La chair et l’Esprit
Mercredi de la maturité spirituelle – Assemblée des Flambeaux – Juin 2023
Dis-moi, mon cœur, que veux-tu vraiment ? Quel est ton souhait le plus enfoui, le plus secret, le plus grand ? Vers quoi te languis-tu ? Avons-nous déjà eu ce dialogue avec nous-même ? Au fond, qu’est-ce que je désire le plus au monde ? Cette question est fondamentale, puisque ce que je désire, c’est ce que je vise, ce que je cherche à atteindre, et donc va guider l’ensemble de mes choix. Vers où vais-je ? Ou sa mi sa va ? Ne suis-je qu’un coco qui flotte à la surface d’un vaste océan, dérivant au grès des vagues ? Ou un beau voilier qui file droit vers les rives éternelles ?
Si je pose la question : « quel est votre plus grand désir ? » à la foule qui êtes, rassemblé pour un temps de prière, là tout de suite, vous allez me faire une réponse de deuxième année de catéchisme. Qu’est-ce que vous voulez ? Jésus ! Et promis, je vous croirai sur parole. Et pourtant…je ne suis pas certain que toute votre vie, tous vos choix et vos actes, disent clairement la même chose, sinon vous seriez des saints, déjà dans la gloire même ! Alors même si les Flambeaux est une assemblée magnifique formé d’hommes et de femmes de grandes qualités, désolé de cette nouvelle, mais ce n’est pas encore la Gloire éternelle, mais patience, ça va venir ! Si donc toute notre vie ne dit pas clairement que notre désir le plus profond c’est Jésus, c’est qu’en réalité, il se joue en nous un combat, une lutte acharnée entre plusieurs camps. Nous sommes tiraillés dans des directions opposées. Un peu comme à l’ouverture des soldes deux hystériques se disputent un même jeans, en le tirant chacune dans son sens. Le jean, c’est nous…
Et Saint Paul nous enseigne que les deux camps sont la chair et l’Esprit : « En effet, ceux qui se conforment à la chair tendent vers ce qui est charnel ; ceux qui se conforment à l’Esprit tendent vers ce qui est spirituel » (Rm 8.5) Pour bien comprendre ce verset, il me semble qu’il est bon de clarifier ce que l’apôtre appel « Esprit » et « chair ».
Commençons par le premier mentionné, « l’Esprit ». Il en reparle plus loin en disant : « l’Esprit de Dieu habite en vous. » et il précise ensuite « si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous » Il fait bien référence à Dieu, surement et plus précisément à la troisième Personne de la Trinité. Cette Personne qui est probablement pour nous, la plus difficile à appréhender. Le Christ, le Fils, c’est fait homme, donc nous avons un point de contact avec lui par notre nature humaine commune. Le Père, nous pouvons en avoir une représentation, par le biais de la paternité terrestre. Mais l’Esprit, nous n’avons pas beaucoup d’accroche, si ce n’est notre esprit à nous. Mais sommes-nous très familiers de notre esprit ? Avons-nous déjà vraiment pris la mesure de ce que cela signifie pour nous d’avoir un esprit ? Il y a bien une partie de notre vie qui ne dépend pas de la matière.
Et justement, le deuxième terme de S. Paul, c’est la « chair ». Le sens premier de ce terme, c’est bien la viande, ce qui n’est pas de l’os dans un corps. Quand S. Jean dit dans son prologue que le « Verbe s’est fait chair », ou quand Jésus dit dans ce même évangile « Celui qui mange ma chair et bois mon sang », c’est bien dans l’idée d’une chair physique, palpable, vivante et irrigué de sang. Une belle pièce sur l’étalage du boucher. Or, ce n’est pas exactement dans ce sens que l’emploi S. Paul…C’est pourtant le même mot ! S. Paul distingue le « corps » et la « chair ». Il ne s’agit pas de diaboliser le corps justement. Les disciples ont vu le corps humain magnifié dans la gloire de la résurrection de Jésus. Nos corps ne sont pas des œuvres du mauvais. Mais ce que Paul appel « la chair » c’est tout ce qui s’oppose à Dieu, tout ce qui choisit la création mais sans le créateur. C’est la vie terrestre, mais sans Dieu. « Je l'affirme, frères : la chair et le sang ne peuvent hériter du Royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l'incorruptibilité. » (I Co 15.50). Cette « chair », c’est cette partie de nous qui ne connaitra pas la gloire, qui sera détruite avec le monde. Ce qui fait écho à une parole de Jésus dans l’évangile selon S. Jean (qui pour le coup, cette fois, emploi le mot « chair » dans le même sens que Paul et non comme dans son prologue) : « C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie. » (Jn 6.63). Or cette « chair » selon S. Paul ce n’est d’ailleurs pas que de la viande. Souvent ce mot évoque de suite pour nous une expression : le « péché de chair », et ce n’est pas d’un excès de boucané ou de civet de coq dont on parle… Mais en réalité, Paul pense à plus que seulement cela. Ecoutez plutôt : « On sait bien à quelles actions mène la chair : inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haines, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, divisions, sectarisme, envie, beuveries, orgies et autres choses du même genre. Je vous préviens, comme je l’ai déjà fait : ceux qui commettent de telles actions ne recevront pas en héritage le royaume de Dieu. » (Ga 5.19-21). Vous noterez que l’idolâtrie, la sorcellerie, la haine, la rivalité, la jalousie, les emportements, les intrigues, les divisions, le sectarisme,…n’ont pas grand-chose à voir avec notre corps, et pourtant c’est la « chair » qui y conduit. C’est donc bien cette part de nous-même qui nous tire et nous plaque au sol pour nous empêcher de nous élever vers le ciel, qui pourtant, lui, ne lâche pas le morceau et continu de nous attirer vers les hauteurs (pour reprendre l’image parlante du premier jour des soldes…).
Le lien entre l’Esprit et la chair, c’est que l’Esprit donne sens à la chair. Il lui donne son but, son vrai but, il répond à son désir le plus profond, et lui donne toute sa signification. Autrement dit, l’Esprit fait en sorte que la chair devienne corps, et ce corps, lui, participe à l’héritage éternel, ce corps animé par l’Esprit est fait pour la gloire. Vivre dans l’Esprit, ce n’est pas faire montre de charismes extraordinaires, de paroles révélées ou de guérisons, ça c’est pour certains au service de tous. Vivre dans l’Esprit, c’est agir avec charité en chacun de ces actes. C’est suivre les inspirations aux biens, au juste, au beau et au vrai que suscite en nous l’Esprit créateur, de bonté et de vérité.
« Car la tendance de la chair est ennemie de Dieu, elle ne se soumet pas à la loi de Dieu, elle n’en est même pas capable. » (Rm 8. 7). Et cette tendance est bien en nous. Si nous ne l’avons pas remarqué, il est grand temps de s’y pencher dessus, sans quoi nous ferons du sur place dans notre vie spirituelle ! Il faut bien identifier son ennemi, sinon on ne peut le vaincre. Si vous ne vous sentez pas concernez par cette « tendance de la chair » c’est que vous ne l’êtes pas plus par celle de l’Esprit. Parce que nous appartenons aussi à ce monde, bien qu’en ayant été sauvé, nous sommes marqués par lui, c’est ce que S. Paul dit ensuite : « Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, reste marqué par la mort à cause du péché »
Mais nous vivons aussi par, dans et de l’Esprit. Mais qu’est-ce à dire ? Maintenant que nous avons un peu mieux distinguer les éléments et que nous nous sentons bien tous concerné.
Nous avons en nous l’Esprit : « Or, vous, vous n’êtes pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous. Celui qui n’a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. » (Rm 8.9). S. Paul en parle comme d’une évidence. On va peut-être revenir un peu sur cette évidence. Il y aurait donc en moi, quelqu’un d’autre que moi ? Puisque l’Esprit est en moi, je ne suis pas seul en moi-même ? Et bien oui ! Je ne suis pas seul en moi-même ! Mais comment est-ce possible ? Parce qu’un esprit n’est pas limité par un corps. La matérialité de notre corps crée une distance entre nous. Nous pouvons en revanche nous comprendre. Et en nous comprenant, nous unissons nos esprits. Un peu de l’esprit de l’un va dans celui de l’autre. Si vous me suivez depuis tout à l’heure, il y a donc un peu de mon esprit dans le vôtre ! Dieu est capable d’encore plus que cela. Il est capable d’être partout et d’agir en même temps partout ! Il peut être présent à chacun de nous en ce moment même, de avec la même intensité. Et pour que nous puissions répondre à cette présence, il nous faut à notre tour penser à lui. C’est comme cela que l’on rend un esprit présent, c’est en pensant à lui. Cela s’appelle la « prière »…Ce n’est rien de moins que de penser à Dieu, prier. C’est une présence à une présence. Encore plus d’ailleurs lorsque vous êtes face au saint sacrement, il s’agit d’être le plus présent possible à celui qui s’est rendu présent sur l’autel. Je l’ai d’ailleurs résumé dans une petite formule, l’adoration eucharistique c’est une « réelle présence à la présence réelle. »
Mais je vous propose que nous fassions ensemble une expérience de la présence simultanée de l’Esprit en nous. « Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! » (Rm 8.15). Alors si c’est par l’Esprit et lui seul que l’on peut appeler Dieu « Père », c’est donc qu’en le faisant, l’Esprit est présent en nous. Et s’il est présent en chacun de ceux qui le disent, alors il unit tous ceux qui pense à lui en disant cela. Dans ce cas, nous allons fermer les yeux, et intérieurement, pour que cela soit vraiment d’un esprit à un esprit, nous allons, dans le silence de notre coeur, dire « abba- père » et ainsi faire cette expérience d’être uni à l’Esprit et à tous ceux qui nous entoure.
Il était bien là, et parce que nous avons pensé à lui, l’Esprit à agis. Il agit aussi sans que nous lui demandions, mais il le fait toujours quand on l’invoque.
« C’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. » (Rm 8.16) Nous sommes des héritiers, et nous devons vivre selon notre filiation. Nous ne sommes pas sous l’emprise du péché. Cela ne signifie pas que nous ne commentons pas de péché, mais que la grâce de Dieu nous donne la force de ne pas rester enchainé au péché. C’est cela aussi vivre de l’Esprit, c’est acquérir une vraie liberté, par rapport à son péché. Seulement, nous sommes parfois enchaînés sans le savoir. Parce que la plupart de nos péchés ne nous font pas mal. C’est toute la stratégie de l’ennemi. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Nos péchés nous procurent un plaisir, et c’est lui que l’on cherche d’ailleurs, sans même voir le péché. Alors ce soir, parce que nous ne voulons pas nous laisser emporter par ce qui nous colle à la terre, nous allons demander que l’Esprit qui fait de nous des enfants de Dieu et non des esclaves du mauvais, que cet Esprit nous révèle une, au moins une, de nos chaînes. Un de ces péchés très régulier, peut-être pas grave, mais récurent, et qui en fait est un frein à un réel déploiement de la grâce dans ma vie. Je le cherche, soutenu par l’Esprit, et je prends la décision de m’en libérer. C’est peut-être une dépendance à quelque chose, une fréquentation, une habitude…Quelques chose, ou quelqu’un qui me retient injustement. Nous allons prier ensemble pour cela. Nous allons prier chacun pour nous même et pour tous les membres de cette assemblée. Maintenant que nous avons fait l’expérience que c’est le même Esprit qui nous uni, nous allons lui demander qu’il agisse en même temps en nous tous.
Renouvelle tes enfants Seigneur !
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