Réjouis-toi Marie, réjouis-toi Église, comblée de grâce.
A la veille de Noël, la liturgie nous introduit dans le mystère du commencement de notre Salut : l’Annonciation. Appelée par les Pères de l’Église la fête de la racine, l’Annonciation de l’archange Gabriel à Marie révèle « le mystère gardé depuis toujours dans le silence » (Rm 16, 25). Mystère de l’amour de Dieu qui n’apprécie pas le tapage ; amour qui ne s’impose pas mais qui se propose à Marie, représentante de l’humanité en sa maison de Nazareth. Rencontre intime dans la lumière de la prière entre l’ambassadeur du Seigneur, Gabriel, et Marie, choisie de toute éternité. Échange dans la liberté et l’intelligence. Dialogue dans la joie de l’Esprit Saint : « Le Seigneur est avec toi, sois sans crainte ».
La manière de faire de Dieu à l’Annonciation nous manifeste le cœur de Dieu où il n’y a point de domination. Là où il y a de la domination et de la volonté de puissance, Dieu n’y est pas.
Plongé dans la culture médiatique, l’homme contemporain risque de se faire illusion en pensant que seul existe ce qui est montré de manière spectaculaire dans les réseaux sociaux.
« Vraiment tu es un Dieu qui se cache », s’était exclamé le prophète Isaïe (Is 45, 15).
Le poète Christian Bobin a bien décrit cette expérience du ressenti de la vie dans la discrétion, quand il écrit : « La vie ne va jamais se montrer là où il y a la puissance affichée, là où il y a une puissance montrée, costume d’une fonction, d’une représentation ; l’espace vivant se restreint comme un animal farouche, comme une bête qui craint les chasseurs. Rien de vivant ne passe. L’espace du vivant diminue ».
La force de l’amour de Jésus le Christ se manifestera lors de sa résurrection, quand il sortira vivant du tombeau par l’énergie de l’Esprit Saint sans témoins oculaires. Le commencement du Salut à l’Annonciation dans la discrétion s’accorde avec la résurrection de Jésus dans la nuit pascale et avec les apparitions aux apôtres et aux disciples.
A l’Annonciation, le Fils de Dieu entre dans la vie des hommes, petit et humble. Mystère d’abaissement. Pour sauver l’homme, le Fils de Dieu devient homme. L’Éternel entre dans le temps. Le Très-Haut devient le très-bas, dans la crèche de Bethléem. Le Saint partage la condition des pécheurs. Le Dieu incorruptible entre dans la mort pour revêtir l’humanité de la gloire perdue par le péché. Dieu qui donne la vie se reçoit d’une femme, Marie, qui l’accueille dans son sein maternel et le façonne avec ses mains de tendresse, sa voix et son amour. Dieu, Sagesse, apprend un métier de la part d’un homme, Joseph, charpentier-forgeron.
Le Fils de Dieu se donne en se recevant.
Mes frères, mes sœurs, qu’il est difficile d’adhérer à ce mystère de l’Incarnation, originalité de notre foi. Il nous faut tout un cheminement pour passer des croyances religieuses à l’Évangile du Fils de Dieu fait homme, crucifié et ressuscité pour nous sauver de nos péchés. « Scandale pour les Juifs, folie pour les païens », écrira saint Paul (1 Cor 1, 23), mais sagesse de Dieu.
L’archange Gabriel avait annoncé à Marie l’avènement du Messie, qui serait « grand », Fils du Très-Haut », sur le trône royal de David, son ancêtre. Nous comprenons le désespoir des disciples d’Emmaüs qui s’attendaient à une victoire militaire : « Nous espérions, nous, que c’était lui qui allait délivrer Israël » (Lc 24, 21). Voilà que la croix est devenue son trône, l’élévation sur la croix son élévation en gloire, Jésus, le Très-Haut, a été mis en terre, enseveli. Son règne qui ne devait pas avoir de fin s’est éteint dans un dernier soupir sur le Calvaire. Le Saint a subi les moqueries des pécheurs. Les ténèbres ont enveloppé la terre.
Dans le cœur du monastère bénédictin de Palacios de Benaver en Castille (Espagne), les fidèles louent le Seigneur en contemplant un beau tableau de Noël : la Vierge Marie se penche vers l’Enfant-Jésus couché sur la croix, placée sur la paille de la crèche.
Nous aimons la culture de Noël, la musique et les traditions, le folklore et les décorations, les cadeaux et la solidarité. Mais demandons à Dieu la grâce de contempler et d’entrevoir le grand mystère de son amour pour les hommes, amour caché et présent en nos cœurs. Le fils de Dieu qui a fait sa demeure en Marie, demeure en nous par la foi. La pauvreté de la crèche de Noël annonce déjà la croix. Le message de l’archange Gabriel à Marie nous oriente déjà vers l’allégresse de la résurrection. L’abaissement et l’humilité du Fils de Dieu font resplendir sa grandeur divine mieux que l’immensité des cieux.
Le saint pape Jean-Paul II qui a traversé l’allée centrale de notre cathédrale au mois de mai 1989, nous a légué cette belle formule, résumé de notre foi : « Jésus-Christ est le visage humain de Dieu et le visage divin de l’homme ».
Réjouissons-nous !
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