Cette année, la saison des baleines a été exceptionnelle ! Il suffisait de s’approcher un tant soit peu du rivage pour apercevoir le jet si caractéristique de leur respiration et de voir apparaître ici et là leur dos qui remonte à la surface.
Mais malgré cela, ce n’est pas si facile d’observer les baleines. Il arrive régulièrement qu’on confonde l’écume d’une vague d’avec celle de la baleine. Et puis lorsque la baleine repérée plonge, on ne sait jamais si elle va réapparaitre quelques secondes plus tard ou se cacher au fond de l’océan pour des dizaines de minutes. On ne sait pas si la baleine remontera au même endroit ou beaucoup plus à droite ou encore à gauche.
Si le comportement de la baleine est imprévisible, « les décisions du Seigneur sont insondables, ses chemins impénétrables. » Qui peut connaître les pensées du Seigneur ? Il répond un jour à notre prière et ne le fait pas le lendemain. Un jour ma prière me remplit de joie et le lendemain je reste sec et ne ressent rien de son amour pour moi. Le Seigneur disparaît tout d’un coup pour ne réapparaitre que plus tard là où je ne l’attendais pas. Les experts en baleine peuvent prédire, mais qui peut prédire là où la grâce de Dieu agit et comment elle agira ?
La baleine ne se préoccupe pas vraiment de ceux qui l’observent sur le rivage. Le Seigneur lui au contraire se laisse voir par ceux qui veulent le voir. Tout comme la baleine, il ne nous doit rien mais il veut que nous puissions le voir. Il nous aime et se laisse découvrir. Mais pour cela il faut que nous nous mettions à observer. Si on veut voir la baleine, il faut regarder longtemps vers la mer. Et il ne faut pas être en train de faire autre chose, sans quoi elle fera son saut juste au moment où on est distrait. Si on veut voir le Seigneur et découvrir ses chemins impénétrables il nous faut regarder vers lui et attendre le moment où il intervient. Il faut de la patience et de l’humilité parce qu’on ne maîtrise pas ses apparitions dans notre vie.
L’amour de Dieu est gratuit et donné gratuitement. Et c’est cela que Jésus révèle à ses disciples lorsqu’il leur pose la question : « Pour vous qui suis-je ? » Pour les uns il est Jean-Baptiste, ce prophète qui appelle à la conversion. Pour d’autres, il est Elie le prophète puissant face aux idoles. Pour d’autres encore, il est Jérémie, le prophète solitaire. C’est-à-dire, quelqu’un qu’on connaît déjà, qu’on a déjà vu.
C’est Pierre qui donne la vraie réponse de qui est Jésus : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Tu es le Christ, c’est-à-dire celui qui a reçu l’onction, celui sur qui est descendu tout l’amour de Dieu. Tu n’es pas un christ comme les autres qui sont venus avant toi, mais tu es le Fils de Dieu. C’est-à-dire que c’est toi le bien aimé en qui Dieu a mis tout son amour. Jésus est alors découvert par Pierre comme étant celui qui descend du ciel. Il a capté ce moment comme une pure grâce. Grâce qui est celle du Christ, mais grâce qui lui est donné de découvrir parce qu’attentif à l’Esprit d’amour, il a su voir ce qui était caché aux sages et aux savants.
Bref, Pierre a vu une baleine parce qu’il a été attentif à ce moment de grâce qui lui était donné, mais aussi parce que le Christ s’est révélé à lui pour qui il est : « Le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Pierre a compris cette réalité fondamentale de l’amour gratuit de Dieu qui se donne à nous par le Christ Jésus. Grâce gratuite de l’amour de Dieu qui se donne à nous et qui nous permet de toucher du doigt cette présence de Dieu qui nous sauve.
C’est sur cette grâce gratuite qu’est alors fondée l’Église. Non pas sur des certitudes humaines ni même sur une expérience et une certaine efficacité. Non l’Église se fonde sur la présence de Dieu qui agit et se révèle quand il le veut et où il le veut. « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle. » L’Église est fondée sur l’intervention purement imprévisible de Dieu et sur l’écoute de l’homme à cette présence insondable. Oh que cela semble fragile ! Dieu agit, on ne sait pas quand et l’homme risque de rater son intervention comme on rate le saut de la baleine !
Et là est tout le mystère de l’Église : force et fragilité. Fragilité extrême du côté de l’homme qui ne sait pas et qui attend l’intervention divine. Force extraordinaire de la puissance de l’amour de Dieu, de cet amour qui est fort comme la mort. (Ct 8,10)
Je vous propose donc d’observer les baleines. D’observer l’intervention inattendue de l’amour de Dieu dans votre vie : la présence du Christ. Présence discrète et parfois invisible mais bien réelle. Scrutez les Écritures pour savoir qui est Jésus. Scrutez votre cœur pour y découvrir sa présence cachée. Ne vous laissez pas distraire par le monde qui nous fait regarder ailleurs et rater les interventions du Christ sauveur.
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