« Ne nous laisse pas entrer en tentation »
Exhortation pour l’assemblée de prière Betzatha
C’est étonnant ce mécanisme qui se produit en nous quand nous sommes attirés par quelque chose ou quelqu’un, et que rien ne semble pouvoir stopper cela. Le désir est complexe en nous et part carrément dans tous les sens. « Le cœur de l’homme est tortueux par-dessus tout » dit le prophète Jérémy (17.9). Essayons d’y voir un peu plus clair dans cette jungle épaisse, sans faire de la psychanalyse, mais en restant bien dans notre domaine.
Avant tout, les Anciens avaient beaucoup d’images pour décrire ce qui se passe en nous. Je vous en propose une de Platon. Ce dernier compare notre âme à un char. La raison conduit le char, qui est tiré par deux chevaux : Thumos (l’ardeur, la colère) et Epithumia (le désir – et c’est ce même terme grec qui est employé dans la Bible pour parler de tentation).
Nous sommes donc comme balloté, écartelé entre plusieurs directions et notre raison, notre intelligence, tente de maintenir le cap, en limitant les sorties de route !
Les différentes tentations
Les origines de nos tentations sont diverses. Commençons par la plus évidente :
Le démon
Le démon ! En effet, ce rebelle cherche à nous éloigner de Dieu. Et pour ce faire, il nous présente des réalités mauvaises mais sous un bon jour, donc en élaborant de gros et beaux mensonges, et nous tombons asses souvent dans le panneau…Il est très fort, et il nous connaît bien, même chacun personnellement, pas comme Dieu qui nous scrute du dedans, mais parce qu’il nous observe de l’extérieur et remarque nos réactions. Rassurons-nous, il n’a accès qu’à notre imagination, pas à nos pensées et à notre volonté. C’est la raison pour laquelle, il arrive que nous ayons des images ou des envies qui ne viennent vraiment pas de vous, mais c’est un assaut du mauvais. Il agit de cette façon avec tout le monde.
Son but d’ailleurs ce n’est pas tellement que nous succombions à la tentation (ça c’est assez facile comme objectif…). Ce qu’il cherche, c’est à nous détourner complétement de Dieu, que nous n’ayons plus confiance en sa miséricorde. Vous connaissez cette petite voix qui vous dit après un gros péché (souvent d’ailleurs dont vous avez bien honte), « tu vas pas prier maintenant quand même ?... » Ben c’est lui ça ! C’est un nouvel assaut de tentation, même après la chute…il n’a pas de pitié ce fourbe !
La faiblesse humaine
Mais il y a une deuxième source de tentation possible. C’est la faiblesse de notre nature. Malgré tous nos efforts, notre nature humaine est marquée par le péché, et de ce fait elle est toute déréglée. On ne sait pas vers quoi se tourner, et l’évidence du Bien et du Vrai n’est plus présente en nous.
« Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » (Mt 26.41)
L’esprit désigne ici ce qui est sanctifié par Dieu, et la « chair » ce qui lui résiste. Ce n’est pas une distinction matière/esprit, qui laisserai supposer que le corps est mauvais en soit, ce qui n’est pas le cas ! Il y a bien une part naturelle de notre humanité qui rechigne au règne de Dieu. Cette partie de nous qui fuit toutes souffrances, qui préfère un matelas douillé, ou bien qui désir posséder une autre personne uniquement pour le plaisir qu’elle m’apporte.
Il se peut que le malin s’amuse avec tout cela, mais il n’en est pas la cause directe.
La convoitise – la grande tentation
La grande tentation, c’est la convoitise. Cette soif insatiable de posséder biens et personnes.
« Ceux qui veulent s’enrichir tombent dans le piège de la tentation, dans une foule de convoitises absurdes et dangereuses, qui plongent les gens dans la ruine et la perdition. « (I Tm 6.9).
« Car la fascination du mal obscurcit le bien et le tourbillon de la convoitise gâte un esprit sans malice. » (Sg. 4, 12)
« Chacun est tenté par sa propre convoitise qui l’entraîne et le séduit. » (Jc 1.14)
Cette convoitise elle naît souvent de la peur de manquer et de tout ramener à soi. « Tout pour moi, rien pour la somme », voilà le credo de Babylone ! Nous fonctionnons tous comme cela, il faut le savoir, se le dire pour le combattre. Tant que je ne me sens pas concerné par cette convoitise, je ne pourrais pas combattre cette tendance en moi.
Un Désir mal orienté
Cette tentation, c’est un désir (c’est le même mot en grec). C’est un désir mal orienté, un désir qui veut quelque chose de mauvais. Et même être tenter c’est vouloir plus, quelque chose qui vaut moins. Parce que ça demande plus de connaître et vouloir des réalités qui ne sont pas à portée de main directe.
« Ne laisse pas ton désir et ta force t'entraîner à suivre les passions de ton coeur. » (Sir. 5.2)
Que ce n’est pas à la mode comme slogan, comme sagesse. On nous dit partout « écoute ton cœur », que l’on confond la plupart du temps avec ses passions, des désirs qui partent dans tous les sens, un jour je veux ça et le lendemain, mi veux plus…C’est simple à comprendre et chercher dans vos mémoires…une chose que vous avez désiré ardemment, et une fois obtenue, elle a fini au fond du placard…
Jésus ne nous dit pas : « écoute tes envies, et fait tous ce qu’elles te dictent », il nous dit « suis-moi », « écoute mes commandements ». Il ne dit pas « écoute ton cœur », mais « je suis le Bon Berger, et mes brebis écoute ma voix ».
Mais tous nos désirs ne sont pas mauvais. Voilà ce que dit le même Siracide :
« Ne te refuse pas le bonheur présent, ne laisse rien échapper d'un légitime désir. » (Sir. 14.14)
« J’suis pas venu ici pour souffrir, ok ? » Ben non ! Il existe donc des désirs « légitimes », et c’est quoi ? C’est de désirer des choses bonnes ! Comme Jésus qui dit le soir de la Pâques avec ses disciples :
« J'ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir » (Lc. 22.15)
Désir on ne peut plus légitime ! La Parole de Dieu et nos expériences nous permettent de différencier ce qui est légitime de ce qui ne l’est pas (parce que mauvais pour nous).
Succomber et accepter
Succomber à la tentation c’est accepter de prendre ce qui nous est présenté. Un fameux fruit…C’est entrer dans un deal avec quelqu’un qui ne nous veut que du mal sous une apparence de bien. Pour reprendre cette image du fruit : la tentation ce serait présenter un fruit pourri sous son meilleur jour. Un peu comme une mange tapée et totalement pourrie d’un côté, serait joliment déposée dans une corbeille de fruit, mais la face abimée resterait cachée. Et c’est une fois dans l’assiette que l’on constate l’autre partie.
C’est une fois le péché commis, quand on a succombé à la tentation, que l’on constate, voire même éprouve, le mal…Un peu tard, même quand on le savait déjà !
Car, distinguer ce qui est légitime de ce qui ne l’est pas ne se fait pas selon l’arbitraire d’un Dieu qui aurait juste dit « ca ta droit, ça t’a pas droit ». Un désir illégitime est un désir qui nous porte vers une réalité qui n’est pas bonne pour nous. Ne pas faire n’importe quoi avec son corps, ce n’est pas pour que nous restions sagement à la maison à nous ennuyer, c’est parce que cela nous fait du mal ! Cela nous empêche d’aimer vraiment. Et c’est cela que veut Dieu par-dessus tout, que nous aimions !
Et ce mal, nous conduit vers le plus grand des maux…la mort. Le péché engendre la mort en nous. Or nous sommes faits pour la vie !
La résistance et la victoire, la répétition
Mais pas de panique, on peut résister à la tentation.
Et Jésus donne la méthode : « veillez et priez pour ne pas entrer en tentation » Mt 26.41, il dit cela à ses disciples à Getzemani, alors que lui part prier seul.
Veillez
Veiller c’est scruter ce qui se passe en nous. C’est ne pas se laisser vivre, et balloter par les flots. C’est analyser un désir lorsqu’il apparaît, d’où vient-il ? De moi ? Du mauvais ? Vers quoi me pousse-t-il ? Vers Dieu ? Vers son ennemi ?
Priez
Ne jamais hésiter à se mettre en prière quand la tentation apparaît, et surtout quand elle se fait insistante ! Le seul nom de Jésus remet tout en place ! Et c’est dans le Notre Père : « ne nous laisse pas entrer en tentation. ».
Dieu permet mais ne veut pas la tentation
Nous le savons, mais il est toujours bon de se le rappeler, cette tentation n’est pas voulue par Dieu :
« Dans l’épreuve de la tentation, que personne ne dise : « Ma tentation vient de Dieu. » Dieu, en effet, ne peut être tenté de faire le mal, et lui-même ne tente personne. » (Jc 1.13)
En revanche, comme rien n’arrive dans le monde hors de portée de Dieu : il permet cette tentation. Elle est très souvent pour une occasion de vérification et de fortification.
Rien au-dessus de nos forces
Et enfin, Dieu est bon et il veille sur ses enfants. Ce qui nous arrive, est mesuré, proportionné à ce que nous pouvons supporter :
« La tentation qui vous a atteints n’a pas dépassé la mesure humaine. Dieu est fidèle : il ne permettra pas que vous soyez tenté au-delà de vos forces. Mais avec la tentation il donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter. » (I Co 10.13)
Dieu est fidèle, à nous de l’être en retour. Plus je suis fidèle à Dieu, plus je reçois de lui la force de lutter contre les tentations.
Alors demandons à l’Esprit ce soir, qu’il nous fasse entrer en nous même, pour nous apprendre à discerner nos mouvements intérieurs, qu’il fortifie les rênes de notre raison, pour qu’elles puissent diriger au mieux le char de notre âme. Pour que Epithumia, ce cheval parfois un peu fou, reste sur la bonne route et atteigne, aussi paisiblement que possible, les écuries éternelles !
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