Le don sanctifié
Mais quelle imprudence de partir si loin de chez soi sans provision ! Cinq mille imprudents qui avaient seulement soif de la Parole de Dieu et faim de ses bienfaits.
Seulement, la Parole de Dieu, nourris l’âme d’abord, et pas le corps…Le Fils de Dieu venu dans la chair le sait bien. Il a une solution. Voilà un premier élément étonnant, Jésus se soucie de savoir ce que vont manger tous ces gens. Il ne dit pas : « peut import, moi je prêche ! » Pourtant, il le rappel lui-même : « l’homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». « Pas seulement » ça sous-entend « aussi ». « L’homme se nourrit aussi de pain », et il va en donner lui-même, montrant qu’il se soucie de nos corps et pas que de nos âmes.
Vient se mettre en place ce court dialogue avec deux de ses disciples, révélateurs de deux attitudes spirituelles. Philippe dit : « où trouver du pain pour tant de monde ? » autrement dit : « mais c’est impossible ce que tu veux là Jésus ! On n’y arrivera jamais, c’est difficile ».
Puis André, plus mitigé, il fait un pas vers Jésus : « y a un garçon avec cinq pains et deux poissons, mais qu’est-ce que cela ? » (Au passage ce jeune garçon et le seul prévoyant de toute cette foule : qui a dit que la prudence était l’apanage de l’âge ? En voilà un démenti parfait, c’est par cette jeunesse que viendra le miracle !). Voilà juste ce que Jésus attendait, voilà ce qui déclenche tout le processus miraculeux qui va nourrir toute la foule. Cinq pains et deux poissons mollement apportés, presque sans aucune conviction : « mais qu’est-ce que cela ? ».
Mais que de freins dans notre vie spirituelle parce que d’emblée nous sommes comme Philippe : « c’est impossible, je n’ai rien, je ne suis rien, mais que faire ? c’est difficile ! ». Que de choses débloquées avec André, même sans une conviction profonde et sans ardeur manifeste. André ne dit pas « voilà ces quelques provisions, mais tu es Seigneur et tu peux tout ! » Non ! Il dit « bon y a ça, mais franchement ce n’est rien ! ».
Sur toute la foule, c’est tout ce que l’on a trouvé, et il s’avère que c’est largement suffisant. « Donne-moi ! » dit Jésus, « donne-moi » le miracle c’est moi qui le fais, pas vous, « donnes-moi » un peu de ta matière, et je m’occupe du reste. Même si sur l’ensemble de notre vie, il n’y a pas grand-chose, « donne-le-moi », nous dit Jésus. « Donne-moi ce que tu crois n’être qu’un petit rien, tes faiblesses, tes limites, ton péché, mais aussi tes talents, tes réussites, tes joies, tes espérance…donne-les moi et je vais les multiplier, je vais les transformer, je vais les sanctifier et les offrir au Père. »
Frères et sœurs, ce don de nos vies, et surtout de ce que nous jugeons comme insignifiant, c’est ce que pendant la messe, l’offertoire nous invite à faire. Lorsque les offrandes sont apportées sur l’autel, l’ensemble des fidèles est invité à s’unir à cette action, par le don de leur vie, avec au minimum l’attitude d’André : « j’ai que ça Jésus, et franchement ça ne vaut rien… »
« Donner » au Christ, c’est mettre tel ou tel aspect de ma vie sous son regard, lui montrer, lui demander son aide. Tant que je veux faire seul dans mon coin, je n’aurais que cinq misérables pains et deux petits poissons. C’est déjà pas mal, certes, mais ça ne fait pas vivre très longtemps. Mais en donnant, même avec une petite foi, cela peut porter des fruits qui me dépassent. Dieu veut que nous collaborions avec lui. Dieu n’aime pas beaucoup que chacun fasse les choses dans son coin.
Jésus ne nous demande pas de faire des miracles, juste d’en apporter la matière, comme pour l’Eucharistie, c’est lui-même par son Esprit qui consacre le pain et le vin, pas le prêtre ! Apportons-lui des matières à miracles, n’essayons pas de prendre sa place.
Y a une dernière chose qui me reste quand même…c’est justement ce reste ! Pourquoi des restes ? Dieu dans sa toute-puissance aurait pu calculer juste asses pour tous. Alors pourquoi en reste-t-il à la fin ? Pour montrer la surabondance de sa grâce ? Certainement ! Ou peut-être aussi pour apporter de ce festin champêtre et céleste à ceux qui n’y étaient pas : nous ! Ce qui est rassemblé dans ces paniers va nous être servi maintenant ! Nous avons part nous aussi à ce miracle, cette fois qui n’est pas de multiplication, mais de transformation. Ce que nous allons recevoir n’est plus du simple pain, c’est le Christ.
Que cette communion soit pour nous une occasion renouvelée d’offrir à Dieu tous nos petits riens, nos matières à miracles, pour que lui-même les multiplies, les fécondes de sa grâce et leurs fassent porter du fruit dans toute notre vie.
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