L’œuvre de l’homme, l’œuvre de Dieu
Mémoire de S. Joseph ouvrier 2023 Prêché à la cathédrale de S. Denis
Il en faut de la patience et de la technique pour lentement façonner avec un ciseau à bois et un maillet, toute une charpente ou même un simple tabouret. Le temps pour un bon artisan n’est pas premier facteur de réussite. Ce qui compte avant tout c’est l’œuvre, l’œuvre bien faite, l’œuvre accompli. Joseph était un artisan, il passait ses journées à façonner de ses mains une manière donnée par la nature, du bois essentiellement. On pourrait presque dire que l’artisan expérimente une caractéristique propre à Dieu : être créateur. C’est une remarque que j’avais faite à un de nos frères santonnier à Toulouse : c’est tout de même une activité étonnamment divine de façonner des petits êtres humains avec de l’argile…L’artisan prend une matière première et y insère son esprit pour façonner une œuvre, et une œuvre qui sert, qui a une visée pratique (c’est la différence avec l’art).
Face à ce constat, la présence de Jésus dans l’atelier de Joseph est quelque peu déroutante…Le Verbe éternel, artisan de l’univers, apprend d’un homme (sa créature) comment continuer sa propre œuvre en travaillant le bois. Vertigineux…l’intelligence qui a fait les galaxies se voit enseigner comment faire un tenon mortaise et à utiliser correctement une scie sans se couper un doigt. Bien sûr que l’on peut toujours s’étonner de l’humilité de Dieu. Et je vois également dans ce tableau de l’atelier de Nazareth, une prise en compte réelle de l’œuvre de l’homme par Dieu. Le Verbe incarné prend au sérieux cette activité de l’homme : son travail. Ce n’est pas un détail, c’est central dans la vie d’un être humain. L’artisan de l’univers a fait de nous des artisans de son univers. Il n’est pas seul à œuvrer en ce monde. Bien sûr, il en est l’origine et la fin, et en plus il nous adjoint à cette œuvre. Le travail de l’artisan rend cela manifeste et claire, il s’agit de prendre du bois de le façonner pour en faire un objet, c’est même une forme d’embellissement de la nature. Le travail du maître verrier, par exemple, est venu considérablement embellir la nature, un vitrail est tout de même plus beau qu’un tas de sable…
Or cette dimension de continuité de la création et de son embellissement est vraie pour toutes formes de travail (sauf si votre emploi consiste à détruire et enlaidir le monde, bien sûr…). Notre activité quotidienne, si simple soit elle, participe de l’œuvre divine en ce monde. Avouez que ça change un peu les perspectives lorsque l’on se rend sur son lieu de travail. Je ne bosse pas uniquement pour mon petit patron, je bosse pour le Boss ! D’autant que le travail ne se comprends pas uniquement sous rapport de rémunération. Il s’agit bien ici de toutes activités que nous faisons, et qui occupe une bonne part de nos journées (cela inclue donc les retraités, évidement…).
C’est le travail du bois que Joseph enseigna à son fils Jésus. Un charpentier, ça travail des poutres. Nous avons là encore sous les yeux un mystère d’une grande profondeur. Jésus sera mis à mort en étant cloué sur une poutre. Faire mourir un charpentier sur une poutre, c’est presque comme mourir en scène pour Molière. Elle est bien double l’œuvre du Christ en croix, une œuvre de salut qui se fait par le biais d’une œuvre artisanal. Jésus a reçu de son père Joseph de quoi façonner l’outils matériel de notre rédemption. Il a travaillé toute sa vie cachée sur ce qui sera le sommet de sa vie donnée : la passion.
Comment ne pas le faire consonner avec nos propres œuvres ? Nous qui sans cesse continuons chaque jour notre travail. Nous sommes sanctifiés par lui. Nous aussi nous préparons ce qui participe à cette œuvre faite par le Christ : le salut du monde. Chaque heure passé à un bureau est comme une heure passée dans l’atelier de Nazareth, à patiemment raboter une poutre, sur laquelle nous pourrons donner toute notre vie.
Le travail, cette œuvre de l’homme participe à double titre à l’œuvre divine : par la création et même la rédemption du monde. Le travail est un des plus beaux fruits de notre vie. Demandons l’intercession de S. Joseph pour le voir et le mettre à l’œuvre.
Alors au travail !
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