Introduction
L’Église est sacrement du salut. Je vous propose aujourd’hui de simplement comprendre ce que cette phrase veut dire. Cette expression vient de la constitution dogmatique sur l’Église du Concile Vatican II, Lumen Gentium. Nous allons tout simplement suivre et expliquer ce que cela veut dire en suivant le début de ce texte fondamental du Concile.
Le but pour nous est de comprendre un peu mieux aujourd’hui ce qu’est l’Église. Et vous allez voir qu’elle est bien plus que ce que nous pensons. Elle est un mystère de notre foi. C’est-à-dire une réalité à contempler parce qu’elle est si profonde qu’on n’a jamais fini d’être illuminé par la lumière qu’elle dégage.
Le mystère de l’Église est intimement lié au mystère du Christ. Contempler l’Église, c’est entrer dans le mystère du Christ. Contempler l’épouse du Christ, c’est voir le Christ. L’Église nous est d’ailleurs justement donnée pour que nous puissions recevoir le Christ et lui être unis.
I. L’Église, sacrement du salut
A. Le signe
Ainsi donc, Lumen Gentium nous donne une définition de l’Église dès le premier numéro :
« L’Église [est], dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. » (LG1)
Sacrement ? Il nous faut ici expliquer rapidement ce qu’est un sacrement. Le mot sacrement veut dire « signe ». Un sacrement c’est tout simplement un signe. Lorsqu’un enfant est baptisé, il reçoit le signe de l’eau. L’Eucharistie, c’est le signe du pain et du vin. Mais évidemment, le signe ne suffit pas. Lorsque nous sommes baptisés, nous ne sommes pas simplement lavés dans de l’eau. Sinon, il suffirait de prendre un bain tout simplement et il ne servirait à rien d’aller à l’église. Si nous allons à l’église pour recevoir le baptême, c’est parce que nous voulons être lavés de nos péchés. C’est bien cela que nous venons chercher. Et c’est ce que nous recevons en étant baptisés. C’est-à-dire que l’eau qui coule est le signe que nous sommes lavés de nos péchés, mais qu’en plus, en recevant cette eau, nous sommes vraiment lavés de nos péchés. Bref, le sacrement c’est plus qu’un symbole. C’est un signe qui nous donne la grâce. L’eau me donne d’être lavé de mes péchés, de mourir avec le Christ et de ressusciter avec lui.
Église sacrement : Et bien, ce que nous dit le Concile, c’est que l’Église est un sacrement. Elle est à la fois le signe et la réalité qu’elle signifie. Une bague de fiançailles signifie l’amour du fiancé pour sa fiancée. Et bien l’Église c’est la bague de fiançailles que Dieu nous donne. Sauf qu’en plus de dire, de signifier l’amour de Dieu pour nous, c’est à travers elle, grâce à elle que Dieu nous aime et nous sauve. L’Église c’est une bague de fiançailles qui contient l’amour de l’époux pour son épouse.
B. La grâce de l’Église
L’Église est donc le moyen par lequel le Christ nous donne une grâce. Mais pas n’importe quelle grâce. Elle est le signe et le moyen de « l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain. »
C’est-à-dire que l’Église est le signe de l’union à Dieu et aussi ce par quoi nous pouvons entrer en union avec Dieu. Et l’Église est inséparablement le signe de l’union des hommes entre eux et ce par quoi les hommes sont unis.
Il me semble qu’il est important de découvrir ces deux aspects de l’Église. Certains rencontrent le Christ et veulent cette relation intime avec lui, mais sans découvrir encore qu’ils ont des frères en Christ avec qui être en communion par la charité. D’autres découvrent d’abord la communauté des croyants et s’y sentent bien, mais n’ont pas encore découvert cette union intime avec le Christ sauveur. Deux expériences très incomplètes de l’Église qui peuvent être un premier pas dans la découverte de notre foi mais qui ne peuvent pas s’arrêter là.
Le Christ et son Église sont indissociables ! Il n’y a qu’un seul sacrement du salut qui nous donne à la fois l’union avec Dieu et la communion avec nos frères. C’est le sacrement du salut. Le Christ nous sauve par son Église et jamais en dehors d’elle. Il nous donne de le découvrir en nos frères et de découvrir nos frères en lui.
C. Salut = la croix et la résurrection
Il faut dire ici un mot de l’origine de l’Église pour nous faire mieux comprendre cette grâce, ce cadeau de Dieu qui nous est donné. L’Église est née au moment de la croix, lorsque le centurion romain a ouvert le cœur du Christ avec sa lance et qu’il en est sorti du sang et de l’eau. Le centurion s’est alors exclamé : « Celui-ci vraiment était le Fils de Dieu. » L’amour de Dieu se déverse alors sur l’humanité et l’humanité est sauvée par le sang du Christ.
Le salut que nous apporte l’Église passe toujours par ce cœur transpercé du Christ. L’Église nous conduit à ce cœur par la mort du Christ pour qu’avec lui nous ressuscitions dans la gloire. L’Église est donc intimement liée à ce mystère de la croix et de la résurrection de Jésus. Elle en est le signe et la réalité. L’Église montre le crucifié, nous place devant le sang qui coule de son côté transpercé et nous donne ainsi le salut en reconnaissant dans la foi que vraiment cet homme défiguré est le Fils de Dieu.
II. Analogies de l’Église
Comment l’Église nous donne-t-elle donc cette grâce du Christ ? Comment fait-elle couler ce sang et cette eau afin que nous recevions le salut ?
Pour mieux comprendre, regardons trois analogies, trois images, qu’utilise saint Paul pour parler de l’Église. Par ces images, nous allons mieux comprendre ce qu’est l’Église, sa nature et par là comme elle agit en nous. L’Église est le Corps du Christ. Elle est aussi le Peuple de Dieu. Et enfin, elle est le Temple de l’Esprit Saint.
A. Corps
Nous connaissons bien cette image de l’Église comme « Corps du Christ » qui nous est familière. C’est très simple : Le Christ est la tête et nous sommes son corps. C’est très simple, mais cela a beaucoup d’implications. J’en retiens simplement les plus importantes.
Signe et réalité de la présence divine en nous.
Attaché : Tout comme on ne peut pas séparer la tête du corps, ainsi, le Christ et son Église sont inséparables. Si on sépare le corps, l’Église, de la tête, le Christ, c’est la mort ! C’est ainsi que l’Église est le signe et la réalité de la présence divine en nous. Par le corps que nous formons, nous sommes attachés à la tête, c’est-à-dire au Christ. Là où est le corps, là aussi est la tête et inversement, là où est la tête, est aussi le corps.
Visible : De la même manière que le Corps de Jésus de Nazareth a permis de voir le Fils de Dieu, ainsi aussi, son Corps qui est l’Église permet aujourd’hui de le voir et de lui être unis. C’est par l’Église que nous avons accès au Christ.
Sainteté : Le corps que nous voyons est bien imparfait, mais puisqu’il est rattaché à la tête qui est le Christ, il devient saint. L’Église reçoit du Christ sa sainteté. L’Église est donc sainte, puisqu’elle est attachée à sa tête qui est le Christ. L’Église est sainte dans la mesure où elle est attachée au Christ. Tout ce qui dans l’Église est attaché au Christ Jésus est saint. Et tout ce qui n’est pas attaché au Christ Jésus ne reçoit pas de lui la sainteté et au fond, ne fait pas partie de son Corps puisque c’est détaché de lui.
Signe et réalité de l’unité
Au fond, c’est l’Église qui nous réunit parce que nous sommes attachés au Christ. On ne fait pas partie de l’Église comme on appartient à un groupe ou à une famille. On fait partie de l’Église parce qu’on appartient à une personne dont nous sommes le corps. Nous appartenons au Christ et nous formons son Corps. Et c’est parce que nous sommes son Corps que nous sommes unis. C’est pourquoi on peut dire de l’Église qu’elle est le signe de l’unité mais également qu’elle est la réalité de cette unité des chrétiens. L’Église nous donne à voir l’unité mais c’est aussi elle qui réalise cette unité entre les hommes. Cette unité est d’une force incroyable : la force du Christ Jésus lui-même. Il n’y a pas d’autre unité aussi forte que celle-là. Et cette unité dépend de l’attachement au Christ qui est la tête.
Croissance
Tout corps grandit. Et l’Église, Corps du Christ, n’échappe pas à cette règle. Elle grandit dans le monde en s’agrégeant de nouveaux membres. Elle donne à voir le Règne de Dieu qui progresse dans le cœur des croyants. « L’Église qui est le règne de Dieu déjà mystérieusement présent, opère dans le monde, par la vertu de Dieu, sa croissance visible. » (LG3) dit le concile.
B. Peuple de Dieu
Saint Paul parle aussi de l’Église comme le peuple de Dieu. « L’Église universelle apparaît comme un peuple qui tire son unité de l’unité du Père, du Fils et de l’Esprit. » (LG4) dit le concile. Vous commencer à comprendre le principe. L’Église comme peuple de Dieu nous donne à voir une réalité et nous donne cette réalité en même temps. Bref, elle est sacrement !
Signe et réalité du retour à Dieu
Lorsque l’homme est tombé et a été chassé du paradis, il est livré à lui-même et s’instaure ainsi une désunion. D’abord entre Adam et Eve, puis dans leur progéniture avec Caïn qui tue Abel. Dans l’histoire du salut, Dieu se fait un peuple, avec Abraham pour reformer l’unité du genre humain. L’unité de ce peuple n’est pas encore parfaite. C’est dans le Christ qu’elle est accomplie par un retour à Dieu le Père. L’Église est alors le signe de ce peuple nouveau qui est peuple de Dieu et qui retourne à Dieu. C’est dans l’Église que nous pouvons retourner à Dieu pour de vrai. L’Église est donc le signe d’un peuple tourné vers le Seigneur et ce signe nous permet de nous tourner effectivement vers lui.
Signe et réalité du choix de Dieu
Ce peuple nouveau est aussi le signe et la réalité du choix de Dieu. Dieu s’est choisi un peuple nouveau et nous en faisons partie. Il nous a choisi librement, gratuitement pour que nous traversions les eaux de la mer rouge, de la Passion de son Fils, et que nous soyons sauvés. L’Église nous fait entrer dans ce peuple choisi et aimé par Dieu. Comme le dit saint Pierre : « Nous sommes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu s’est acquis, ceux qui autrefois n’étaient pas un peuple étant maintenant le Peuple de Dieu. » (1P 2, 9-10)
Signe et réalité de l’unité salutaire
Comme pour le Corps, le peuple est signe d’une unité. Appartenir au peuple de Dieu, c’est faire parti d’un tout unit dont l’unité dépend du choix de Dieu qui nous appelle. L’Église nous permet de voir ce rassemblement de personnes venues de partout qui forment un seul peuple. Elle nous permet d’être un seul peuple parce qu’elle nous appelle, elle nous convoque à cette unité à la recherche du Royaume de Dieu. Elle est signe et réalité de l’unité salutaire du peuple de Dieu.
C. Temple du Saint-Esprit
L’Église est aussi le Temple du Saint Esprit. L’Esprit Saint est le don de Dieu qui est donné à son Église. L’Esprit est présent dans la tête, le Christ, aussi bien que dans les membres, c’est-à-dire nous. Il est « tout entier dans la tête, tout entier dans le Corps, tout entier dans chacun de ses membres. » C’est ainsi lui qui est le principe de l’unité profonde de l’Église. Des membres entre eux, de chaque membre avec le Christ et de l’ensemble des membres du corps avec le Christ.
L’Église, comprise ainsi, comme le peuple de Dieu et le Corps mystique du Christ est donc le lieu où réside l’Esprit Saint. C’est là qu’il habite.
Cette présence de l’Esprit Saint dans l’Église est d’une puissance incroyable. C’est lui qui donne à ce peuple, à ce corps d’être réellement efficace. Le rassemblement des humains en un seul peuple est le signe de l’unité voulue par Dieu et perdue par le péché. La présence de l’Esprit Saint rend cette unité possible. Le signe peut désormais devenir efficace. Et c’est ainsi que nous avons un sacrement, c’est-à-dire un signe qui donne une grâce. L’Esprit est pour l’Église « le Principe de toute action vitale et vraiment salutaire en chacune des diverses parties du Corps. » (CEC 798)
Sous l’action de l’Esprit Saint, l’Église devient le signe qui donne la grâce du salut. Elle le fait de plusieurs manières que liste le CEC (798)
- Par la Parole de Dieu qui a la puissance de construire l’édifice (Ac 20, 32)
- Par le baptême par lequel il forme les membres du Christ.
- Par la grâce accordée aux apôtres.
- Par les vertus qui font agir selon le bien.
- Par les charismes.
III. Extension
Ce sacrement, signe et réalité est appelé à se dilater. Le peuple de Dieu, « uni et unique, est destiné à se dilater aux dimensions de l’univers entier et à toute la suite des siècles pour que s’accomplisse ce que s’est proposé la volonté de Dieu créant à l’origine la nature humaine dans l’unité, et décidant de rassembler enfin dans l’unité ses fils dispersés. » (LG13)
A. Mission
C’est dans la nature même de l’Église que de se disperser de par le monde entier pour y apporter le message du Christ. Parce que l’Église est l’Église du Christ et que Dieu veut sauver tous les hommes par sa Parole qui est le Christ Jésus. Ainsi l’Église veut dire à tous les hommes que le Christ est l’unique sauveur.
L’Église est donc universelle. On peut dire « catholique ». Elle s’adresse à tous parce que le message de salut du Christ, la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu pour nous, s’adresse à tous.
B. Récapitulation
Mais l’Église ne fait pas que s’adresser à tous. Elle veut aussi récapituler tout. Par une grâce qui lui vient du Christ, « L’Église catholique, efficacement et perpétuellement, tend à récapituler l’humanité entière avec tout ce qu’elle comporte de bien sous le Christ chef, dans l’unité de son Esprit. » (LG13)
C’est-à-dire qu’il y a dans ce monde une multitude de belles choses, de bonnes choses. Il y a des hommes qui font le bien même s’ils ne connaissent pas encore le Christ. Il y a des vérités qui sont connues par les hommes. Et bien, tout ce bien, toutes ces vérités appartiennent au Christ qui est le chemin la vérité et la vie. Et puisque tout cela appartient au Christ, ça appartient aussi à son Église qui cherche à récapituler tout cela.
Non pas que l’Église veuille s’approprier ce qui ne lui appartient pas pour en tirer sa gloire. Au contraire, elle veut montrer d’où vient tout ce bien. Elle veut montrer la source de tout bien et de toute vérité.
Corps : L’Église comme Corps du Christ veut assimiler en elle-même tout ce qui est bon chez les hommes. Elle grandit de cette assimilation de tout ce qui dans le monde est bon et vrai et donc appartient au Christ.
Peuple : L’Église comme Peuple de Dieu veut inviter tous les hommes à venir à elle pour faire partie de cette grande fraternité de ceux qui reconnaissent qu’ils ont Dieu pour Père. Elle veut rassembler en elle tous ses enfants dispersés pour qu’ils ne fassent qu’un seul peuple. « à cette unité catholique du Peuple de Dieu […] tous les hommes sont appelés, […] tous les hommes sans exception que la grâce de Dieu appelle au salut. » (LG13)
Conclusion
Voilà en quelques mots rapides ce qu’est l’Église. Le sacrement du salut. C’est-à-dire le signe visible qui nous donne la grâce invisible de l’amour de Dieu et de l’unité de tout le genre humain.
« Ainsi, l’Église unit prière et travail pour que le monde entier dans tout son être soit transformé en Peuple de Dieu, en Corps du Seigneur et temple du Saint-Esprit, et que soient rendus dans le Christ, chef de tous, au créateur et Père de l’univers, tout honneur et toute gloire. » (LG 17)
Les prochaines conférences de carême vont nous permettre d’aller plus loin dans la contemplation de ce mystère. Maintenant que nous savons ce qu’est l’Église, nous pouvons aller comprendre son histoire qui n’est pas toujours simple. C’est l’histoire d’une Église sainte telle que nous l’avons décrite, mais qui accueille en son sein des pécheurs, les pécheurs que nous sommes. Je laisse au fr. Vincent le soin de vous parler de cela la semaine prochaine.
Liens utiles