Célébration des professions religieuses des sœurs Julie, Ketty et Sandrine.
Chapelle des pères Carmes, Gol-les-Hauts (La Réunion), le samedi 29 octobre 2022.
Que célébrons-nous ? Pour beaucoup, les vœux représentent la fin de la vie amoureuse. C’est pourquoi rares sont les jeunes filles qui se tournent vers la vie religieuse. Elles préfèrent rester indépendantes, s’amuser, enregistrer des vidéos sur TikTok en train de chanter ou de danser …
Nous célébrons la matrice de la Vie, l’amour de Dieu. Le but de la vie religieuse est l’amour : « Au cœur de l’Église, ma Mère, je serai l’amour », s’exclamait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. La perfection de la vie humaine et de l’aventure chrétienne se trouve dans l’amour.
Après la résurrection et l’Ascension de Jésus à la droite du Père, les apôtres étaient réunis en prière avec Marie au Cénacle. Ils attendaient la venue de l’Esprit Saint, Esprit de force.
Loin d’être une entrave au perfectionnement de ses membres, la communauté religieuse favorise l’épanouissement des potentialités de chacun à travers des sacrifices et actes de foi. Le père Lagrange, fondateur de l’École biblique de Jérusalem, qui a souffert dans l’accomplissement de son ministère biblique en restant fidèle, avouait à la fin de sa vie que le vœu d’obéissance lui avait permis d’aller plus loin que s’il avait suivi sa volonté propre. La petite Thérèse le dit aussi dans une lettre écrite, le 13 août 1893, à sœur Marie du Sacré-Cœur : « Si les chênes des forêts atteignent une si grande hauteur, c’est parce que, pressés de tous côtés, ils ne dépensent pas leur sève à pousser des branches à droite et à gauche, mais s’élèvent droit vers le ciel. Ainsi, dans la vie religieuse, l’âme se trouve pressée de toutes parts par sa règle, par l’exercice de la vie commune, et il faut que tout lui devienne un moyen de s’élever très haut vers les Cieux. »
Dans la vie religieuse, les missions sont données par la communauté. Les sœurs les accomplissent, envoyées par la communauté. Elles ne se donnent pas les missions à elles-mêmes. Par la médiation des supérieures, les sœurs découvrent la volonté de Dieu pour elles.
À l’exemple de la Vierge Marie, les sœurs écoutent la Parole de Dieu pour servir le Seigneur. Elles prient comme Marie lors des noces de Cana qui ne demandait rien pour elle mais pour les nouveaux époux : « ils n’ont pas de vin » (Jn 2,3). Marie n’exige rien dans sa prière. Il lui suffit de présenter les besoins des invités de la noce à son Fils. À lui de manifester sa volonté. Tournée vers Jésus, Marie n’agit pas en mère possessive, mais en disciple, qui conduit toujours, non à elle-même, mais au seul Sauveur, Jésus : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5).
Les lois de l’Église protègent et guident. C’est dans la vie communautaire que les sœurs grandissent en sainteté dans l’amour du prochain, exigeant et purificateur. Le démon le sait bien et il fait tout pour dissuader les sœurs de continuer à vivre ensemble. Le diable manque d’imagination. Il utilise toujours la même stratégie de la division en se présentant comme avocat des personnes et défenseur de la justice. Il inocule le venin du soupçon et du rejet de l’autre en agrandissant les défauts du prochain à la manière d’une loupe.
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, votre modèle, décrit l’action diabolique et la bonne attitude à adopter : « Le démon essaie de me mettre devant les yeux les défauts de telle ou telle sœur, je m’empresse de rechercher ses vertus, ses bons désirs » (Histoire d’une âme, chapitre neuvième).
Il arrive que l’on loue le rayonnement et la sainteté d’un prêtre ou d’une religieuse. Personnellement, je n’ai qu’une question de vérification à poser : « Cette personne vit-elle seule ou en communauté ? » La vie commune, source de joie, peut représenter aussi une pierre d’achoppement pour beaucoup. Néanmoins, elle demeure la pierre de touche qui évalue la qualité de notre amour de Dieu et du prochain.
Le vœu de chasteté va de pair avec la maternité spirituelle. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus partageait cette expérience dans un poème écrit le 21 octobre 1895 : « Je suis vierge, ô Jésus ! Cependant, quel mystère ! En m’unissant à toi, des âmes je suis mère … » (Jésus, mon Bien-aimé, rappelle-toi ! …).
Cette maternité spirituelle était au cœur de sa vocation : « Ce que je venais faire au Carmel, je l’ai déclaré dans l’examen solennel qui précéda ma profession : Je suis venue pour sauver les âmes, et surtout afin de prier pour les prêtres. Lorsqu’on veut atteindre un but, il faut en prendre les moyens ; et Jésus m’ayant fait comprendre qu’il me donnerait des âmes par la croix, plus je rencontrais de croix, plus mon attrait pour la souffrance augmentait » (Histoire d’une âme, chapitre septième).
Elle a prié pour Pranzini, condamné à mort, qui a embrassé le crucifix présenté par l’aumônier de la prison juste avant son exécution. Sainte Thérèse l’a appelé « son premier enfant ».
Thérèse a prié pour ses frères prêtres. Lors de son pèlerinage à Rome pour demander au pape Léon XIII la grâce d’entrer au Carmel à quinze ans, Thérèse avait constaté la fragilité des prêtres. Elle les portera toujours dans sa prière : « prions pour les prêtres ; que notre vie leur soit consacrée » (Lettre VIIIe à sa sœur Céline, le 18 juillet 1890) ; « Nous offrons nos prières et nos sacrifices pour les apôtres du Seigneur ; nous devons être nous-mêmes leurs apôtres, tandis que, par leurs paroles et leurs exemples, ils évangélisent les âmes de nos frères. Quelle noble mission est la nôtre ! » (Histoire d’une âme, chapitre sixième).
Si à un moment de son cheminement spirituel, elle avait souhaité être prêtre pour étudier les langues bibliques, Thérèse ne tarde pas à comprendre la maternité spirituelle accordée dans sa vocation d’« apôtre des apôtres » : « C’est à nous de former des ouvriers évangéliques qui sauveront des milliers d’âmes dont nous deviendrons les mères ; qu’avons-nous donc à envier aux prêtres du Seigneur ? » (Lettre XIIe à sa sœur Céline, le 15 août 1892).
Par ailleurs, Thérèse recevra la mission de prier pour deux prêtres qui deviendront « ses deux frères prêtres » qu’elle gardera dans son âme lumineuse et fervente. À l’heure de la mort, le jour de son inhumation le 4 octobre 1897, Thérèse fut entourée d’une belle couronne de prêtres.
Contemplative, sainte Thérèse voit dans la figure légendaire de Véronique, présente dans le Chemin de croix, mais non dans les évangiles, un exemple de la miséricorde chrétienne vécue dans la réciprocité. Véronique essuie le visage ensanglanté de Jésus qui porte sa croix sur la Via dolorosa et elle reçoit en retour l’image du Fils de Dieu imprimée sur son linge. Dans une lettre à sa sœur Céline, Thérèse écrit : « Je t’envoie une image de la Sainte Face, je trouve que ce sujet divin convient si parfaitement à la vraie petite sœur de mon âme … Oh ! qu’elle soit une autre Véronique ! » Lettre VIIe datée du 22 octobre 1889). Ailleurs Thérèse, qui aime peindre la Sainte Face de Jésus, exprime son adoration du visage divin de Jésus : « Ta Face est ma seule patrie, elle est mon royaume d’Amour, elle est ma riante prairie, mon doux soleil de chaque jour. » ; « Laisse en moi la divine empreinte, de tes traits remplis de douceur et bientôt je deviendrai sainte ; vers Toi j’attirerai les cœurs ».
Dans vos différents services, vous essuyez des larmes et des visages. C’est ainsi que vous rencontrez le Christ en la personne des garçons et des filles en souffrance. Jésus imprime alors en vos âmes son visage, sa Sainte-Face.
Mes chères sœurs, votre apostolat se déploie auprès des jeunes dans la louange et la prédication de la Bonne Nouvelle de Jésus, éternellement jeune qui rajeunit l’humanité.
Jésus, Celui qui est, qui était et qui vient, à Lui toute adoration, bénédiction et action de grâces. Amen.
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