N’ayez pas peur !
Exhortation pour le groupe de pière Betzatha – Aout 2023
Lors de l’une de ses interventions pendant les JMJ, le pape François a redit une phrase qui a beaucoup marqué le pontificat de S. Jean Paul II : « n’ayez pas peur !». Ce conseil est extrêmement présent dans l’Ecriture et accompagne même toute l’histoire du salut, de Adam à la Vierge, jusqu’aux témoins de la Résurrection, Dieu directement, ou par la bouche d’un ange ou d’un prophète, ne cesse de rassurer son peuple et lui dit calmement : « n’ayez pas peur ».
Ensemble, ce soir essayons d’y voir un peu plus clair, pour que nous puissions à notre tour recevoir ce conseil et le mettre le mieux possible en application.
Il existe plusieurs sources à la peur. C’est une passion, un sentiment que nous ressentons à divers moments de notre vie à des intensités différentes. Nous avons tous un souvenir d’une peur, et nous avons tous des peurs latentes. Ce peut être quelqu’un, ou quelques choses.
Peur des épreuves – solutions que Dieu apporte
Quand on parle de peur, la première chose qui nous vient à l’esprit le plus souvent, c’est une peur face à quelque chose ou quelqu’un. Un évènement extérieur me met dans une situation inconfortable. C’est souvent d’ailleurs une adversité, un combat à mener. On est rarement rassuré devant le combat…Et c’est là que nous entendons la réponse que Moïse fait au peuple face aux Egyptiens :
Dt 3.22 « N’ayez pas peur, car c’est le Seigneur votre Dieu qui combat pour vous ! »
En disant cela, Moïse diminue le motif de la peur. Si nous avons peur face au combat : pas de panique ! Nous ne sommes pas seul à combattre. La peur nait du constat que nos forces ne semblent pas suffisante en face de l’épreuve. Et Moïse dit : vos forces sont suffisantes, parce que ce ne sont pas les vôtres ! Mais celles de notre Dieu !
L’apôtre Pierre fait aussi une expérience de peur marquante. Et même tous les disciples avant lui :
Mt 14 : « En voyant Jésus marcher sur la mer, les disciples furent bouleversés. Ils dirent : « C’est un fantôme. » Pris de peur, ils se mirent à crier. Mais aussitôt Jésus leur parla : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez plus peur ! » Pierre prit alors la parole : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux. » Jésus lui dit : « Viens ! » Pierre descendit de la barque et marcha sur les eaux pour aller vers Jésus. Mais, voyant la force du vent, il eut peur et, comme il commençait à enfoncer, il cria : « Seigneur, sauve-moi ! » Aussitôt, Jésus étendit la main, le saisit et lui dit : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »
Il a la trouille le bon Pierre, il a peur de s’enfoncer, peur que ses forces ne suffisent pas. Et il a raison, personne d’entres nous n’a les ressources suffisantes pour marcher sur la mer. Et c’est le reproche que lui fait Jésus : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Pourquoi as-tu douté que je pouvais te partager ce que je possède en plénitude. Pourquoi doutons-nous que Dieu peut s’occuper de nos soucis, et même nous en délivrer.
C’est étonnant d’ailleurs, ce qui fait couler Pierre au final, ce n’est pas l’eau, mais son manque de foi. Pierre manque de se noyer parce qu’il ne fait pas confiance à Jésus. De même dans nos vies, nous croulons sous le fardeau quand nous refusons de le laisser pour celui du Christ. Celui qui marche sur l’eau et qui apaise la tempête, peut faire de même en mon âme et en mon cœur. Ce qui nous écrase, ce ne sont pas tellement les fardeaux de nos vies, mais notre manque de foi !
Mais attention, avoir foi en Dieu n’enlève pas l’épreuve. La foi permet de la traverser, cette épreuve ,et d’en sortir la tête haute (c’est mieux dans l’eau…). Moïse avertis le peuple encore une fois :
Ex 20.20 : Moïse répondit au peuple : « N’ayez pas peur. Dieu est venu pour vous mettre à l’épreuve, pour que vous soyez saisis de crainte en face de lui, et que vous ne péchiez pas. »
Dieu peut donc laisser une épreuve advenir, pour que la peur sentie, et vaincue, soit elle-même source de grâce. En passant au-dessus de notre peur, nous sommes fortifiés dans la foi, l’espérance et la charité.
Peur qui inhibe
Cette peur a une caractéristique qui la rend contraire à l’œuvre que Dieu veut faire en ce monde. Elle nous tétanise, nous paralyse, et inhibe toutes actions en nous. Quand on a peur, on tremble et on arrive plus à penser. Comme une biche qui traverse la route éclairée par les phares d’une voiture…
Nous avons une belle illustration de cela dans la fameuse parabole des talents en Mt 25. Souvenez-vous, un maître de maison part en voyage, distribue sa fortune à trois serviteurs. Le premier reçoit 5 talents, le deuxième 2 et le troisième 1, chacun selon ses capacités. A son retour le maître fait ses comptes. Les deux premiers ont doublés la mise, mais le troisième n’amène rien de plus que le talent reçu. En répondant :
Mt 25.25 J’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient.”
Cette peur l’a empêché de faire quoi que ce soit, même de le mettre à la banque, ce qui est pourtant une œuvre on ne peut plus simple pour faire fructifier de la monnaie…même pas cela, totalement tétanisé.
Un autre exemple, cette fois-ci c’est pour de vrai, ce n’est plus une parabole. Les femmes qui vont au tombeau le matin de la Résurrection. Elles voient les anges et …
Mc 16.8 : « Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. »
Ici, la peur empêche…le témoignage ! L’annonce de la résurrection fut retardée par la peur. Ca nous arrive pas un peu à nous aussi, de nous taire par peur ?...de ne pas annoncer le Dieu vivant par crainte de représailles.
J’en profite pour donner une rapide précision. Je viens d’utiliser le terme de « crainte ». Dans la Bible il a un sens précis, qui se distingue de « peur ». La crainte est une crainte référentielle, ou filiale, qui fait voir dans celui que l’on craint un être bon, qui nous veut du bien et que l’on respect pour cela. Craindre Dieu est le principe de la Sagesse (cf. Pr 1.7), rien à avoir avec la peur. C’est donc reconnaître que Dieu est Dieu et l’honorer pour cela.
Peur de Dieu lui-même et de son action
Mais justement, et c’est là qu’est le piège, de la crainte référentielle à la peur, il n’y a qu’un pas…Ce Dieu tout puissant, je peux avoir confiance en lui, ou, en écoutant le mauvais, avoir peur de lui. Rappelez-vous ce que répond ce bon vieux Adam dans le jardin, après avoir commis la faute, et que Dieu le cherche en lui demandant « où es-tu Adam ? »
Gn 3.10 Adam répondit : « J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché. »
Depuis quand l’Homme à peur de Dieu qui vit dans le jardin ? Et en plus parce qu’il est nu ? Adam a peur parce qu’il n’a plus confiance en Dieu. Le serpent a insinué cette sornette et suspicieuse hypothèse fallacieuse, que Dieu puisse lui vouloir du mal, le tromper et l’enfermer…
Gardons tout de même en tête, que Dieu n’est pas un veillard gaga…Dieu est vraiment tout puissant. Et il est Dieu ! Et donc face à son action, ce n’est pas non plus fou de ressentir un certain effroi sacré.
He 10.31 « Il est redoutable de tomber entre les mains du Dieu vivant ! »
Redoutable, et même terrifiant ! Qui n’a jamais ressenti cet effroi, n’a pas encore pénétré dans les parvis du Très Haut. Il est tendresse et pitié, et cette tendresse et tellement puissante que cela nous submerge. Et ne pas craindre cela, manque quelque peu de raison, ou c’est avoir réduit Dieu à une chose saisissable, ce qu’il n’est pas !
Et pour cela, une figure par excellence nous enseigne la bonne attitude à avoir. La Vierge bien sûr ! A l’annonce de sa maternité divine, la Vierge est « bouleversée » et que lui répond l’ange ?
Lc 1. 30 « L’ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. »
La traduction que je vous ai lu dit « crainte » et pourtant c’est bien le même verbe qui est employé en grec, que dans tous les passages que nous avons vu jusqu’à présent. L’ange dit bien à Marie de ne pas avoir « peur », et donc de ne pas être tétanisé, de laisser en elle se produire le mouvement de la grâce. Car c’est bien cela dont il s’agit, ne pas douter que Dieu nous veuille que du bien. Et partant de cela, même les épreuves les plus insurmontables ne le sont plus. Quitter la peur, c’est permettre à Dieu de nous conduire à la meilleure version possible de nous-même, celle que lui a en tête. C’est quitter tout ce qu’il y a d’étriquer, de petits, d’incertain, de mortel…Car en définitive, la plus encré de nos peurs, celle qui domine toutes les autres et qui viennent d’elle, c’est bien la peur de la mort…
C’est celui qui est sorti vivant et victorieux du tombeau, qui ce soir nous redit « n’ayez pas peur » !
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