Je vous donne ma paix
Exhortation à l’assemblée Betzatha 15 Sept 2022
Da pacem Domine, in diebus nostris, quia non est alius, qui pro nobis nisi tu Deus noster.
Donne la paix Seigneur, à nos jours, car il n’est personne pour nous défendre excepté toi, notre Dieu.
Ce chant vieux de plus de mille ans, était chanté par les Croisés à Jérusalem dans le Saint Sépulcre. Ces soldats cherchaient la paix et demandaient la paix, mais pas n’importe laquelle, pas celle que rêve de faire l’ONU, voire pire l’OTAN. Ça c’est une paix fondée sur une part de mensonge, doublé d’illusion. Nous cherchons une paix plus profonde, qui ne se fonde pas sur des traités signés. Nous cherchons celle que le Christ annonce avant sa passion : « Je vous laisse la paix ; c'est ma paix que je vous donne ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre coeur ne se trouble ni ne s'effraie. » (Jn. 14:27) Il existe donc bien deux paix. Une que nous avions avant Jésus, et une nouvelle qu’il nous donne. Cette paix qui vient de Jésus on la retrouve déjà dans l’Ancien Testament. C’est ce fameux mot hébreux que nous connaissons tous : שָׁל֑וֹם (shalom).
1. Ce qu’est le « shalom »
a. La promesse faites à Abraham
La première apparition de ce mot en hébreux, c’est au livre de la Genèse, et pas à n’importe quel moment, mais en plein milieu de la promesse que Dieu fait à Abraham. Juste après que Dieu annonce à son serviteur qu’il sera le père d’une multitude, il ajoute : « Pour toi, tu t'en iras en paix avec tes pères, tu seras enseveli dans une vieillesse heureuse. » (Gen. 15:15). Ce qui est déjà remarquable, c’est que cette paix ne semble pas faire référence à un relatif bien être à base d’huiles essentielles, de massages, d’encens et de musique douce de flûte de pan…Elle est lié à un repos, et au repos éternelle.
Et surtout elle découle de l’Alliance. Dieu parle de paix lorsqu’il fait alliance avec Abraham. La conséquence de l’Alliance avec Dieu c’est la paix. Le livre des Proverbes confirme cela : « Ses chemins sont chemins de délices, tous ses sentiers, de bonheur! (shalom) » (Prov. 3:17)
Cette autre traduction possible de שָׁל֑וֹם par « bonheur », nous montre bien que notre définition usuelle de la paix, ne calque pas tout à fait avec ce que désigne ce mot hébreux. En réalité « shalom » signifie plus largement : la sûreté, un état complet, un bien-être, la santé, la prospérité, le salut. C’est un état dont Dieu est la source et qu’il connaît lui seul en plénitude, à la différence de nous. Seul Dieu est complet, nous pas encore…
b. La paix avec Dieu et le frère
Ce même mot va également servir à décrire une situation particulière avec d’autres hommes. Ainsi Abimelek dit à Isaac : « jure de ne nous faire aucun mal, puisque nous ne t'avons pas molesté, que nous ne t'avons fait que du bien et t'avons laissé partir en paix. Maintenant, tu est un béni de Yahvé. » (Gen. 26:29)
Le Seigneur donne cette paix, non seulement à quelqu’un, mais au peuple dans son ensemble pour lui permettre de vivre sans être inquiété (on reviendra sur le lien entre paix et absence d’angoisse) : « Yahvé donne la puissance à son peuple, Yahvé bénit son peuple dans la paix. » (Ps. 29:11)
Mais le Dieu d’Israël est clair, que ce soit avec lui ou avec son frère, lorsque l’on fait la paix, c’est in fine toujours avec lui. « Ou bien que l'on fasse appel à ma protection, que l'on fasse la paix avec moi, la paix, qu'on la fasse avec moi. » (Isa. 27:5) Autrement dit : je suis la source de toute paix.
c. La recherche de la paix
Seulement la chose est claire et manifeste, la paix n’est pas innée et elle semble bien difficile à conserver. Le psalmiste la bien compris : « Evite le mal, fais le bien, recherche la paix et poursuis-la. » (Ps. 34:15) Vous notez déjà le parallèle, sur lequel nous reviendrons, entre éviter le mal et chercher la paix, il y a un rapport certain entres les deux ! Et ce rapport est une antithèse, l’un chasse l’autre.
Le prophète l’annonce, un messager de paix doit venir : « Qu'ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager qui annonce la paix, du messager de bonnes nouvelles qui annonce le salut, qui dit à Sion : " Ton Dieu règne. " » (Isa. 52:7). Le règne de Dieu est un règne de paix, et s’il faut annoncer sa venue, et bien c’est parce qu’il n’est pas encore présent !
2. Perdre la paix
a. Le « méchant » pas en paix
Si elle a besoin d’être recherchée cette paix divine, c’est qu’elle peut être perdue…La chose est très simple à comprendre. Si Dieu est la source de cette paix, s’éloigner de lui c’est s’éloigner de cette paix. Et comment s’éloigne-t-on de Dieu : lors qu’on ne l’écoute plus, lorsque l’on ne met plus en pratique sa loi : « Si seulement tu avais été attentif à mes commandements! Ton bonheur serait comme un fleuve et ta justice comme les flots de la mer. » (Isa. 48:18)
Un homme qui ne marche pas dans la voie du Seigneur, qui n’écoute pas sa voix, c’est ce que la Bible appel un « méchant », comprenez l’inverse du « juste », un pécheur : « Point de bonheur (shalom), dit Yahvé, pour les méchants. » (Isa. 48:22)
b. La justice et la paix
Il y a donc un rapport intrinsèque entre la paix et la justice, si le méchant est l’inverse du just. La justice s’est faire ce qui plait au Seigneur, c’est lui ressembler, lui, le seul vrai juste. Et il ne peut y avoir de paix sans justice : « Le fruit de la justice sera la paix, et l'effet de la justice repos et sécurité à jamais. » (Isa. 32:17) et encore : « Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s'embrassent » (Ps 84. 11). Les prophètes l’ont criés aux puissants de la terre, ne cherchez pas à bâtir une paix sur de l’injustice elle ne tiendra jamais. Puisse des prophètes se lever de nos jours pour redire aux dirigeants que leurs projets d’asservir des peuples n’est pas un projet de paix, même s’il n’y a pas (encore) de conflit.
A notre échelle, dans notre propre vie, le péché vient faire la guerre au dessein de Dieu, vient faire la guerre à toute une part de nous-même. Et le Seigneur est venu rétablir la paix par sa justice : « il rachète dans la paix mon âme de la guerre qu'on me fait ils sont en procès avec moi. » (Ps. 55:19).
C’est la vie du juste donné, manifestation de la miséricorde divine, elle-même accomplissement de sa justice, c’est cette vie qui nous rends juste et donc nous donne la paix : « Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison. » (Isa. 53:5)
3. Retrouver la paix
a. Dieu donne sa paix
Ainsi Dieu veut toujours donner sa paix, même quand nous n’en sommes pas encore dignes. « Yahvé, tu nous assures la paix, et même toutes nos œuvres, tu les accomplis pour nous. » (Isa. 26:12) Même lorsque nos œuvres ne sont pas ajustées, le Seigneur vient à notre secours. Et la première des œuvres non ajustés et qui le concerne directement : c’est la prière : « nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui-même intercède pour nous par des gémissements inexprimables. » (Rm 8. 26).
La prière, nous le savons, c’est ce dialogue qui s’installe entre Dieu et sa créature. Qui dit dialogue, dit écoute, alors comme dit le psalmiste : « J'écoute. Que dit Dieu? Ce que dit Yahvé, c'est la paix pour son peuple et ses amis, pourvu qu'ils ne reviennent à leur folie. » (Ps. 85:9). Et dans ce verset, comme dans bien d’autres, le psalmiste s’est fait prophète : « J'écoute. Que dit Dieu? Ce que dit Yahvé, c'est la paix », en effet ! Souvenez-vous les premiers mots que dit le Christ à ses disciples après la résurrection : « Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des Juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : " Paix à vous ! " » (Jn. 20:19). Surprenante salutation…pourquoi ce mot-là ? Jésus est revenu d’entre les morts, il aurait pu dire « la Vie soit avec vous ! » on y aurait vu un lien thématique au moins…ou même la « joie » à la limite, c’est ce qu’il dit aux femmes au tombeau : « Réjouissez-vous ! » Mais non, Jésus donne la paix, Jésus souhaite la paix.
b. La réalisation des promesses
Ce souhait de paix de Jésus au jour de la résurrection vient expliciter tout ce que nous venons de développer et en est la clef de voute. Une prophétie d’Isaïe nous donne des éléments : « Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné, il a reçu le pouvoir sur ses épaules et on lui a donné ce nom : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-éternel, Prince-de-paix, pour que s'étende le pouvoir dans une paix sans fin sur le trône de David et sur son royaume, pour l'établir et pour l'affermir dans le droit et la justice. Dès maintenant et à jamais, l'amour jaloux de Yahvé Sabaot fera cela. » (Is 9.1-2) Et une autre : « C'est un dessein arrêté : tu assureras la paix, la paix qui t'est confiée. » (Isa. 26:3)
Le Seigneur Jésus est donc venu établir ce règne de paix en rétablissant la justice. Pour tous les hommes et pour nous. La paix se fait en l’absence d’inquiétude : « Dans la paix moi aussi, je me couche et je dors, car tu me donnes d'habiter, Seigneur, seul, dans la confiance. » (Ps 4.8). C’est un psaume que l’on chante pour les Complies, le dernier office du jour avant d’aller se coucher. On peut dormir en paix, seulement dans la confiance, et la confiance naît de la justice. Le Seigneur en offrant sa vie pour nous, nous a rendus capable d’avoir confiance en lui, en sa miséricorde, il apaise nos âmes.
Mais attendez, se reposer en paix, n’est-ce pas ce que Dieu proposer déjà à Abraham ? Nous avons commencé par cela. La première mention de la paix dans la Bible, c’est celle du repos. Et donc, Jésus annonçant la paix au jour de sa résurrection : c’est la pleine réalisation de la promesse faite à Abraham : « tu t'en iras en paix (lekh be shalom) avec tes pères ». Voilà ce que Dieu avait derrière la tête depuis le commencement : vivre en paix avec nous et nous faire vivre de sa paix dans un repos, une absence de tension, de combat et de douleur.
c. La vie en Dieu
Il n’a cessé de le dire : « Mon peuple habitera dans un séjour de paix, des demeures superbes, des résidences altières. » (Isa. 32:18) Ces demeures, ce sont les parvis du Seigneur.
Est-ce à dire que cette paix n’est que pour le jour de notre Pâques ? Et bien non ! « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » (Mt 3.2). Ce sont les premiers mots de Jésus dans l’évangile selon S. Matthieu. Cette paix réside déjà dans le cœur du juste, de celui qui s’est convertis. Marcher dans les sentiers du Seigneur c’est s’assurer la paix, même si d’autres me font la guerre. « Je ne veux que la paix, mais quand je parle, ils cherchent la guerre » (Ps 119.7).
Et attention, « marcher dans la voie du Seigneur » ce n’est pas juste avoir la conscience tranquille… « Ma conscience ne me reproche rien, mais ce n’est pas pour cela que je suis juste : celui qui me soumet au jugement, c’est le Seigneur. » (1 Co 4.4) dit Saint Paul aux Corinthiens. Seul Dieu est juge de ma justice.
Alors demandons lui sa grâce, lui qui nous a justifiés dans son précieux sang, et voici sur chacun de vous à présent, la grande bénédiction que Dieu demanda à Aaron et ses fils de prononcer sur le Peuple :
Que le Seigneur te bénisse et te garde ! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce ! Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! (Nb 6. 24-26)
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