Tu as du prix à mes yeux, et je t’aime
Enseignement pour le 6ième pèlerinage des femmes, épouse, et mères de familles de la Réunion
« Tu as du pris à mes yeux, et je t’aime ». Ce passage d’Isaïe 43 produit toujours en nous un véritable effet de réconfort. Lorsqu’on l’entend, on se détend. « Ah mais oui, je suis aimé ». Parce que Dieu sait que l’on a besoin de se l’entendre dire : « tu es belle, je t’aime, tu es précieuse, il n’y a pas deux comme toi ». D’ailleurs souvent, vous aimeriez bien qu’une voix humaine et proche de vous vous le redise aussi…Même si pour lui c’est devenu une évidence ! C’est pareil avec Dieu. Bien sûr que Dieu nous aime, on le sait, c’est d’ailleurs le premier truc que l’on répète sans trop savoir ce que cela signifie à tous ceux qui nous posent des questions sur notre foi. « eh bien tu sais, Dieu nous aime d’un amour infinie » (ca explique tout et rien à la fois cette réponse..), mais on aime toujours à se l’entendre répéter.
Nous aimons entendre Dieu nous redire, tout bas, dans le murmure d’une brise, « eh oh, c’est quoi ce problème ? Cette question ? Ce doute ? Cette douleur ? Tu t’en fais pour les études de l’ainé ? Tu es inquiète pour tel collègue ? Tu n’arriveras pas à organiser cette sortie dans Mafate ? Eh oh, ça n’a pas vraiment d’importance, parce que Moi, je t’aime ! » Ca ne résout rien, mais ça change tout.
Dieu vous aime, parce que vous êtes précieuses. Et vous êtes précieuses…parce que Dieu vous aime ! L’amour de Dieu pour une réalité la rend bonne et belle ! Vous êtes choisies, Dieu vous a voulue chacune d’entre vous. Depuis toujours il pense à vous, et un beau jour vous avez été propulsée dans l’existence, mais il pensait à vous depuis toujours. Et si chacune de vous existe, c’est uniquement parce que Dieu vous a voulue, telle que vous êtes, non comme vous vous rêvés. Dieu ne dit pas, « tu auras du prix à mes yeux », sous-entendu, « quand tu auras réalisé toutes tes potentialités », c’est un présent « maintenant, aujourd’hui, tu as du prix ». C’est son présent à lui, autrement dit : l’éternité, « depuis toujours et pour toujours tu es précieuse ». Le mot en hébreux signifie également « rare », et sa racine première désigne vraiment une pierre précieuse. Faite vous plaisir, imaginez la pierre précieuse que vous êtes. Vous êtes une belle pierre que Dieu admire, une de celle qui brille bien avec plein de reflets dans tous les sens.
En plus ce verset peut vraiment être compris comme s’adressant à une femme (Dieu s’adresse à Israël, souvent personnifié par une épouse), la suite du verset dit en plus : « je donne des hommes à ta place, des peuples en rançon de ta vie ». Il y a même un petit côté « ma petite chérie, ne t’en fais, tout va bien se passer ». Le mot hébreu employé pour « homme » c’est « adam ». Je donne Adam à ta place Eve, toi je t’aime de trop…C’est bien un fils d’Adam qui a été offert en rançon, à notre place, et donc à « votre » place…
Alors oui, ça fait du bien de se l’entendre dire de temps en temps : je suis unique et je suis aimée. Et cela console, cela rassure, cela comble d’un doux sentiment de paix dans l’âme. Comme un peu d’eau fraîche pendant une longue marche sous le soleil. Et voilà, Dieu m’aime, c’est tout, et ça suffit, le reste finira par passer. Je suis précieuse à ses yeux…Je ne vais pas vous la jouer Georges Clooney, mais quand même : « What else ? ». Je suis un diamant dans la main de mon Dieu, quoi d’autre ? Que me faut-il d’autre ?
Et bien ça ne s’arrête pas à ce seul constat apaisant de se savoir aimée et reconnue pour ce que l’on est en vérité. Vous avez une mission, et une mission qui semble d’ailleurs appartenir plus spécifiquement à la gente féminine. Être consolée certes, pour consoler à votre tour !
Ce pauvre Adam qui débarque dans le monde est tout seul. Dieu lui donne les bestioles, il les nomme. Adam fait joue-joue, il est content, il est occupé (faut toujours occuper les hommes), quand il a fini son bricolage dans le garage, il s’aperçoit qu’il n’a trouvé aucun vis-à-vis…que aucun de ces animaux ne lui correspondaient. Alors Dieu lui donne : Eve ! Et là c’est l’extase : « os de mes os, chair de ma chair » (technique de drague brevetée…apparemment elle a craquée…). Il voit en Eve son alter-ego. Mais attention à ce que l’on entend ici « ego » signifie « moi » en latin. Adam ne voit pas en Eve, un autre lui-même, mais un vis-à-vis qui a un peu de lui-même. Ce serait plutôt une « alter-égale ». Une autre qui lui ressemble et qui est au même niveau que lui. Mais ce qui m’intéresse le plus à présent dans ce don d’Adam à Eve, c’est d’abord le fait que c’est Dieu qui opère ce don. Ce n’est pas Adam qui se donne Eve, il l’a reçoit de Dieu. Et surtout Eve est décrite comme littéralement une « aide en face ». En plus du fait qu’il s’agit directement d’un vis-à-vis plus que d’un côte à côte (malgré le fait qu’Eve a été prise d’un côté…). Le mot « aide » (« ‘ezer » en hébreux), ne signifie pas tellement « aide-ménagère »…dans tout le reste de la Bible, il ne renvoie qu’à Dieu lui-même. L’aide de l’homme c’est Dieu, et l’aide d’Adam, c’est Eve. Vous commencez à voir où je veux en venir…Ce mot revient par exemple à chaque début d’office lors que l’on chante « Dieu vient à mon aide ». Dieu en Eve se rend présent à Adam, il achève sa création dans cette distinction entre l’homme et la femme, mais surtout puisqu’Eve est donnée à Adam, c’est pour qu’Adam puisse se donner à Eve. Dieu veut faire comprendre à Adam par Eve quelle relation il veut avoir avec l’humanité : une relation de don réciproque. D’où cette notion « d’aide ». Dieu donne son « aide » que lorsqu’on la lui demande. Cette injonction qui commence l’office vient du Ps 30, elle dit exactement « Ecoute Seigneur, pitié pour moi, Seigneur sois mon secours ! ». Ce don de la femme vient manifester dans la création cette volonté de ne pas laisser l’homme livré à ses propres forces. C’est le rôle de la grâce (c’est peut-être pour cela que c’est un mot féminin…tout comme la sagesse !).
Il s’agit donc pour l’homme de ne pas rester seul. C’est pour cela que Dieu donna d’abord tous les animaux, mais cela ne suffit pas…L’homme était toujours seul. Il ne fût plus solitaire lorsqu’il reçue Eve. Une théologienne française (Georgette Blaquière) fait un petit jeu de mot en latin qui nous intéresse grandement ici. Elle remarque que le mot « consoler » signifie littéralement « être avec le solitaire » (cum-sola)[1].
Être consoler, pour pouvoir consoler les fils d’Adam… « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu » (Is 40.1). Le ministère de percevoir la misère des autres. Cela demande un effort plus important aux hommes (ce qui ne signifie pas qu’ils en soient pas capables ou exemptés…) mais il faut souvent une femme pour faire voir et prendre soin de cette misère. Cette même Georgette Blaquière fait remarquer que les femmes ont un double rôle particulier dans l’Ecriture, de reconnaître et de prendre soin du corps de Jésus, de la conception au tombeau. C’est ce rapport à la maternité qui change tout. Une maternité comprise au sens très large bien sûr. Mais la capacité physiologique et psychique d’accueillir un autre être que soit en soit, ça change pas mal de chose. Et justement cette attention, ce soin, vient permettre de rappeler à l’homme, au nom de Dieu, que chaque personne est unique est a été voulue pour elle-même ! « Tu as du prix à mes yeux et je t’aime ».
Ce pèlerinage est une occasion d’être consolée, de faire une expérience de l’amour unique de Dieu pour chacune. Pour pouvoir ensuite être envoyée pour redonner ce que l’on a reçu. Voilà un rôle qui est votre, mais dont les implications concrètes sont peut-être plus flou, mais vous voici avec quelques pistes de méditations. En ce qui concerne les détails de mises en œuvre, mesdames, mes bavardages s’arrêtent ici, car comme le dit S. Jean Paul II : « la femme est gardienne de son propre mystère ».
[1] Blaquière G., Femmes selon le cœur de Dieu, Editions Saint Paul, 1999, p.47.
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