Une rotation autour du Soleil
2eme Dimanche de Carême Prêché à la cathédrale de Saint Denis
Le soleil illumine constamment tout le système qui gravite autour de lui. La terre bénéficie de sa lumière uniquement en sa face exposé à l’astre incandescent. Même lorsque la terre est plongée dans les ténèbres, le soleil n’en brille pas moins pour autant.
Saint Matthieu compare la lumière qui jaillit du visage de Jésus, lors de sa transfiguration, à celle du soleil. Et la rotation de la terre autour du soleil nous permet ainsi de comprendre que la lumière qui resplendit sur le visage était bien présente avant qu’elle ne soit vue par les disciples. Jésus a procédé à un alignement de planète. Il a placer les disciples dans le bon ajustement, le bon angle de rotation pour pouvoir entrevoir le jour sans fin illuminé par l’astre éternel.
C’est bien une rotation qu’opère Jésus. Il inverse l’ordre des manifestations de ses deux natures. Habituellement, ce qui est d’abord visible à ses contemporains, c’est sa nature humaine. Puis, en faisant connaissance avec le Christ, chacun découvre sa nature divine. A la transfiguration, Jésus inverse l’ordre, puisque c’est la nature divine qui se rend d’abord visible, manifestée par cette lumière et cette blancheur. Comme si Jésus lâchait les vannes de sa gloire de Fils Eternel contenue dans cette nature humaine. Cette gloire est présente dans cette nature humaine depuis sa conception dans le sein de la Vierge, mais tenue caché, tout comme les desseins de Dieu , nous enseigne St. Paul. A présent, elle est rendu visible. Jésus en manifestant cette nature divine, explicite en même temps ce que Dieu projette de faire depuis le commencement. Il le manifeste et le réalise.
Remarquez d’ailleurs, que dans cet épisode de la transfiguration, tous les modes de présence de Dieu au monde sont évoqués. Dieu est présent dans sa création toute entière (signifiée par la nué et la montagne), dans sa Parole (une voix se fait entendre, il y a également Moïse et Elie, la Loi et les prophéties, autrement dit, la Parole de Dieu), et enfin le Christ lui-même : l’incarnation du Verbe, présence maximale de Dieu en ce monde. Toutes ces manifestations en simultanée viennent signifier que tous ces modes de présence sont assumés dans le Christ, car il nous est dit « ils ne virent plus personne que lui, Jésus, seul ». On passe de la nuée avec les prophètes, à « Jésus, seul ». La création toute entière et la Parole de Dieu sont contenue dans le Christ.
Cette manifestation de l’envers du décor, cet alignement face au soleil de gloire, est une révélation des mystères tenues cachés depuis l’origine. C’est d’ailleurs probablement le sujet de l’entretien qui occupe le Christ avec Moïse et Elie : la mission du Serviteur, la raison de son incarnation : son mystère pascal. Cet épisode de la Transfiguration suit de quelques versets la première annonce de la passion.
Ce temps bénis du carême, nous est donné pour nous permettre, tout comme Pierre, Jacques et Jean, de vivre un alignement de planète. La rotation est une conversion. Nos actions et nos attentions menés pendant ses quarante jours visent à nous placer en pleine lumière. Nous cherchons à entrer toujours plus avant dans le mystère de la personne de Jésus Christ. Nous avons peut-être déjà vécu une expérience analogue à celle de la Transfiguration, une situation dans laquelle le Christ a pour nous, quelque peu inverser l’ordre des manifestations de ses natures. Un moment où nous avons perçus, sans trop pouvoir dire comment, des aspects de son mystère. Et cette manifestation est venu fortifier et vivifier notre foi. C’est cette foi vivante qui nous permet par la suite de tenir avec espérance dans les épreuves.
Alors demandons au Seigneur qu’il nous fasse nous remémorer ces petites (ou grandes !) transfigurations de notre vie, ces instants où Jésus nous a fait monter sur sa montagne (ce ne sont pas forcément des grandes envolées mystiques…), et si elles n’ont pas eu lieu, demandons, si tel est sa volonté, de nous en gratifier. Car contempler Jésus de sa gloire, s’est entrer dans le dessein de Dieu, entrer dans ses vues, dans son plan pour le monde. C’est comprendre également, quand on connait déjà la fin de l’histoire, que cette gloire ne sera pleinement acquise que par le passage de la croix. Ainsi cette contemplation donne sens à l’épreuve. Avançons confiant dans le désert, envoyé comme le patriarche Abraham, vers une terre promise où nous porterons du fruit. Une terre bénie, où nous nous passerons de la lumière du soleil parce que le Seigneur Dieu nous illuminera et nous régnerons pour les siècles des siècles. Amen
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