Fortifie-toi et prends courage
Pèlerinage des femmes, épouses et mères de famille de la Réunion Mai 2023
« We can do it ! », vous connaissez certainement ce poster représentant une femme, ouvrier, avec un bandana rouge sur la tête, les manches de son bleu de travail remontées et montrant son biceps contracté. « On peut le faire ! » symbole d’une revendication de force féminine.
Dieu sait, mesdames, que vous ne manquez pas de force et d’audace, de patience, d’attention et de constance ! Et il arrive pourtant que la charge soit lourde à porter, et ce, peu importe votre état de vie. Alors ce pèlerinage est un jour de ressourcement. Cette marche vous a fatigué autant que fortifié en réalité. Elle vous a donné l’occasion de prendre de la distance avec les affaires courantes (en marchant justement !), ces affaires pouvant être un emploi rémunéré ou la bonne tenue de votre maison. Et cette distance est saine, elle vous place face à vous-même, face à Dieu. Et lorsque la charge devient trop lourde, ou même avant qu’il en soit ainsi, il faut se fortifier et reprendre courage, car la route est encore longue.
Une femme forte : Judith
Pour vous y aider, je vous propose de vous donner un modèle, une héroïne, une sorte de Wonder-woman biblique. Il y en a des brouettes pleines des « Wonder-woman » dans les Ecritures Saintes, souvent méconnues d’ailleurs, mais aujourd’hui je me suis permis de faire un choix pour vous. Il s’agit de Judith. Mes critères de choix ? Je l’aime bien, c’est tout…
Qui est Judith ?
Son nom signifie « juive », comme ça la chose est claire dès le début. C’est une veuve, « très belle et d’aspect charmant », qui sauve tout le peuple d’Israël alors assiégé par les assyriens. Je vous passe tous les détails de l’histoire vous irez lire le livre ! Je vais retenir quelques faits saillants qui peuvent servir à votre méditation.
Face aux hommes
Lorsque Judith apparaît pour la première fois dans le livre qui porte son nom, la ville est assiégée et on manque d’eau. Alors le conseil (exclusivement constitué d’hommes), découragé, décide de résister encore cinq jours, et demande à Dieu d’agir dans ce délai, sinon ils se rendrons. C’est une sorte d’ultimatum lancé à Dieu avant la reddition de la ville. Judith entend cela et débarque dans le conseil. Seule femme, au milieu d’hommes d’âges murs, il prend la parole et commence à leurs expliquer leurs erreurs de gouvernement et de foi. Autrement dit, elle leur apprend la vie à ces bonhommes un peu peureux, il faut bien le dire ! Et stupeur du lecteur, elle est remerciée pour cela et tous loue son intelligence, connût depuis sa jeunesse. Elle finit par dire qu’elle va elle-même trouver une solution. J’aime beaucoup ce passage où Judith claque le museau du conseil. Pendant un demi chapitre elle remet tout le monde en place, parle avec une grande liberté, sans attaquer, sans médire, mais avec vérité et puissance. Voilà un premier trait à retenir ! Elle agit même presque en qualité de prophétesse. C’est un rappel à l’ordre divin qui se fait par la bouche de cette femme. En matière de protection et soin de toute vie, votre voix a bien une dimension prophétique. La prise de parole courageuse de Judith est le début du salut d’Israël face aux Assyriens, tout comme Marie est la première à entendre l’annonce de l’Incarnation du Fils et Marie Madeleine la première à recevoir l’annonce de sa Résurrection.
Sa prière
Revenons-en à Judith, elle quitte le conseil en demandant à ses membres qu’ils ne cherchent pas à savoir ce qu’elle va faire, ils le sauront lorsqu’elle l’aura exécuté. Et son premier réflexe c’est de tomber à genou pour prier Dieu. Face à une telle mission, elle prend la responsabilité de sauver le peuple d’un siège, elle se tourne de suite vers Dieu et lui seul : « Dieu est pour nous refuge et force, secours dans la détresse, toujours offert. » (Ps 45.2). Elle dit même dans cette prière : « Je chanterai pour mon Dieu un chant nouveau. Seigneur, tu es grand, tu es glorieux, admirable de force, invincible. » (Jdth 16.13)
Elle cherche ainsi auprès de Celui qui a déjà sauvé à de multiples reprises son peuple, le secours dont elle a besoin. Elle ne cherche pas à rassembler une armée, ou forger des épées. Elle tombe à genou et demande l’aide du Très-Haut. Son premier reflexe n’est pas une action, mais bien de la contemplation. Sa force, elle la puise à une source intarissable qui est à l’origine de l’univers même.
Son action
Mais elle ne reste pas à genou au fond de sa maison…Elle passe à l’action, car comme le dit le livre des Proverbes, la femme parfaite « rayonne de force et retrousse ses manches ! (Pr 31.17). Mais elle ne le fait pas comme un guerrier, elle ne revêt pas une armure. Ecoutez plutôt : « Elle se releva de sa prostration, appela sa suivante et redescendit à l'intérieur de sa demeure, […]. Elle prit de l'eau pour se baigner entièrement et elle s'enduisit d'une huile au lourd parfum. Elle coiffa sa chevelure. Elle ajusta sa ceinture, puis revêtit ses habits de fête, […]. Elle chaussa des sandales, mit ses anneaux de chevilles, ses bracelets, ses bagues, ses boucles d'oreilles, et toute sa parure. Elle se fit très belle afin de séduire les regards de tous les hommes qui la verraient. »[1] Et ça à l’air convainquant, un peu plus loin on lit : « Quand ils virent Judith le visage transformé, et portant d'autres vêtements, sa beauté les plongea dans la plus grande admiration. »
Elle se revêt de ses armes pour atteindre de très près Holopherne, le général des Assyriens. Et elle y parviendra ! Là encore vous irez lire le livre pour savoir les détails.
La vraie force de Judith
La vraie force de Judith n’est pas une force violente. Des bourrins n’ont pas sauvé le peuple, la beauté y est parvenue ! Ce qu’un tas d’armures rangées sur un champs de bataille n’a pas obtenu, une belle robe et une jolie coiffure (et un coup d’épée quand même !) l’ont fait ! C’est dans sa prière que cette femme trouva la force de réaliser cet acte sauveur, elle le formule ainsi : « Car ce n'est pas dans le nombre que réside ta force [ô mon Dieu], ni ton pouvoir en des hommes vigoureux. Mais tu es le Dieu des humbles, secours des opprimés, protecteur des faibles, refuge des délaissés, sauveur des désespérés. [2]»
La force de Judith c’est d’avoir compris que le seul qui soit vraiment fort c’est celui qu’elle prie à genoux. « Au sage appartient la force, celui qui a l’expérience augmente son pouvoir. » dit le livre des Proverbes[3]. Et la Sagesse dans la Bible, c’est de reconnaître que Dieu est bon et tout-puissant.
A la fin du livre, dans son dernier discours, celle dont le nom signifie « la juive » sera presque identifiée au peuple tout entier, une sorte de Marianne israélite. C’est bien par amour de son peuple que Judith agit, pour les sauver de la mort, pour en prendre soin. Elle ne supprime pas Holopherne pour augmenter son pouvoir, mais pour sauver ceux qu’elle aime. Ainsi Georgette Blaquière, une théologienne du XX siècle écrit : « la femme est placée près [de l'homme] pour lui rappeler sans cesse que ni l'avoir ni le pouvoir ne lui permettront de s'accomplir, mais l'amour seul, dans un admirable échange »[4]
Judith n’est pas une « gentille petite fille-fille à sa maman », c’est une femme forte. Elle est vénérée dans le peuple, et même à l’extérieur, le livre se termine sur la phrase suivante : « Plus personne ne vint effrayer les fils d'Israël du vivant de Judith et longtemps après sa mort. »[5]
Voilà un beau modèle mesdames, qui prend la parole avec sagesse, prie son Dieu et sauve son peuple avec et par toute sa féminité !
La force que Dieu donne par son Esprit Saint
Et pour vous en ce jour, que faire ? La leçon de tout cela, ce n’est pas juste qu’il faut se faire belle…même si c’est à méditer (il vous reste un peu de temps avant la messe…). La leçon que je vous propose est de réfléchir à ce qu’est la force, et spécialement lorsque l’on est une femme. Il y a une réponse proprement féminine à cette question, que vous êtes probablement venu chercher, en venant à ce pèlerinage dont le thème nous parle de force. Le psalmiste vous répond, et vous donne l’occasion de faire résonner ces mots dans vos êtres féminins : « Je t'aime, Seigneur, ma force : Seigneur, mon roc, ma forteresse. »[6]
Je n’ai pas réponse toute faite (comment le pourrais-je, moi qui ne suis pas vous ?) Or en ce temps préparatoire à la Pentecôte, j’ai une piste de réponse à vous proposer. Juste avant son Ascension au Ciel, le Christ dit à ses disciples : « vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous »[7]. La voilà surement la force de Judith, la voilà surement votre force à toutes ! C’est lui qui a donné à cette belle veuve le génie et le courage de risquer sa vie pour ceux qu’elle aimait. C’est ce même Esprit Saint que nous implorons ardemment, pour espérer le recevoir dimanche prochain. Alors profitez de ce jour de pèlerinage pour déposer ce qui est lourd, pour souffler, mais surtout recevoir un souffle nouveau. Expérimentez entres femmes comment Dieu manifeste sa force en vous. Et redite sans cesse avec le psalmiste : « Ma force et mon chant, c'est le Seigneur ; il est pour moi le salut. Clameurs de joie et de victoire * sous les tentes des justes : « Le bras du Seigneur est fort, le bras du Seigneur se lève, * le bras du Seigneur est fort ! »[8]
[4] Blaquière Georgette, Femmes selon le cœur de Dieu, Edition Saint Paul, 1999, p. 28.
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