Berger généreux
Notre chef qui meurt pour nous ! C’est du jamais vu dans l’histoire du monde. D’habitude ce sont plutôt les nations qui meurent pour leur chefs, l’actualité nous montre d’ailleurs que certains chefs d’état n’ont pas perdu de vue ce principe.
La caractéristique première du Bon Pasteur mis en évidence dans ce passage que nous venons d’entendre : c’est que le berger donne sa vie pour ses brebis. Il n’est pas d’abord là pour conduire, mais pour s’offrir, se donner au loup à la place des brebis. Parce qu’à la différence d’un mercenaire, il ne s’enfuit pas devant le danger, il est directement concerné par son troupeau, c’est le sien, ces brebis sont à lui.
Elles sont à lui parce qu’il les connaît, pas d’une vague connaissance mondaine, comme quand on dit d’une personne que c’est une « connaissance ». Il nous connaît d’une façon absolument inouïe, d’une façon divine : « je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît,
et que je connais le Père. » C’est un fort parallèle qu’établis le Christ. Il enseigne ainsi qu’il existe un même type de relation entre lui et le Père et entre lui et nous. Ce petit mot « comme » crée un lien vertigineux. Le Fils nous connaît comme le Père le connaît, quelque chose de cette relation intratrintaire entre le Père et le Fils, se reproduit entre le Fils et nous-même. Cela nous fait un peu entrer en Dieu que d’être traité comme Dieu le Fils. Seulement cette relation n’est pas encore tout à fait accomplie. Dans le sens berger-brebis, la connaissance est limpide. Jésus nous connaît mieux que nous même. En revanche, dans le sens brebis – berger, ce n’est pas encore tout à fait évident. Et pour cause, S. Jean nous l’explique dans sa première lettre : « mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. » Il nous manque donc encore une part de connaissance.
Et Jésus établis un lien entre la connaissance mutuelle et le dépôt de sa vie. C’est parce qu’il connaît ses brebis comme le Père le connaît qu’il donne sa vie pour elles. Le berger, le vrai, perd sa vie, il la donne. Et ce don nous fait entrer dans le mystère même de la personne du Fils. Jésus nous dit ce que c’est que d’être le Fils, c’est d’être aimé du Père et la raison de cet amour il nous la donne : « Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. »
Et nous touchons à un des plus grands mystères de la fécondité de la vie du Christ et donc de la nôtre : donner sa vie pour la recevoir de nouveau. C’est ce calcul si peu rentable à première vue, qui nous retient tant d’entrer vraiment dans la vie en Dieu. Perdre pour gagner, cela rebute à notre goût. Nous restons souvent bloqués, pétrifiés, face à cette idée qui paraît tellement contre intuitive. Nous faisons tout pour conserver, entretenir, exploiter, et cela n’est pas mauvais, c’est même une des missions confiées par Dieu à Adam. Et Jésus donne un exemple de don qui semble opposé, il dilapide. Ce n'est pas contradictoire. Il enseigne juste que la finalité de notre action, c’est le don. Je ne peux donner que ce que j’ai reçu. Ma vie et tout ce que je possède je l’ai reçu de Dieu, il nous faut nous approprier et entretenir ses dons (à la manière d’Adam travaillant la terre reçue), car on ne peut donner que ce que l’on possède. Le Bon Pasteur possède la vie en plénitude, il peut donc déposer sa vie pour nous. Que possédons nous que nous pouvons donner ? A quoi dois-je mourir pour ressusciter ? Quelles brebis dois-je protéger du loup en échange de ma vie ?
Nous vivons bien souvent apeuré sur un plongeoir en nous cachant les yeux, ne cherchant même pas à savoir s’il y a une piscine en dessous, uniquement conscient qu’il y a du vide, de l’incertain, du danger,…Et pourtant notre modèle, notre berger c’est la pierre rejetée des bâtisseurs, celle sur laquelle personne ne pari, et qui se retrouve en pierre d’angle, la plus belle qu’on expose et qui tient l’arête du bâtiment, elle ne peut être fébrile cette pierre !
Cela est rassurant de savoir que le berger donne sa vie pour nous. Rassurant que nous fassions partie de son troupeau. Encore plus rassurant de savoir que même si nous n’étions pas dans cet enclos, il viendrait tout de même à nous. Pour que tout cela soit véritablement vécue, il nous faut entrer dans cette logique du don de notre vie pour la recevoir à nouveau. Nous sommes appelés à comprendre cela et à l’incarner dans la moindre de nos décisions. Que signifie « donner ma vie ? » Jésus nous a clairement montrer le plus haut degré de ce don. Mais par où entrerais-je dans cette logique de don/réception nouvelle ? Il m’est d’avis qu’il faut d’avantage se concentrer sur ce qui est vraiment en notre pouvoir. « J’ai le pouvoir de la donner » dit Jésus.
Le berger est un vrai berger, il nous a montrer le chemin, il nous a conduit vers les verts pâturages. Il nous a montré le chemin en faisant ce qu’il disait. Et appartenir à son bercail, c’est faire de même.
Que le Bon Pasteur nous donne la grâce de donner notre vie pour recevoir la sienne en retour.
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