Ce soir, pendant que beaucoup font la fête, ou même dorment déjà repus par un festin de Noël peut-être un peu trop gourmand et bien arrosé ; d’autres se rassemblent tard dans la nuit pour chanter la gloire de Dieu.
Ce soir, pendant que le monde est embourbé dans la guerre et la peur d’un lendemain sans espérance ; pendant que chacun cherche à faire taire l’angoisse de jours moroses et sans liberté ; d’autres se mettent humblement à genoux devant la crèche et méditent en silence la naissance d’un petit enfant.
Ce soir, pendant que dort un monde qui cherche à oublier qu’il n’a pas d’espérance, nous restons éveillés, portés que nous sommes par l’espérance inouïe que nous donne l’enfant emmailloté dans une mangeoire.
Sommes-nous donc fous ? Sommes-nous donc inconscients de l’état du monde et des situations dramatiques que vivent nos contemporains ? Le décalage entre ce que nous fêtons et ce que le monde vit est immense. Le décalage entre la manière de vivre du monde et la manière de vivre du chrétien ne doit avoir aucune limite. Le monde s’effondre et nous méditons la naissance, et nous sommes remplis de la paix de Noël.
Ou peut-être que nous cherchons nous aussi à oublier nos difficultés d’une manière différente ? Fêtons-nous Noël de la même manière que le font les païens qui n’ont pas d’espérance ? Certainement pas. Nous venons chercher à Bethléem bien plus que ce que le monde peut nous donner, bien plus que l’oubli d’une réalité trop dure à vivre.
On peut se sentir décalé par rapport à la manière de vivre du monde. On peut se sentir hors de ce monde. Mais au fond, c’est tout le contraire qui se passe. Le chrétien qui fête Noël ne fuit pas la dure réalité du monde comme c’est le cas de ceux qui ont fait de Noël une simple fête redevenue païenne.
Lorsque nous fêtons Noël, nous fêtons la naissance du Fils de Dieu venu dans notre chair. Emmanuel, Dieu avec nous. Le Verbe se fait chair. Dieu se fait homme. Et si le fils de Dieu se fait homme, c’est justement parce que nous sommes faibles et pour venir en aide à notre faiblesse. S’il vient dans le monde, c’est justement parce que le monde en a tant besoin. Dieu ne fuit pas le monde, bien au contraire, il vient l’habiter de sa présence. Voilà ce que nous fêtons. Voilà ce que nous voulons vivre ce soir avec le petit enfant de la crèche. Non pas une désincarnation d’un monde qu’on fuirait, mais l’incarnation. C’est-à-dire la descente au beau milieu de tout ce qui fait notre vie ici-bas.
Le Fils de Dieu plonge dans la réalité de notre monde. Il plonge tellement qu’il épouse cette réalité humaine qui est la nôtre en devenant lui aussi un homme. Dieu se fait homme pour emplir notre humanité de sa divinité. Il se fait homme pour introduire dans ce monde la lumière qui nous manque tant.
Ainsi, lorsque nous fêtons Noël, nous ne nous échappons pas du monde pour reprendre un peu notre souffle. Nous ne cherchons pas à créer artificiellement un peu de lumière pour nous rassurer en oubliant pendant quelques jours ce que nous avons à vivre. Bien au contraire, nous entrons dans ce monde avec le Fils de Dieu pour l’habiter de tout notre être.
Nous sommes appelés à nous incarner avec le Christ dans ce monde. Non pas évidement pour vivre comme le monde le propose, mais pour être dans ce monde des témoins de l’espérance qui est la nôtre : ce monde est désormais habité par Dieu.
Le Fils de Dieu se fait homme. Il habite le monde de toute sa présence. Ce monde si pauvre devient d’une richesse incalculable parce qu’il contient désormais le Fils de Dieu. Le monde devient riche. Mon propre cœur devient riche. De vide qu’il était, il se remplit d’espérance. De pauvre qu’il était, il devient riche parce que Dieu vient l’habiter de sa richesse.
Nous entrons dans la crèche et nous découvrons le Christ. Nous entrons en nous-même et découvrons que le fils de Dieu y habite. Nous regardons le monde et découvrons qu’il est rempli d’une espérance nouvelle : il contient le Fils de Dieu, l’Emmanuel, Dieu avec nous.
Notre présence ici ce soir, notre prière n’est donc pas la fuite d’un monde pauvre et misérable par l’illusion d’une fête qui nous ferait oublier momentanément notre pauvreté. Bien au contraire, c’est la découverte du Fils de Dieu qui se fait homme et qui vient habiter notre pauvreté. Nous acceptons de vivre cette pauvreté du monde comme le Fils de Dieu l’a fait, et nous sommes ainsi comblé de sa présence. Nous devenons alors pour le monde, porteurs d’une espérance nouvelle : celle de la présence de Dieu dans notre pauvreté.
La voilà la lumière de Noël, si différente des lumières artificielles qui n’éclairent que si peu et si peu longtemps.
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