« C’est la miséricorde que je veux et non le sacrifice » (Mt 9, 13).
Le livre de la Genèse raconte la ligature d’Isaac. Dans sa foi, Abraham offre son fils Isaac à Dieu. Donné par Dieu, le père l’offre à Dieu. Dans l’Ancien Testament, Dieu a horreur des sacrifices humains pratiqués par des religions païennes qui brûlaient leurs fils et leurs filles à leurs dieux : « Le Seigneur a tout cela en abomination » (Dt 12,3).
Que demande Dieu à Abraham ? La foi, et la foi agissant par la charité. « Aimer c’est tout donner et se donner soi-même », enseigne sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face.
Le mot sacrifice dérive du latin (sacrum, sacré et facere, faire), ce qui veut dire « action sacrée », « faire passer en Dieu » des choses ou soi-même, en signe d’adoration. Le sacrifice suppose renoncement à sa propre volonté pour accomplir la volonté de Dieu qui est sacrée, c’est-à-dire au-delà des calculs humains, gratuité et amour.
Dans la vie spirituelle, faire des sacrifices n’a de sens que dans l’amour. « Tout est grâce », s’exclamait sainte Thérèse de Lisieux. Dieu est Amour (1 Jn 4, 16), grâce, don gratuit. Inutile d’imaginer que l’homme va posséder la bénédiction divine par ses actes voire ses sacrifices. L’homme n’est pas sauvé par l’accomplissement de la Loi mais par la foi en Jésus-Christ, écrit l’apôtre Paul (cf. Ga 3, 11). C’est par la foi en Jésus, né d’une femme, que le chrétien reçoit l’Esprit de la promesse.
« Abraham, ne porte pas la main sur l’enfant », demande l’Ange du Seigneur. Dieu déteste les sacrifices humains, il veut la confiance et le don total de nous-mêmes par amour.
Quand le chercheur de Dieu se donne à Dieu, la bénédiction descend dans son cœur. Il n’y a rien de magique dans cette relation heureuse de Dieu avec l’humanité. Dieu veut établir un lien de liberté et d’amour avec l’homme, sans domination ni violence, sans torture ni sadisme ni masochisme.
Aussi l’Ange du Seigneur annonce-t-il à Abraham qu’il n’a pas voulu faire de son fils Isaac sa possession mais qu’il l’a consacré au Seigneur comme une offrande, fruit de la grâce : « Parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton fils unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer ».
La bénédiction accordée à Abraham par sa foi est passée en Jésus le Christ à toutes les nations. Par la foi en Jésus-Messie, Juifs et païens ont reçu l’Esprit de la promesse (Ga 3, 13).
Dans la deuxième lecture, saint Paul rappelle que Dieu a livré son propre Fils pour notre salut (Rm 8, 32). Le sacrifice de la Croix manifeste l’amour absolu et désintéressé de Jésus. Sa valeur et son sens demeurent cachés dans le Cœur transpercé de Jésus dont l’amour sort victorieux du tombeau dans le combat contre les forces de mort. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime » (Jn 15, 13), a dit Jésus à ses disciples pour leur montrer la signification de sa mort. Sur la croix, c’est l’amour du Christ qui enlève les péchés des hommes et non pas la souffrance en elle-même. Amour qui purifie et illumine dans la Transfiguration de Jésus.
Sur le mont Thabor, Jésus a laissé paraître la puissance de son amour divin lumineux. Les prophètes Moïse et Élie contemplent la sainte humanité de Jésus « en qui habite corporellement la plénitude de la divinité » (Col 2, 9). L’apôtre Pierre ressent un bonheur infini en participant au rayonnement du Christ, enveloppé de la gloire de l’Esprit Saint symbolisé par la nuée et reconnu comme le Fils bien-aimé, qui s’adresse à l’humanité.
Pourtant Jésus défend à Pierre, Jacques et Jean de parler de cette heureuse expérience de la lumière divine « avant que le Fils de homme soit ressuscité d’entre les morts » (Mc 9, 9).
Il ne s’agit pas d’un bonheur facile, éphémère, fragile. Jésus, qui demeure uni à son Père en tant que Fils unique, entrera dans l’horreur de la Passion, de la croix et de la mort. Souffrance et mépris vont accabler son corps très saint.
Ce sont ces trois disciples, Pierre, Jacques et Jean, qui partageront l’angoisse de Gethsémani le Jeudi saint, quand Jésus dans une immense tristesse priera : « Abba (Père) ! tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe ; pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36).
La prière eucharistique III introduit les fidèles dans le sacrifice du Christ Jésus : « Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire ». Le baptisé rejoint ainsi la foi d’Abraham en offrant toute sa vie à Dieu. Tourné vers Dieu, son cœur élevé vers le Seigneur, le chrétien reçoit la lumière de la Résurrection de Jésus.
Sur cette terre, personne n’échappe aux souffrances ni à la mort. Dans la célébration de la messe, Dieu accorde un avant-goût de la béatitude éternelle à ceux qui renoncent à faire leur volonté, selon des critères humains de succès et de réussite, pour partager par grâce la vie de Dieu le Père qui veut la miséricorde et non des sacrifices.
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