, doit être celle de Dieu face à beaucoup de ses enfants. Dieu nous a fait aigle, et la plupart du temps nous vivons comme des poules…Il nous a fait pour planer dans les hauteurs, et nous restons au ras du sol…
Aimer plus ce qui vaut moins
Ce qui empêche l’envol de ce jeune homme se sont ses biens. « Il avait de grand biens ». Ces biens, semblent bien être un poids lourd qui le clou au sol. Et le jeune fait un mauvais calcul qui est le plus rependu. La plupart du temps, nous aimons plus ce qui vaut moins. Dieu nous donne des réalités terrestres pour atteindre les célestes, et nous nous arrêtons aux premières, parce que ça brille…Un peu comme le singe Habou dans Aladin. Quand il descend dans la caverne chercher la lampe et que la tête de tigre dans le sable dit qu’il ne faut toucher à rien. Et Habou voit un énorme rubis dans les bras d’un statut de gorille. Et le dessin de son visage est très bien fait, c’est exactement l’état de notre âme face aux choses qui brillent dans ce monde. Ce ne sont pas que des pierres ou des objets, cela peut être des titres, des relations, des honneurs, …y a plusieurs manières de briller.
Le vrai ennemi de Dieu
In fine, le vrai ennemi de Dieu, est-ce vraiment Satan ? Ici ce qui éloigne cet homme de Dieu, c’est l’argent. Son maître en fait, ce n’est pas Jésus, malgré le nom donné, c’est son argent. « Nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent. »[4] Shakespeare disait que « l’argent est le Dieu visible ». Il permet d’obtenir tout sur cette terre. Les puissants ont de l’argent. Et notre réaction face aux riches le montre. Ecoutez donc ce qu’en pense le bon Saint Jacques dans son épître :
« Imaginons que, dans votre assemblée, arrivent en même temps un homme au vêtement rutilant, portant une bague en or, et un pauvre au vêtement sale. Vous tournez vos regards vers celui qui porte le vêtement rutilant et vous lui dites : « Assieds-toi ici, en bonne place » ; et vous dites au pauvre : « Toi, reste là debout », ou bien : « Assieds-toi au bas de mon marchepied ». Cela, n’est-ce pas faire des différences entre vous, et juger selon de faux critères ? Écoutez donc, mes frères bien-aimés ! Dieu, lui, n’a-t-il pas choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde pour en faire des riches dans la foi, et des héritiers du Royaume promis par lui à ceux qui l’auront aimé ? Mais vous, vous avez privé le pauvre de sa dignité. Or n’est-ce pas les riches qui vous oppriment, et vous traînent devant les tribunaux ? »[5]
L’argent crée un monde d’illusion. La Bible nous dit que tout est possible à celui qui a la foi, le monde s’en fait l’écho et transforme en répondant : tout est possible à celui qui a de l’argent.
Saint Paul nous avertit : « Car la racine de tous les maux, c’est l’amour de l’argent. Pour s’y être attachés, certains se sont égarés loin de la foi et se sont infligé à eux-mêmes des tourments sans nombre. »[6]
C’est pour un peu d’argent que Judas trahis son maître. C’est pour beaucoup d’argent que ce jeune homme refuse que Jésus soit son maître.
Mais nous ne sommes pas à l’abris, malgré nos comptes en banque vide comme les rues de Séville à l’heure de la sieste. Car cet amour de l’argent c’est l’amour de posséder. L’argent n’en est que la manifestation sonnante et trébuchante, mais le plus dangereux c’est ce qui pousse à en vouloir. Et ce qui pousse c’est le désir. Notre cœur est insatiable, nous en voulons toujours plus. Nous n’en aurons jamais asses. Mais cela révèle une dimension essentielle de notre être. Nous avons en nous même de l’infini et de l’éternel. Dieu a laissé en nous un puit sans fond, notre désir, et ce puit fait que nous ne serons « parfaits », autrement dit accomplis, que lorsque qu’il sera comblé. Et vous savez quoi ? Rien sur cette terre ne peut combler ce puit en notre cœur. Car tout ici-bas connaîtra une fin. Alors du fini ne peut pas combler de l’infini. La seule réalité qui peut combler ce puit, c’est une réalité infinie : Dieu lui-même. Voilà l’alternative qui s’offre au jeune homme : Dieu ou le monde. Voilà notre alternative : ai-je bien vu ce puit en moi ? cet endroit où se perd tous mes désirs ? Cette soif perpétuelle, qui explique que je me lasse des choses dès qu’elles ne sont plus neuves…Dieu n’est que du neuf, il n’y a rien de vieux en lui. Il est toujours le même et jamais pareil ! Il est le seul qui peut étancher notre soif.
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