Parfumer l’argent
« L’argent n’a pas d’odeur » dit le vieux proverbe latin, ce qui signifie que tous les moyens sont bons pour s’en procurer, même ceux qui ne sentent pas bons. L’homme est souvent capable pour quelques pièces de monnaie sonnantes et trébuchantes de faire quelques folies…
Jésus distingue aujourd’hui deux sortes d’hommes, les « enfants de ce monde » et les « enfants de lumière ». La parabole de l’intendant infidèle semble vouloir nous faire saisir cette distinction. L’intendant est un gestionnaire malin qui connaît très bien les lois de ce monde et s’en sert à son avantage. Son maître le félicite d’une telle habileté. Mais rien ne laisse entendre dans la parabole que le maître en question est Dieu, rien ne laisse entendre que Jésus lui-même loue cette attitude. Le maître, dans la parabole, appartient à la même catégorie que l’intendant, à savoir les « enfants de ce monde ci ». Même s’il est vrai que dans bien d’autres paraboles de Jésus, le personnage du maître ou du roi semble bien désigner Dieu, ici rien ne l’indique, et même au contraire…L’intendant est loué par le maître parce qu’il joue dans la même cour que ce dernier, et qu’il y joue bien ! Jésus ne fait qu’identifier un tel comportement, il ne le cite pas en exemple. Il nous fait comprendre que, oui, « les enfants de ce monde ci », qui ne vivent pas selon les décrets et les lois du Seigneur, eux ont les mains salies par de l’argent douteux.
Seulement, Jésus ne nous demande pas de les éviter. Et c’est là que nos réflexes de pharisiens puritains sont un peu mis à mal. Le Christ nous invite à nous en faire des amis, de ces « enfants de monde ci », de ces escrocs. La première raison, c’est que Dieu n’est pas absent des affaires. Le prophète Amos réexplique dans notre première lecture, que fausser les balances et vendre les déchets du blé c’est froisser la justice, et donc aller contre les décisions divines. La justice dans les affaires, la droite manière de faire du commerce, participe de règles édictées par Dieu. Donc Dieu se mêle aussi des affaires des hommes. Il ne fixe pas le juste prix du baril de pétrole, mais il rappelle qu’il existe bien une juste manière de fixer ce prix. Et ceux qui ne respectent pas ces lois éternelles, et bien Dieu s’en souviendra. Autrement dit, sa justice sera appliquée de toute façon, si ce n’est pas par les hommes, ce sera par ses anges, si ce n’est pas au cours de l’histoire, ce sera au seuil de l’éternité.
Or, par l’apôtre Saint Paul, nous sommes invités à prier pour tous les hommes, et notamment pour les « Chefs d’Etat et ceux qui exercent l’autorité » (c’est l’origine de notre prière universelle liturgique…). Frères et sœurs, nous ne le savons que trop, ceux qui nous gouvernent ne brillent pas comme des enfants de lumière…Ils sont bien trop souvent plutôt du côté des fils de monde ci, formant ainsi une belle bande de bandits. Mais cela ne doit pas nous empêcher de prier pour eux. Car Dieu est unique, il est donc le Dieu de tous ses enfants, qu’ils soient trop liés à ce monde ou en pleine lumière. L’apôtre ajoute même « Cette prière est bonne et agréable à Dieu notre Sauveur, car il veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la pleine connaissance de la vérité. »
Il nous faut même, en plus de prier pour ces escrocs, nous en faire des amis ! Priez pour eux, c’est déjà vouloir en faire des amis, c’est déjà leurs souhaiter le plus grand bien : le salut. Encore fois, Jésus nous montre qu’il n’est personne que nous devons éviter par principe, peu importe son origine, ses pratiques, ses activités. Le Christ lui-même montre grandement l’exemple, allant même jusqu’à mettre à mal sa réputation ! N’ayons crainte de notre réputation, ce n’est pas elle qui nous fera rentrer au ciel, Dieu lit dans les cœurs, il n’écoute pas beaucoup le ladilafait.
Se faire l’ami de quelqu’un, frères et sœurs, ça ne signifie pas l’imiter. Cela signifie plutôt continuer à agir bien, même avec le mauvais et sans chercher à éviter de côtoyer le mauvais. Car Jésus nous préviens, la fidélité nous devons la garder en toutes nos œuvres, même si ces œuvres concernent de l’argent qui a une mauvaise odeur. Nous devons choisir notre maître, cela est certain, car nous ne pouvons en servir deux. Mais servir Dieu ne nous rends pas étranger des serviteurs de l’argent. Rester fidèle à Dieu, être un enfant de lumière, c’est aussi ne pas condamner avant Dieu tous ceux qu’il veut sauver. Et il veut peut être user de notre fidélité pour convertir un ou plusieurs cœurs.
Nous connaissons tous des voyous, et si nous n’en connaissons pas, c’est que c’est peut-être nous ! Nous sommes invités à nous en faire des amis fidèles. Car la justice divine s’étend à tout ce qui existe. Si nous sommes de vrais enfants de lumière, si nous servons vraiment Dieu et non l’argent, être ami avec l’argent malhonnête, c’est gratuit. Cela doit se faire sans recherche de profits. Evidemment, il ne s’agit pas de fricoter avec la pègre pour se remplir les poches, ça c’est servir le maitre argent. Il s’agit bien plutôt de manifester de la bonté, et une amitié fidèle, même avec ceux dont les affaires ne sont pas nettes. Et ce faisant, nous même, nous apprenons à vraiment choisir notre maitre. Et ce dernier ne veut pas asservir par son pouvoir tout ce qui existe en l’achetant, mais il veut que tous soient sauvés et connaisse la vérité. Il veut ainsi que la bonne odeur de la sainteté de ses enfants se répande partout, et qui sait ? A force de mettre de l’argent dans les mains des saints dont émane un parfum suave, il finirait peut être par en avoir, de l’odeur…
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