Le mode de présence de Jésus est quelque chose d’extraordinaire en même temps qu’il est étonnant et bouleversant. Nous ne sommes pas habitués à entrer en relation de cette manière-là.

Habituellement, lorsque nous rencontrons quelqu’un, nous sommes d’abord en contact avec son aspect extérieur, avec son corps. Puis nous découvrons (si nous avons la maturité suffisante !) la beauté intérieure de la personne. Normalement, plus nous passons de temps avec la personne et plus nous découvrons son immensité et sa profondeur. Bref, nous apprenons à connaître à travers l’expérience concrète de la présence physique. Avec le Christ, il semble que ce soit différent.

Les disciples d’Emmaüs ont fait l’expérience du Christ mais sans se rendre compte que c’était lui. Ils ont marché de Jérusalem à Emmaüs. Ils quittaient la ville sainte pour rentrer chez eux après l’échec de la Passion de Jésus. Le maître est mort, tout est fini, rentrons chez nous. Et au fur et à mesure qu’ils marchent Jésus leur ouvre le cœur à l’intelligence des Écritures.

La relecture des Écritures à la lumière des évènements des derniers jours et à la lumière de la présence discrète du Christ les bouleverse. Tellement que lorsque le Seigneur fait mine d’aller plus loin ils lui demandent de rester avec eux : « Reste avec nous car déjà le jour baisse. » Ce n’est qu’une fois qu’ils ont reconnu le maître que les disciples se rendent compte de ce qui vient de se passer dans leur cœur. Ils ne savaient pas, mais c’était Jésus qui marchait avec eux sur le chemin d’Emmaüs.

C’est la première expérience des disciples. L’expérience que le Christ les éclaire dans les Écritures et leur parle. C’est l’expérience que nous pouvons faire également lorsque nous lisons jour après jour les évangiles et la Bible. Au premier abord, nous ne nous rendons pas compte que Dieu nous parle à travers les mots que nous lisons et que nous méditons. Mais au fur et à mesure nous devenons accrocs à la Parole de Dieu et notre cœur se consume à l’idée de prendre le temps d’écouter ce que Dieu veut nous dire. Jésus rend notre cœur tout brûlant et capable de le reconnaître dans le quotidien de nos vies. Mais, si nous ignorons les Écritures, comme le dit saint Jérôme, nous ignorons le Christ.

La deuxième expérience des disciples est celle de l’évangile d’aujourd’hui. Les apôtres sont réunis dans l’attente. Un peu perdus par les évènements des jours derniers : la Passion et ce que les femmes leur ont dit, que Jésus est vivant. Et voilà que débarquent les deux disciples d’Emmaüs, eux qui ont relu les Écritures à la lumière du Christ. Les deux compères se mettent alors à partager avec tous l’expérience qu’ils ont faite sur le chemin. Et voilà que, « comme ils en parlaient encore, Jésus lui-même fut présent au milieu d’eux. »


Et voilà une autre manière de rencontrer le Christ : le partage. Le témoignage de l’expérience que nous faisons. Si vous préférez, en langage tradi : vita ecclesiae, la vie ecclésiale. C’est l’expérience que des jeunes hommes comme vous font lorsqu’ils prennent la route et qu’ils acceptent de partager simplement leur expérience de vie spirituelle. Là aussi, on n’a absolument pas l’impression que le Christ et présent. Mais lorsque nous regardons en arrière, là aussi nous nous rendons compte que notre cœur était tout brûlant alors que nous partagions des choses toutes simples.

Il nous reste à chacune de ces expérience un goût de paix profonde. Les disciples qui sont terrorisés à l’apparition physique de Jésus reçoivent pourtant de lui la paix. « La paix soit avec vous. » dit Jésus au moment de son dévoilement. Et les disciples reçoivent la paix qu’il donne.

Non pas la paix comme le monde la donne. Le Christ ne vient pas éclairer comme le monde qui donne des solutions toutes faites. Le Christ ne vient pas donner la paix dans un éclatement du cœur. Le Christ se rend présent en nous de manière discrète, sans que nous nous rendions compte de sa présence. Et pourtant, il est bien présent dans sa Parole, dans ses sacrements et dans la vie fraternelle.

Nous ne sommes pas attirés par les Écritures comme nous sommes attirés par la dernière série Netflix. Nous ne sommes pas attirés par un week-end routier comme nous sommes attirés par une soirée rallye (ou autre). Et pourtant le goût qu’il reste n’est pas le même. Dans un cas nous sommes vidés de toute vie intérieure, dans l’autre cas nous découvrons le Christ et nous vivons de sa vie. Notre cœur est alors tout brûlant de l’amour de Dieu et nous voulons communiquer cet amour avec le monde entier.