Le gardien de nos âmes
4em Dimanche de Pâques 2023 Prêché à la cathédrale de Saint Denis
Debout, appuyé sur son bâton, le béret visé jusqu’aux yeux, le regard perdu dans la vallée, écoutant le son anarchique des cloches des bêtes lui faisant une berceuse, je revois encore Marcel, ce berger qui habitait à côté de la maison de vacances de mes grands-parents dans les Pyrénées, avec qui nous passions toutes nos après-midis d’été.
Si nous n’avez jamais vu un berger avec son troupeau de brebis (plus rare dans ces contrés), je vous propose d’incarner cette page d’évangile que nous venons d’entendre en Marcel, ce berger de mon enfance. Après tout, si Jésus utilise des images c’est bien pour nous faire saisir les réalités mystérieuses du Royaume par d’autres bien plus terre à terre, à notre portée.
Marcel passait plus de temps avec ses bêtes qu’avec ses semblables. Il connaissait mieux son troupeau que ses voisins. Il savait reconnaître chaque brebis à sa manière de bêler, voir même de courir. Il les appelait chacune par un nom, et ne se trompait jamais. Il se mêlait au troupeau, marchait en tête. Tout le village connaissait cette silhouette un peu boîtant, annoncée par deux chiens un peu fous (Nino et Bianco) et suivi d’une cinquantaine de moutons.
Le matin, alors que le soleil était à peine levé, il ouvrait la bergerie, et faisait sortir les bêtes pour les amener dans les pâtures, souvent sur un plateau à quelques kilomètres du village, dans des « près d’herbes fraîches », non loin des « sources tranquilles ». Il savait exactement chaque jour où il emmènerait le troupeau, en fonction de la saison et de la météo. Marcel connaissait la route et le but ! Ainsi en va-t-il de pasteur éternel. Il connaît le but, puisqu’il en vient du Royaume de Dieu, et il connait la route, parce qu’il l’a déjà parcouru, dans les deux sens ! Du ciel à la terre et de la terre au ciel, de la bergerie aux pâturages et du pâturage à la bergerie. La seule chose qu’il nous demande, c’est de docilement, et paisiblement suivre sa voix, qui nous appel à le suivre, par notre nom.
Bien qu’ouvrant la route, Marcel avait sans cesse l’œil sur la colonne de brebis qui marchait à son rythme lent. Et une fois arrivé, il gardait toujours l’œil ouvert et l’oreille alerte. Le bâton en main pour chasser les chiens errants, personne ne pouvait s’approcher de ses brebis. Le berger protège son troupeau. C’est le sien, il n’est pas un mercenaire payé, c’est une part de sa vie, et même pour Marcel, ce troupeau c’était sa vie, sans lui, plus de subsistance. Christ s’est lié à son troupeau que nous sommes. En se faisant lui-même l’Agneau sans tâche, il est entré carrément dans le troupeau. Il s’est uni à nous pour nous protéger jusque de l’intérieur.
Dans le passage de l’évangile selon S. Jean que nous avons entendu, Jésus se présente à la fois comme le berger et la porte de la bergerie. La porte est ce qui empêche les intrus d’entrés. Autrement dit, le Christ se présente comme berger d’abord sous son aspect de gardien. C’est bien ce que souligne S. Pierre dans notre deuxième lecture : « Car vous étiez errants comme des brebis ; mais à présent vous êtes retournés vers votre berger, le gardien de vos âmes. »
Un gardien, voilà bien ce qu’était Marcel pour son troupeau. Il en prenait soin. Il les protégé des attaques extérieures et il soignait les bêtes malades. Il leur donnait ce don elles avaient besoins. Les brebis sont bien avec le berger, parce qu’il est un gardien bon, et pas un tyran qui enferme. Auraient-elles pu vivre sans Marcel ? Surement ! Certaines même peut être plus longtemps. Plusieurs agneaux auraient connu plus d’une Pâques…Mais le critère d’une bonne vie n’est pas dans sa quantité, sa longévité, mais bien dans sa qualité ! Voilà ce que nous permet le Pasteur Eternel, de vivre une belle et bonne vie dès ici-bas. Une vie pleine de sens, et de beaux fruits. Le troupeau de Marcel était connu dans toute la vallée : de belles bêtes, bien tondues et biens dodus. De la belle laine et de la bonne chair donnée en échange d’une bonté pour chaque bête. Le fruit de leur vie donnée pour le berger. C’est bien ce que nous devons à notre berger. Lui offrir nos vies en offrande, à lui qui est notre gardien, qui veille sur chacun de nos pas, jusque dans les « ravins de la mort ».
Aujourd’hui, ce bon vieux Marcel a surement rejoint la bergerie éternelle, et il y savoure un repos bien mérité après une rude existence sur le versant Nord du col de Francazal sur les contreforts des Pyrénées. Le berger de nos âmes finira un jour par nous faire tous rentrer dans cette bergerie éternelle. Car il connait en même temps où il nous mène et chacun d’entre nous. C’est pour cela qu’il parviendra à nous y faire entrer, dans sa bergerie. Non seulement lui a déjà atteint le but en son humanité, mais encore il sait le chemin (entendez par où il faut passer et les conditions, parfois rudes, de ce chemin), et enfin il connait ceux qui ont à parcourir ce chemin à sa suite. Alors nulle crainte. Cherchons le bâton et suivons-le, il veille le gardien d’Israël, non il ne dort pas. Nous pouvons le suivre sans angoisse, car « Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ; j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. »
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