On dit qu’un jour, saint Antoine de Padoue, pendant que certains se moquaient de lui alors qu’il parlait du bon Dieu se rendit sur les bords d’une rivière et leur dit : « Étant donné que vous démontrez être indignes de la parole de Dieu, voilà, je m’adresse aux poissons pour confondre plus ouvertement votre incrédulité ». Et il commença à annoncer la Bonne Nouvelle du salut aux poissons qui se rapprochèrent de lui en s’élevant au-dessus de la surface de l’eau pour l’écouter attentivement.
Je dois vous avouer que j’ai eu la même tentation que saint Antoine l’autre jour en allant nager dans le lagon. Je nageais au-dessus des eaux et, un peu perdu dans mes pensées il est vrai, je regardais les poissons depuis le haut. Je me suis alors demandé ce qu’il pouvait bien y avoir dans la tête de ces centaines de magnifiques créatures. Et puis, j’ai eu envie de devenir un poisson moi-même pour m’approcher d’eux sans qu’ils s’enfuient au bruit de mon tuba et à mes mouvements un peu brutaux. J’ai eu envie d’aller les voir et de discuter avec eux et de leur dire ce qui se passe à la surface, de leur parler de ce qui fait vibrer nos cœurs. J’ai eu envie de parler avec eux du Bon Dieu.
J’ai plongé. Mon masque et mon tuba se sont décrochés, mais je voyais quand même et respirais sans mal. Mes mains se sont transformées en nageoires. J’étais devenu un poisson.
J’en croise un qui me regarde bizarement et je commence à lui parler. Et oui, je parlais poisson aussi. Mais il n’était pas intéressé à ce que j’avais à lui dire. Il ne voulait pas non plus m’n dire plus sur la vie de poisson. Je suis allé de poisson en poisson, mais aucun ne voulait croire que je venais de la surface et qu’en fait j’étais un homme. « Quand on a la chance de pouvoir vivre dans les airs me disaient-ils, on ne descend pas dans les profondeurs des mers. » On me prenait pour un fou et peut-être qu’en m’entendant c’est vous qui vous dites aujourd’hui que je le suis.
Ayant quitté le lagon pour la haute mer, j’ai alors un peu mieux compris la misère froide et dangereuse de la vie des poissons. Les grosses bêtes, requins, méduses et autres murènes étaient terrifiantes. J’ai vite décidé d’arrêter là mon expérience stupide pour retourner à mon état normal d’être humain. Je suis sorti de l’eau et comme on se réveille d’un cauchemar je me suis retrouvé sur le bord de la plage un peu exténué.
Vous me croirez ou vous ne me croirez pas, mais ce que je vous raconte là n’est rien, absolument rien, comparé à ce que le Fils de Dieu a fait pour nous lorsqu’il a plongé dans notre humanité en devenant l’un de nous. Nous ne voulions pas écouter les prophètes. Il est donc venu lui-même et a parlé notre langage, dans notre propre chair. Et comme nous n’avions que des cerveaux de poissons, il a commencé par se faire un enfant, capable uniquement de balbutier et de crier.
Mais lui n’a pas rêvé. Il a vraiment vécu toute une vie d’homme, jusque dans ses plus petites et ses plus grandes misères. Il a eu chaud et il a eu froid. Il a eu faim et il a eu soif. Il a rit et il a pleuré. Tout ça pour nous réussir à nous dire une seule et simple chose que nous ne voulons encore et toujours pas entendre : « Dieu vous aime. »
La preuve qu’il nous aime, c’est qu’il a décidé de quitter le ciel pour devenir ce petit enfant de la crèche. Tout l’amour de Dieu concentré dans la faiblesse d’un petit enfant qu’on peut prendre dans ses bras et qu’on peut aimer en retour.
Tout l’amour de Dieu mis à notre portée, à notre disposition. Nous pouvons l’adorer comme l’ont fait les mages et les bergers. Nous pouvons l’ignorer comme l’ont fait la plut grande partie des habitants de Jérusalem et de Bethléem qui ne se doutaient même pas de la révolution dans l’histoire du monde et de l’univers : Dieu se fait homme et il habite parmi nous. Nous pouvons encore le rejeter comme l’ont fait les puissants de ce monde qui avaient peur qu’on leur prenne la place.
Regardons ce petit enfant Jésus, ce visage d’ange qui n’est venu que pour nous donner l’amour de Dieu. Laissons cet amour divin toucher et transformer notre cœur. Laissons le nous donner sa paix et sa joie. Tout petit qu’il est, il semble n’être rien et pourtant il éclaire tout et vient faire toute chose nouvelle.
Voilà ce que je voulais dire aux poissons l’autre jour dans le lagon, mais comme ils n’ont pas voulu m’écouter, je me suis dit que peut-être ici au Lycée Levavasseur quelqu’un voudra bien m’entendre et embrasser ce petit enfant qui est Dieu et qui vient habiter parmi nous.
Liens utiles