La digne réponse
Dimanche 28eme TO Prêché à la cathédrale de Saint Denis
Il y a quelques années, je participais à une session de découverte de l’école biblique de Jérusalem. Or, le 14 juillet tombais pendant ce séjour. Et il est de coutume que l’ambassadeur de la France en Israël, reçoive chez lui tous les ressortissants français présent sur ce territoire pour la fête nationale. Me voilà invité avec les frères de l’Ecole Biblique à cette réception très officielle, pendant laquelle j’ai côtoyé autant le supérieur des franciscains de Terre Sainte que le ministre israélien des affaires étrangères (un français à l’époque…). Et la première idée qui met venue à l’annonce de cette invitation, était : mais suis-je digne ? Et une fois sur place, je me suis vraiment demandé ce que je faisais là, je n’avais pas tout à fait le bon vêtement…
Jésus adresse sa parabole de ce jour, aux grands prêtres et aux pharisiens. Il cherche à leur faire saisir que le peuple élu n’a pas l’exclusivité du salut, et même que son refus de l’accueillir va donner la possibilité de l’offrir à d’autres : aux païens !
Mais au-delà de cela, cette petite histoire nous invite à méditer sur ce que signifie « être appelé » et « être élu ». Jésus distingue bien les deux, et c’est d’ailleurs tout le propos de cette histoire. Être appelé, ce n’est pas être élu. L’appel, ou l’invitation aux noces, est très large. Il y avait les premiers « privilégiés » et leurs refus a donc permis une très large ouverture : le texte précise même « les mauvais comme les bons », vraiment très large comme invitation.
Seulement la parabole se termine sur cette curieuse phrase : « beaucoup sont appelé, peu sont élu ». Attention à bien saisir les propos du Christ ici, attention surtout à la pente janséniste toute proche…Cette expression est en réalité un hébraïsme traduit littéralement en grec, ce qui n’en rend pas tout à fait le sens. Passer de « beaucoup » à « peu » en hébreux, signifie en réalité désigner un ensemble moins important qu’une totalité. Beaucoup sont appelés, mais « moins » sont élus, certains parmi les appelés sont des élus. Autrement dit, tous ceux qui sont appelés ne sont pas élus. Et l’histoire elle-même indique que les élus ne sont pas spécialement peu nombreux. La salle des noces est pleine, ce qui doit faire pas mal de monde, tous cela sont appelés et élus, et il y en a seulement un seul qui n’est pas élu…Un grand nombre sont appelés, un grand nombre sont élus, mais pas tous.
Notre petit esprit révolté, défendeur des droits de tous, se réveille en nous ! pourquoi alors un seul non élu ? C’est injuste ! Seulement notre conception de la justice ne semble pas toujours identique à celle de Dieu. La nôtre n’est que très partielle, et elle ne prend pas en compte l’ensemble d’une personne, et encore moins l’ensemble de l’histoire du monde. Remarquons tout d’abords que cette mise à la porte n’est pas du tout une inimitié de la part du maître à l’égard de cet invité. Il l’appel « mon ami », ce n’est pas de l’ironie, il est vraiment son ami à ses yeux, c’est l’invité qui refuse cette amitié qui lui proposé. Et son silence en est la preuve. Il ne veut pas parler au maître. Jésus emploiera exactement les mêmes mots lorsque Juda lui donnera le baisé de la trahison…
Il y a plusieurs raisons à ne pas entrer ou rester dans la salle des noces dans cette parabole. La première est évoquée par la réaction des premiers invités, qui ne viennent pas à la noce parce qu’ils ne prennent pas en compte l’invitation qui leur est faite, tout simplement. Ils retournent à leurs champs ou à leurs commerces, à leurs affaires sans se soucier de cette invitation. Et même ils vont faire taire ceux qui les invitent. Notre monde, et en partie nous avec, est plein de ce genre d’invités qui n’écoutent même plus l’annonce de l’invitation, qui ne s’y intéressent même pas… « à quoi bon, mes petites affaires me suffisent, nul besoin d’aller à la noce, je fais tourner mon petit monde, je n’ai pas besoin d’être sauvé ».
Puis, il y a celui qui répond, mais qui ne porte pas l’habit de noce, ce qui lui vaut de finir dehors. La raison de cette non-élection, malgré l’invitation faite et acceptée, c’est que cet homme ne correspond pas à ce que le maître souhaite. Il est invité à une noce, et pour s’y rendre, il faut avoir les habits qui correspondent à cet événement. Ainsi en va-t-il du salut. Pour être sauver, il nous faut revêtir le salut, revêtir le Christ, c’est-à-dire accepter de recevoir ce qu’il nous a obtenu sur la croix, et conformer notre vie à cela. Car je peux très bien dire « oui oui » du bout des lèvres et ne pas agir en conséquence, ça c’est prendre la tenue de noce et juste la mettre sur son bras sans l’enfiler. Or, le salut, ça s’enfile ! Nous sommes invités à nous revêtir de « l’habit de lumière » comme dit S. Paul.
Et cette attitude, qu’attend de nous le Seigneur, est rendue par le mot « digne », les premiers invités n’étaient pas « digne » de l’invitation, c’est pour cela qu’il ne sont pas passés « d’invités » à « élus », tout comme celui qui n’avait pas l’habit de noce. Comment être digne ? Être digne, c’est correspondre à ce que Dieu attend de nous. Et le créateur et sauveur du monde à de grandes aspirations pour nous. Il nous demande donc de nous disposer le mieux possible à recevoir ce que lui veut donner, à éviter tout ce qui est une entrave à sa grâce. Ça pourrait être cela revêtir l’habit de noce. C’est manifester son désir, par ses paroles et ses actes, de vouloir participer au banquet, de vouloir entrer dans la salle des noces éternelles, de communier aux festins des noces de l’Agneau.
Frères et sœurs, notre participation à cette eucharistie est un avant-gout de tout cela. Nous allons l’entendre dans quelques instants, juste avant de communier : « heureux les invités au festin des noces de l’Agneau ». Nous avons été invités, et nous avons répondus, nous avons laissés nos « affaires » pour venir passer un peu de temps ici. Sommes-nous passé d’invités à élus ? Sommes-nous correctement disposés à participer au banquet ? Ou nous sentons nous un peu comme un jeune frère étudiant perdu dans une ambassade française en Palestine en beau jour de 14 juillet ?
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