« Au temps du Synode, progresser dans la Vérité »
Jésus dérange, autant l’éliminer. Voilà ce que nous enseigne la parabole de la vigne aimée de Dieu dans l’Évangile selon saint Matthieu. Le maître de la vigne, c’est Dieu, la vigne c’est le pays d’Israël, les serviteurs sont les prophètes, les mauvais vignerons sont les chefs du peuple, entêtés et infidèles, le fils, c’est Jésus lui-même, Fils de Dieu.
Cette parabole garde son actualité. Qui est le propriétaire de la terre et la source de la vie sinon Dieu ? Pourtant ses pensées ne sont pas nos pensées. Quand il nous contrarie, nous cherchons aussi à l’éliminer.
Le propriétaire a confié la gestion du vignoble aux vignerons dans l’attente de récolter de bons fruits. Au lieu de présenter de beaux raisins aux envoyés du maître, les vignerons les mettent à mort. Ils en font de même avec son propre fils. Nous trouvons ici un résumé de l’histoire d’Israël qui a tué les prophètes et même le Fils de Dieu envoyé par le Père, Jésus. Mais « la pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle », annonce de la résurrection et de la naissance de l’Église, Temple de Dieu.
Dans leur aveuglement, les vignerons ont mis à mort les envoyés. Faute de discernement, dans l’orgueil, les hommes continuent de mettre à mort ceux qui contrarient leurs plans et leur volonté de puissance. Des guerres diaboliques et des avortements pour convenance personnelle montrent la violence sans pitié dont l’humanité est capable.
« Je suis perdu » est une phrase que j’attends souvent. Sans boussole, sans Dieu, l’humanité ne sait plus pour qui elle vit, ni le sens ni le pourquoi. La perte du sentiment d’appartenance désoriente les personnes qui se demandent si elles ont un rôle à jouer ou une mission à accomplir en-dehors des besoins et des loisirs. 45% des Français déclarent n’appartenir à aucune communauté . Nous devenons de plus en plus individualistes dans des systèmes individualisants qui isolent tout en informant. Internet et les réseaux sociaux peuvent donner l’illusion que l’homme n’a pas besoin de faire partie d’une communauté.
Au Synode, l’Église se fait rencontre, conversation, dialogue respectueux et exigeant, dans la recherche de la volonté du Christ ici et maintenant. Le bienheureux évêque dominicain, Mgr Pierre Claverie, martyr en Algérie en 1996, n’hésitait pas à affirmer loin de tout relativisme ou syncrétisme religieux : « J’ai besoin de la vérité des autres. » Dieu aime tous et chacun. Il peut se manifester à travers des chrétiens et des non-chrétiens.
Nous sommes non seulement dans une époque de changements mais aussi dans un changement d’époque. Comment savoir ce qu’il faut faire ? En qui croire et pourquoi ? L’Église trouve le discernement dans la Parole de Dieu, vécue dans la charité, au cœur de la prière et de la vie fraternelle.
D’où l’organisation du Synode sur la synodalité qui vise à mettre au centre de l’existence Jésus ressuscité, dans l’écoute communautaire de l’Esprit Saint. N’éteignons pas l’Esprit Saint ! Ne le contristons pas ! Il est Amour à l’œuvre, énergie en synergie avec nous, vision donnée pour l’avenir, rendez-vous dans le futur : « Voici que je fais toutes choses nouvelles » (Ap 21,5).
Unité ne veut pas dire uniformité. L’unité de l’Église trouve son origine et sa force dans l’amour trinitaire du Père et du Fils et du Saint Esprit. Au cœur de la Trinité, l’Esprit Saint représente le « nous » du Père et du Fils, le lien, la mise en commun, le partage, la communion. L’esprit synodal facilite le passage du « je » au « nous » de l’Église ainsi que le passage du « nous » dans la Communion au « je » dans la confession de foi personnelle. L’homme de la modernité se pense à partir de lui-même. Tout n’est pas mauvais dans l’individualisme qui met en valeur la pensée personnelle et la dignité de chacun au milieu des menaces totalitaires que imposent des formatages massifs.
À la suite de Jésus, la doctrine sociale de l’Église promeut la dignité intégrale de tout l’homme et de tous les hommes dans la solidarité d’une communauté fraternelle.
Dieu a créé la terre pour tous les hommes : destination universelle des biens. Tout est au service de l’humanité ; l’humanité est au service de Dieu. Dieu partage tout avec l’humanité : « Mon enfant, tout ce qui est à moi est à toi », déclarait le père de la parabole du fils prodigue au fils aîné. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus exprime cela à partir d’un beau fruit de la nature : « Voici une belle pêche, rosée et si sucrée que tous les confiseurs ne sauraient imaginer une si douce saveur. Dis-moi, ma Céline, est-ce pour la pêche que le bon Dieu a créé cette jolie couleur rose si veloutée et si agréable à voir et à toucher ? Est-ce encore pour elle qu'Il a dépensé tant de sucre ?... mais non, c'est pour nous et non pas pour elle. » (Lettre 147, 13/08/1893).
Trois mots structurent la démarche synodale : communion, participation, mission. Nous avons à nous réjouir de ce rassemblement synodal qui comprend des évêques et des laïcs, hommes et femmes. L’étymologie de synode veut dire « marcher ensemble ». Ensemble nous sommes plus intelligents que tout seuls. Tout seuls nous risquons fort de nous tromper et de nous faire illusion. Dans la prière, en Église, nous nous trompons rarement. La démarche synodale diminue notre peur face aux menaces de guerre et aux défis de nouvelles technologies qui appellent des choix de sagesse. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », déclarait Rabelais (+1553).
Des laïcs, membres du Synode sur la synodalité, témoignent de la vigueur de la foi des catholiques aujourd’hui qui vivent le sensus fidei, le sens de la foi, et le sensus fidelium, le sentir théologal des fidèles, expérience de Dieu. Nous pouvons être fiers de la passion de nombreux laïcs pour la théologie. L’Ordre des prêcheurs, dominicains, participe à la formation des leaders laïcs. Plusieurs laïcs, délégués au Synode, ont été étudiants à DOMUNI, notre université numérique. Le but du synode n’est pas de changer la foi mais de grandir dans la foi et dans la connaissance de la Vérité.
Le Synode représente une expérience de communion avec Dieu dans la prière et le dialogue, voire dans le débat contradictoire si apprécié des frères dominicains puisqu’ils sont nés non de la répétition des leçons mais du débat avec les cathares.
Le philosophe Emmanuel Kant définissait la science comme l’organisation des connaissances et la sagesse comme l’organisation de la vie. Le Synode aspire à la sagesse, don de Dieu, en participant à l’organisation de la vie de l’Église au cœur de l’humanité. C’est la mission que le Christ a confiée aux apôtres et aux chrétiens. La foi de l’Église ne change pas mais les dogmes peuvent connaître des développements dans le progrès de la Vérité révélée. Le Christ, chemin, vérité et vie, est présent à son Église « hier, aujourd’hui et demain » et nous le connaissons de mieux en mieux. Le mystère du Christ ne change pas mais il continue de dévoiler sa richesse infinie. Prenons un exemple, un bébé d’aujourd’hui reste un bébé semblable à un bébé d’il y a deux mille ans. Pourtant nous connaissons mieux la génétique et la psychologie du bébé aujourd’hui qu’il y a deux mille ans. Ce que nous découvrons dans les recherches scientifiques maintenant étaient présentes il y a des milliers d’années mais cachées, inconnues.
Ne nous laissons pas décourager par le rejet de l’Évangile ou par l’abandon de l’Église chez des baptisés. « Seigneur, à qui irions-nous ? » ; s’exclamait l’apôtre Pierre, « tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 68). Choisissons le Christ pour bâtir notre existence sur sa Parole, avec lui : « Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent en chantant » (Psaume 126,5).
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